À Marseille, José Allegrini est un nom qui parle. Ancien bâtonnier admiré par ses confrères, homme de réseaux redouté par ses adversaires, l’avocat natif de Bastia était une figure historique de la « Gaudinie ». Un allié de la première heure, qui se verra confier par l’ancien maire, décédé en mai 2024, des délégations de prestige : adjoint délégué au Bataillon des Marins-Pompiers, adjoint à la sécurité et à la police municipal, médiateur de la Ville… Il était encore colistier de Martine Vassal (DVD) dans les 6e/8e aux dernières élections municipales, en 2020, et l’un des porte-parole de la liste de la candidate à la mairie.
Mais aujourd’hui, le ténor de 77 ans voit sa réputation sérieusement entachée. Selon les informations de Marsactu, que La Provence est en mesure de confirmer, l’avocat est visé par une plainte pour agression sexuelle déposée en décembre 2024 par une greffière. Les faits remontent à décembre 2018, peu après le drame de la rue d’Aubagne, et se seraient produits dans l’enceinte même du tribunal judiciaire de Marseille. « José Allegrini, que je connaissais par ailleurs, s’était mis à venir plus fréquemment au tribunal. Je travaillais sur les accidents collectifs. Pour moi, il venait aux informations. », a raconté Marie*, la victime, à nos confrères. Mais ce jour-là, alors qu’elle est au téléphone, le septuagénaire déboule dans son bureau « sans que je l’y autorise ». « Il a commencé à faire des va-et-vient comme un lion en cage. Je me suis approchée pour lui dire bonjour tout en étant toujours au téléphone. Je lui tends la joue et là, il m’empoigne les fesses et se frotte contre moi. Puis, il se met à me lécher du cou à l’intérieur de l’oreille ».
Six ans plus tard, la quadragénaire s’est décidée à déposer plainte. Après des années de sidération et une vie personnelle impactée par ce traumatisme, le déclic s’est produit « un jour précis de 2024 ». « Je me suis retrouvée au même endroit que lui, contrainte de lui faire la bise. Je me suis dit qu’il fallait que je le fasse, que sinon, je traînerais cette histoire toute ma vie. Voyant la prescription arriver, je me disais que j’allais être éternellement la fille qui n’a rien fait. »
Le témoignage accablant d’une juge d’instruction
Placé en garde à vue en juin dernier dans le cadre d’une enquête préliminaire dépaysée à Aix, compte tenu des entrées du notable dans la cité phocéenne, José Allegrini aurait « reconnu les faits », « il a juste un peu minoré », indique une source judiciaire.
Il faut dire qu’outre des éléments de l’enquête corroborant les accusations de Marie, un deuxième témoignage, sur des événements aujourd’hui prescrits, était venu singulièrement alourdir le dossier. Il émane d’une juge d’instruction actuellement en poste à Marseille. L’agression se serait produite à l’époque où elle était jeune stagiaire au sein de cabinet d’avocats de José Allegrini -« J’avais 26 ans et lui 47″, a-t-elle raconté. « Quand j’ai appris ce qui était arrivé à cette greffière, ça a éveillé un sentiment de culpabilité en moi. Je me suis dit qu’il fallait que j’apporte mon éclairage ». Et de livrer, à son tour, un récit accablant : « Il me propose de m’emmener sur le procès Furiani […]. On rentre en taxi et il me propose de me raccompagner chez moi. Il essaie alors de m’embrasser de force, m’empoigne et je suis obligée d’opposer une force physique importante pour le repousser. »
José Allegrini ne se serait pas arrêté là : « Une collaboratrice me demande quelques jours plus tard de lui apporter un dossier au conseil de l’Ordre. Là, il tente à nouveau de m’embrasser de force. Ensuite, un processus de harcèlement sexuel, de considérations sur ma vie sexuelle supposée, de réflexions sur mon physique, de mains sur le genou s’est enclenché. Il m’a offert lors de mon départ une affiche : celle du film Harcèlement où Demi Moore est à califourchon sur Michael Douglas ».
Contacté ce lundi 13 octobre, Fabrice Giletta, l’avocat de José Allegrini, s’est contenté d’un commentaire laconique : « Afin de ne pas interférer avec une procédure en cours, mon client ne souhaite, à ce stade, faire aucun commentaire ».
Selon nos informations, l’enquête est désormais bouclée et la décision du parquet d’Aix-en-Provence sera rapidement connue. Un classement sans suite de l’affaire étant exclu, deux options restent sur la table : une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), en d’autres termes un « plaider-coupable » ou une convocation devant le tribunal correctionnel. Dans ce cas, José Allegrini risquerait jusqu’à 5 ans de détention et 75 000 euros d’amende.