Répondant à un appel national du Mouvement Associatif, les assos strasbourgeoises se sont rassemblées sur la place de la République ce samedi 11 octobre. Elles alertent sur leur situation financière alors que de nouvelles coupes budgétaires se profilent pour 2026.
« Nous n’avons pas pour habitude de manifester, en tout cas pas pour défendre le simple fait d’exister ! » Au micro ? Tristan Boursico, avec, sur la place de la République, plus de 300 personnes, dont de nombreux/ses salarié(e)s et bénévoles du monde associatif. « Les assos sont toujours les premières victimes des coupes budgétaires aveugles », reprend le président de la Maison des Associations.
Tristan Boursico et Piero Calvisi prennent la parole place de la République. © Adrien Labit / Pokaa
Baisse des financements publics et privés, trésorerie en berne, charge de travail en augmentation pour les salarié(e)s et les bénévoles : le monde associatif craint pour son avenir.
Ce samedi 11 octobre, à l’appel du Mouvement Associatif, des rassemblements étaient organisés dans toute la France, une première dans le pays. « Si vous êtes là, c’est que vous savez que ça ne tient plus », lance Piero Calvisi, président d’Alsace Mouvement Associatif, à la foule.
© Adrien Labit / Pokaa
Crise des financements
« C’est une lame de fond, explique Piero Calvisi. Ça fait 30 ans que je suis dans la vie associative et c’est la première fois que je vois autant de pessimisme. » Pour le président d’Alsace Mouvement Associatif, c’est la baisse des financements publics qui provoque cette inquiétude. « L’annonce des 40 milliards d’économies à venir ne peut que nous inquiéter, parce que nous sommes déjà fragilisés. »
Selon une étude du Mouvement Associatif, un tiers des associations disposent de moins de trois mois de trésorerie. « On n’est pas à l’abri de dépôts de bilan ou de cessations de paiement, n’importe quel coup dur peut faire vaciller les associations. »
Piero Calvisi, président d’Alsace Mouvement Associatif. © Adrien Labit / Pokaa
« En Alsace, début octobre, certaines structures attendent encore le versement de leurs subventions 2025 alors que les projets ont déjà été engagés », explique le militant associatif. « On commence à voir des associations qui licencient ou ne renouvellent pas les contrats », poursuit Tristan Boursico. L’Alsace compte 33 000 associations qui emploient 57 000 personnes, et en France, plus d’un(e) salarié(e) sur 10 travaille dans une association !
« Nous sommes des acteurs économiques à part entière, mais nous ne sommes pas les mieux reconnus, reprend Piero Calvisi. Sur 211 milliards d’euros d’aides aux entreprises, seuls 16 milliards ont été fléchés vers les associations et l’économie sociale et solidaire. »
Tristan Boursico, président de la Maison des Associations. © Adrien Labit / Pokaa
Il estime qu’en Alsace, les associations qui sont en liens avec les collectivités territoriales ne sont pas, à ce jour, les plus en difficulté. « Par contre, quand les collectivités se verront réduire leur budget par l’État, ça va commencer à craquer. Elles devront faire des choix budgétaires qui ne seront pas forcément favorables aux assos. »
Tristan Boursico poursuit : « Les associations n’ont pas bénéficié de la hausse des dépenses publiques, nous ne voulons pas être la variable d’ajustement de choix budgétaires. »
© Adrien Labit / Pokaa
Des associations sous tension
Dans le domaine de la solidarité, la situation est particulièrement critique : la pauvreté augmente, les moyens diminuent et les bénévoles s’épuisent. « C’est l’effet ciseau, explique Maxime Grillet, salarié de Caritas Alsace. C’est de plus en plus difficile pour nous d’aider les personnes en précarité. »
Si la structure caritative est financée par des dons, elle dépend pour partie de financements publics. « Ce qui est difficile, c’est le manque de visibilité sur les subventions. On est dans une incertitude, on ne peut donc pas se projeter dans un avenir à moyen ou long terme. »
Steve, bénévole de l’association Lianes est venu défendre son asso. © Adrien Labit / Pokaa
« Aujourd’hui, on se retrouve dans une galère sans nom, témoigne Anne Trotzier, directrice de l’association Lianes. On reçoit les subventions de plus en plus tard et on n’a pas la trésorerie qui nous permet d’attendre aussi longtemps. » Alors qu’elle est la seule structure locale à proposer un service de pension pour les animaux des personnes en difficulté sociale, Lianes craint pour son avenir.
L’asso a déjà dû mettre fin à sept contrats aidés d’insertion faute de financements et se demande comment poursuivre son activité avec seulement trois salarié(e)s. « On fait quoi ? On réduit notre capacité d’accueil ? On refuse des demandes ? On laisse des gens dans la mouise ? Derrière tout ça, ce sont des drames humains. »
Les salarié(e)s et les bénévoles de l’association Lianes se sont mobilisé(e)s en nombre. © Adrien Labit / Pokaa
« Sans nous, la société ne tiendrait pas »
Dans la foule, une pancarte pose la question : c’est quoi un monde sans associations ? Pour Piero Calvisi, la réponse est sans appel :
« C’est un monde où on ne s’épanouit plus dans le collectif, où les enfants ne vont plus à la crèche parentale, où il n’y a plus de clubs de sport, plus de périscolaire, où il n’y a plus d’Ehpad associatifs, où il n’y a plus de militants pour défendre des causes… C’est un monde triste où l’on perd le sens du collectif et où l’individualisme nous tue. »
© Adrien Labit / Pokaa
Le militant associatif espère trouver un chemin pour « sauver les essentiels » et veut rester positif. « Un mouvement collectif où l’ensemble des associations s’unissent pour dire que sans nous la société ne tiendrait pas, cela me donne de l’espoir. »
Même son de cloche chez Tristan Boursico, qui voit dans cette première mobilisation nationale du secteur associatif un sursaut indispensable. « Il n’y a pas encore de plan social généralisé, mais il ne faudrait pas grand-chose pour que ça déraille. On veut absolument l’éviter et c’est pour ça qu’on se mobilise aujourd’hui. »
© Adrien Labit / Pokaa