

Le profil Haut Potentiel Intellectuel (HPI) fascine. Derrière le sigle se cachent des personnes dont le quotient intellectuel dépasse 130, mais aussi, et surtout, un fonctionnement mental intense, rapide, souvent envahissant.
Ce haut rendement cognitif, qui favorise la créativité et la curiosité, a un revers : l’hyperactivité mentale. Et c’est souvent au moment du coucher que cette agitation se fait la plus sentir.
Alors que beaucoup voient la nuit comme une parenthèse de détente, les HPI abordent cette transition avec un cerveau encore en pleine effervescence.
La psychologue Arielle Adda, spécialiste de la précocité intellectuelle, l’explique dans Le Figaro Étudiant : « Les personnes surdouées repensent souvent aux événements de la journée, aux erreurs qu’elles auraient pu éviter. Leur perfectionnisme amplifie tout. » Cette hyperlucidité, typique des symptômes d’un HPI, rend l’endormissement plus difficile.
Symptômes d’un HPI : un cerveau en ébullition jusqu’au bout de la nuit Lire pour calmer l’esprit : un rituel apaisant… et paradoxal
Face à ce tumulte intérieur, beaucoup de HPI trouvent refuge dans la lecture. Ce rituel du soir leur permet de canaliser le flot d’idées, de recentrer l’attention sur un récit, une pensée extérieure. Ce moment d’apaisement devient une soupape mentale, une manière de “faire redescendre la pression” intellectuelle.
Mais cette stratégie a ses limites. Ce qui commence comme une simple page se transforme souvent en un long voyage nocturne. « Le problème, c’est que la lecture, en les apaisant, les stimule aussi », souligne Arielle Adda. Le plaisir intellectuel prend alors le pas sur le besoin biologique de repos.
Ce rituel n’est donc pas un “symptôme” au sens pathologique du terme, mais une manifestation naturelle du fonctionnement cognitif des HPI : un esprit avide de sens, toujours en éveil, même dans le silence de la nuit.
Le sommeil des HPI : ce que disent les études
Si les habitudes de lecture relèvent surtout de l’observation clinique, plusieurs études françaises ont exploré les particularités du sommeil chez les HPI.
Une recherche publiée dans L’Encéphale (Elsevier Masson, 2014) et consultable sur EM-Consulte montre que les enfants à haut potentiel présentent un pourcentage plus élevé de sommeil paradoxal (la phase des rêves) que les enfants du même âge non HPI. Cette phase, où le cerveau trie et intègre les informations, serait plus marquée chez eux, ce qui pourrait expliquer une activité mentale plus intense la nuit.
Autre donnée importante, les troubles du sommeil sont beaucoup plus fréquents. Une étude menée à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR, 2020) relève que 84 % des enfants HPI présentent des difficultés d’endormissement, des cauchemars ou des réveils nocturnes, contre environ 23 % chez les enfants neurotypiques. Ces résultats confirment ce que les cliniciens observent depuis des années, les HPI ont un sommeil plus agité, plus fragmenté, parfois moins réparateur.
Le Dr Olivier Revol, pédopsychiatre au CHU de Lyon, l’explique depuis longtemps : le cerveau des HPI “ne se débranche jamais complètement”. Il observe chez ces profils un endormissement retardé, une activité mentale persistante et un besoin moindre de sommeil profond. Des tendances, toutefois, à interpréter avec prudence car elles varient selon les individus, l’âge et le niveau de stress.
Le paradoxe du haut potentiel : dormir, un luxe mental
Pour beaucoup de HPI, dormir peut sembler presque contre-nature. “Perdre du temps” à ne rien faire est souvent vécu comme une frustration. Leur curiosité sans fin les pousse à prolonger la journée par des activités cognitives : lecture, réflexion, visionnage de documentaires, écriture… Ce besoin de stimulation constante fait partie des symptômes d’un HPI les plus discrets, mais aussi des plus révélateurs.
Cette hyperactivité nocturne n’est pas sans conséquences. À long terme, elle peut entraîner une fatigue chronique, une irritabilité accrue, voire des troubles anxieux. Le manque de sommeil affecte la concentration et accentue la sensibilité émotionnelle, déjà élevée chez ces profils.
Pour autant, la lecture du soir n’est pas à bannir. Elle peut devenir une alliée, à condition de la ritualiser intelligemment : choisir des ouvrages légers, limiter le temps de lecture, éviter les écrans et donc la lumière bleue avant de se coucher, et instaurer un moment de respiration avant d’ouvrir son livre.
Un rituel révélateur, mais pas un diagnostic
La lecture avant le coucher est souvent présentée comme “typique” des HPI, mais il faut éviter les amalgames. Beaucoup de personnes non HPI adoptent cette même habitude. Ce qui la rend spécifique chez les hauts potentiels, c’est le contexte mental dans lequel elle s’inscrit. Un besoin de calmer un cerveau qui refuse le silence, de combler le vide cognitif, de donner du sens avant de s’abandonner au sommeil.
Ce rituel n’est donc ni une pathologie ni un critère diagnostique. Il s’agit d’un reflet du mode de fonctionnement global du HPI, fait de curiosité, de perfectionnisme et de pensée foisonnante.
À SAVOIR
Une étude publiée dans Frontiers in Public Health (2024) a montré que la régulation émotionnelle faible (la difficulté à identifier, comprendre et gérer ses émotions) est associée à une mauvaise qualité de sommeil, notamment une plus grande latence d’endormissement.


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