Par
Laurène Fertin
Publié le
13 oct. 2025 à 12h43
C’est l’histoire « d’un petit et d’un grand ». D’une main qui compose les instru, d’un ado qui pose sa voix. Une rencontre et un court instant qui a permis de créer la chanson Yoka, cet été. Un banger né à la Maison verte du quartier de Villejean avec Salif, 13 ans, et Keelan Rezzik, 33 ans, artiste, producteur et animateur du Music Lab, un studio de musique qui accueille les jeunes… Et fait naître les talents.
« J’ai envie de chanter »
« Salif est arrivé à la Maison verte quand j’étais en train de composer une instru électro sur mon PC », rembobine Keelan Rezzik – Mowdee, de son nom d’artiste. « Ils étaient trois copains assis dans le fond du studio, sur un canapé. Et puis là, Salif m’a dit : ‘J’ai envie de chanter’. »
Je lui ai alors passé un micro, comme ça, sans trop y croire au début. Je me suis dit tiens, pourquoi pas, sur l’électro ça peut être original.
Keelan Rezzik (Mowdee)
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Salif – de son vrai prénom, Salifou – pose alors sa voix de façon naturelle. Les paroles arrivent en soussou, un dialecte parlé en Afrique de l’Ouest. D’origine guinéenne, le jeune garçon, en classe de 5ᵉ, est en effet arrivé à Rennes depuis deux mois.
Et comme pour beaucoup de jeunes qui s’y rendent, la Maison verte représente un lieu d’accueil, d’échanges, de liberté. Au Music Lab, on compose, on chante, on se teste. Salifou, comme les autres, s’essaie, lui aussi, au chant.
Le Music Lab
Le Music Lab de la Maison verte accueille tous les jeunes, dont une majorité âgée de 13 à 17 ans, du mardi au mercredi de 11h à 17h. Keelan, qui habite le quartier depuis 33 ans, est devenu animateur en décembre 2024. PC, enceintes, clavier… Ici, c’est la curiosité qui prime et chacun peut découvrir la musique à son rythme.
« Je savais que je tenais quelque chose »
Salif se cale sur le rythme et ouvre la voix… En quelques instants, il mène le morceau avec une facilité déconcertante.
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Ça fait plus de 10 ans que je fais de la musique, je n’ai jamais vécu ça. C’est un moment que tous les artistes attendent. Je savais que je tenais quelque chose.
Keelan Rezzik (Mowdee)
« Le résultat est bluffant, c’est incroyable ce qu’il a fait. La phonétique de la langue colle pile-poil avec cette instru quasi vide au début, y a juste une basse et des drums [batteries, N.D.L.R]», abonde Keelan.
Côté registre, Yoka est à classer du côté de la gangsthouse : « C’est un peu les deux contraires : le Nord et le Sud, le hip-hop et l’électro… Des genres qui ne se ressemblent pas forcément, qui sont aux antipodes, mais que j’essaie de relier. Il y a toujours un dénominateur commun : une basse dans la house, le franc-parler d’un rappeur. »
Succès sur TikTok
Postée sur TikTok, la vidéo de Yoka dépasse très rapidement ses créateurs. « Au départ, il y avait 300 vues », se souvient Keelan. « Et le lendemain, en ouvrant l’appli, j’ai vu des chiffres rouges partout [des notifications, N.D.L.R]. J’ai paniqué et je me suis demandé si j’avais bien enregistré dans le studio le morceau, pour ne pas le perdre. »
Faites percer ce son c’est une dinguerie #fyp #rap #performance #producer
Aujourd’hui, la vidéo sur TikTok comptabilise plus de 270 000 vues. « Il n’y a pas eu de promotion, ni de ads [publicités, N.D.L.R] il n’y a rien eu du tout. Le morceau a vraiment pris organiquement », sourit Keelan.
Il faut dire qu’il est impossible de ne pas écouter Yoka sans accompagner le beat d’un mouvement. D’ailleurs dans le studio, Salif bat toujours la mesure avec ses pieds…
Le rythme, l’innocence, la facilité
Salif était très à l’aise. Il a le sens du rythme. Je peux changer de BPM (battements par minute) de dix points en haut ou en bas, il va suivre.
Keelan Rezzik (Mowdee)
Et si les paroles n’ont pas encore révélé tout leur sens par Salif, parti ce jour-là en impro, qu’importe : « On est là pour kiffer le morceau et danser », résume Keelan. « Les mots ne sont pas forcément importants. »
« L’innocence », « la facilité » avec laquelle le jeune garçon a réussi à créer un son résonnent en effet bien plus. « Ce sont des moments bruts, authentiques », souligne Mowdee.
Bientôt un album ?
L’artiste, qui a notamment fait une partie de sa carrière à Paris avant de revenir dans son quartier de cœur, à Villejean, dans lequel il habite depuis tout petit, songe à l’avenir… « Je suis contacté par des producteurs de musique », expose Mowdee.
Pas de précipitation toutefois. Même si Salif n’est pas contre l’idée d’un album. « J’aimerais bien », glisse le jeune homme, sourire aux lèvres.
Yoka est disponible sur toutes les plateformes. Pour l’écouter, c’est ici.
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