Par
Cédric Nithard
Publié le
13 oct. 2025 à 17h05
Nathalie Oziol a fait officiellement son entrée dans la campagne des municipales. La député de l’Hérault entend mener à Montpellier une liste d’union populaire contre le maire socialiste Michaël Delafosse au nom de La France Insoumise. Le contexte national pourrait toutefois la conduire à d’autres échéances comme l’a une nouvelle fois répété Manuel Bombard. Le député des Bouches-du-Rhône et coordinateur national de La France Insoumise était ce dimanche 12 octobre à Montpellier aux côtés de Nathalie Oziol pour un meeting de lancement de campagne. Mais pour quelle campagne ?
De Macron à Delafosse
Difficile en ce dimanche ensoleillé de savoir ce qui occupe le plus les têtes. Les élections municipales, sujet du meeting du jour ? De possibles futures législatives ? Voire une éventuelle présidentielle anticipée ? À La France Insoumise, on a pris l’option de ne pas choisir. « À La France Insoumise nous sommes en campagne permanente, nous préparons toutes les échéances. Normalement, il y aura les municipales les 15 et 22 mars mais on ne sait pas si d’ici là il n’y aura pas une élection législative anticipée ou peut-être une présidentielle anticipée qui ferait franchement du bien à ce pays » souffle Nathalie Oziol. À Celleneuve, l’esplanade Léo Malet se remplit timidement une heure avant ce meeting de lancement de campagne municipale de la députée de l’Hérault auquel Manuel Bompard, qui près avoir passé ces derniers jours à faire le tour des plateaux télé, vient jouer les soutiens de poids.
Cinq minutes avant l’heure prévue pour le début du meeting et quarante après une invitation à une conférence de presse, sans excuses ni explications quant à ce retard, Nathalie Oziol, entourée de son homologue des Bouches-du-Rhône et des trois autres co-chefs de file Livia Jampy, Antoine Bertrand et Rhany Slimane, ainsi que le maire de Grabels René Revol, apparait face aux micros et caméras. « Nous sommes en opposition à la politique macroniste de la même façon que nous voulons rompre avec la politique de ceux qui sont ses relais locaux comme le maire de Montpellier Michaël Delafosse » tonne l’Insoumise qui assène : « Le règne du monarque présidentiel, ça suffit ! Cela vaut aussi pour les petits monarques locaux qui pensent qu’ils peuvent gouverner sans rendre de compte à personne, avec le plus grand des mépris et en s’étonnant que les gens soient mécontents de leurs politiques comme c’est le cas avec Michaël Delafosse. On retrouve les mêmes critiques chez Emmanuel Macron. C’est, en quelque sorte, la 6e République à l’échelon municipale que nous allons défendre ».
LFI vs PS
Après être revenu longuement sur la situation nationale, Manuel Bompard est invitée à se pencher sur celle de Montpellier. « Si toutes les personnes qui nous ont accompagné au moment des élections européennes se mettent à nouveau en mouvement pour les élections municipales on peut faire en sorte de tout changer et de rendre le pouvoir aux habitants de cette ville qui doit être à leur service et apporter des réponses aux urgences sociales. Je viens dire aux Montpelliéraines et Montpelliérains qu’ils ont l’opportunité aux élections municipales d’obtenir un changement de politique et cela passe par la mobilisation. Les sujets nationaux et les sujets municipaux ne sont pas déconnectés les uns des autres. Si vous êtes cohérents dans votre vote, il peut y avoir une très bonne surprise à Montpellier » lance le coordinateur national.
Aux premières loges des guerres entre LFI et le PS, Manuel Bompard est clair quand à l’échéance de mars. « J’entends parfois que l’exemple de Montpellier est pris pour illustrer une soi-disant volonté de LFI de s’attaquer au PS aux élections municipales. Mais, pardon, Montpellier n’appartient pas au PS, Montpellier appartient aux Montpelliéraines et Montpelliérains et ceux eux qui choisiront entre les différentes options ». Et de poursuivre l’offensive : « J’entends Monsieur Delafosse dire qu’il n’est pas question de travailler avec LFI mais en même temps que LFI ne devrait pas présenter de liste car c’est Monsieur Delafosse le maire sortant. Les 25% de Montpelliérains qui ont voté pour LFI aux Européennes ont peut-être leur mot à dire à l’élection municipale ? Mon intention n’est pas de rentrer en polémique avec qui que ce soit mais de dire aux Françaises et aux Français, et là en particulier aux Montpelliéraines et Montpelliérains qu’ils auront le choix aux élections municipales ». Le ton est donné.
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Reste que LFI n’est pas le seul à gauche à cibler Michaël Delafosse. Les Verts et Cause Commune défendent la même stratégie. « Je tends la main à tous ceux qui se retrouvent dans un programme de rupture à la politique désastreuse de Michaël Delafosse. Ce qui compte c’est quel est le message que l’on veut envoyer au soir du 1er tour. Je pense que plus on est rassemblés, plus on a de chance d’être en tête au soir du 1er tour. On partage des positions avec les Verts et Cause Commune dont Alenka Doulain a participé à plusieurs campagnes de LFI et, évidemment je le redis, elle a toute sa place dans la liste de LFI » précise Nathalie Oziol. La volonté étant de « construire localement un programme du Nouveau Front Populaire et une liste d’union populaire. Il nous reste désormais à construire la liste, ouverte, capable de rassembler des figures associatives, syndicales, qui représentent des luttes à Montpellier. C’est ce que nous appelons faire union populaire ».
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Des discussions qui passeront nécessairement par traiter la question du CSR. Les Verts y sont opposés et ciblent l’insoumis René Revol qui conduit la politique des déchets et défend le dossier à la Métropole face notamment à Alenka Doulain. « Le PS, de Georges Frêche à Michaël Delafosse, est responsable de la situation désastreuse du traitement des déchets. On est coincés, on n’arrive pas à trouver de solution optimale alors ils prennent des décisions dans l’urgence. Alors oui le CSR pose question, ne rien faire du tout pose encore plus question » botte en touche Nathalie Oziol qui tend la main à Jean-Louis Roumégas, non sans une petite claque au passage après avoir rappelé qu’il était à l’origine de la création d’Ametyst : « On se retrouve sur un grand nombre de sujets et on a plutôt des luttes en commun qui mériteraient que l’on se mette autour de la table et discuter. J’ai plutôt l’impression qu’il utilise ce prétexte pour ne pas faire liste commune ».
Des Verts que l’Insoumise incite très fortement à se rallier à sa cause. « Lors des dernières élections nous avons proposé des listes communes. Aux européennes, on leur a proposé et ils se sont effondrés à Montpellier et nationalement. Aux régionales, ils ont refusé et, résultat, ni eux ni nous n’avons d’élu au conseil régional de Carole Delga. Tirons le bilan des erreurs et mettons nous au travail ensemble. Cela ne nous empêche pas d’avancer en attendant, on ne va pas rester paralysés ». Le meeting prévu à 15h, prenant une quinzaine de minutes de retard, clap de fin pour les journalistes après vingt minutes d’échange en grande partie consacré à la situation nationale. Les municipales attendront même si on l’aura compris, tous les sujets sont mêlés et surtout propices à taper sur le PS.
Logements, jeunes et quartiers populaires
Entre temps, l’esplanade s’est remplie. Près de 400 personnes sont venus assister à ce lancement de campagne. Aux côtés des habitants du quartier, beaucoup de jeunes et d’étudiants, des militants pro-Palestine BDS en tête et des représentant de la plupart des mouvements et syndicats qui soutiennent cette cause. À la tribune, les co-chefs de file s’enchaînent. Antoine Bertrand attaque sur le logement « symbole de l’inaction de cette municipalité » en appuyant : « 3 000 personnes sont à la rue alors qu’il y a 18 000 logements vacants. C’est la honte de cette municipalité ». Ce dernier évoque donc la mise en place d’un plan d’urgence sur le logement avec ambition notamment de « relancer le logement sociale » et mettre fin à « cette carte postale vide » illustrée par les Folies.
Nathalie Oziol ne s’est pas privée de taper dur sur Michaël Delafosse. (©CN / Métropolitain)
Étudiante syndicaliste, Livia Jampy prend à bras le corps le sujet de la jeunesse. Dressant un constat sans appel, elle fustige : « Comment peut-on parler de Montpellier comme d’une ville étudiante quand on n’est pas capable d’accueillir dignement les étudiants ? » et de taper sur Michaël Delafosse quant à la question du logement des étudiants, en rappelant qu’il a été délégué à l’urbanisme (2011-2014), elle juge : « Il n’y a pas eu d’erreurs ou d’oublis mais des décisions politiques choisies ». Après avoir évoqué le soutien à la Palestine, Livia Jampy conclut sur l’importance de s’inscrire sur les listes électorales et d’appeler les jeunes à se mobiliser.
Comme une évidence, Rhany Slimane déroule la thématique des quartiers populaires en ironisant sur le lieu du meeting. « La municipalité a un programme qui s’appelle Reconquérir Celleneuve mais il n’y a rien à reconquérir ici. Nous, on va reconquérir la mairie pour redonner la parole aux habitants ». Afin de construire le programme, une grande campagne sera organisée dans les quartiers populaires avec des questionnaires pour faire remonter les demandes. « Ce sont des gens que viendra la solution, pas d’un homme seul, d’un guide suprême, et certainement pas de Michaël Delafosse » souligne Rhany Slimane qui entend défendre « la dignité des gens qui vivent dans ces quartiers populaires ». Selon lui : « Les forces politiques n’ont jamais pris en compte les aspirations des habitants » c’est pourquoi il est « heureux que la campagne parte de la base, de ceux qu’on n’écoute jamais ».
Haro sur le PS et Michaël Delafosse
À son tour, Nathalie Oziol a tapé dur sur Michaël Delafosse, dont « le bilan du mandat est désastreux », notamment accusé, en prenant pour preuve l’épisode « des rochers anti-sdf« , de mener « une politique antisociale » ou, cette fois avec celui de la manifestation des ATSEM devant la mairie, d’être « le maire du mépris ». Son soutien au LIEN et au COM témoignerait d’une politique anti-écologique et certains projets pour la bétonisation, les 4 boulevards du manque de concertation et de pointer « tandis qu’il nous traite nous à LFI d’être populiste et traite de connards les habitants qui gueulent contre les travaux et se mobilisent contre sa politique ». La députée socialiste Fanny Dombre-Coste en prend aussi pour son grade coupable d’avoir « été élue sur le programme du Nouveau Front Populaire et (de n’en avoir) jamais rien eu à faire. Si elle et son parti avaient voté les motions de censure, on aurait pu faire tomber les gouvernements avant. Je serai la candidate qui défend le programme du NFP et en offre la déclinaison locale ». Avec la force de ses résultats aux précédentes élections à Montpellier, « LFI est la première force politique depuis 2022 » appuie Nathalie Oziol qui appelle à « poursuivre la dynamique sur un programme clair de rupture ».
Confortée localement après trois assemblée générale en étant désignée par les militants locaux sur proposition des trois autres co-chefs de file, « Je suis prête à conduire la liste d’union populaire de La France Insoumise » lance-t-elle sous les applaudissements. « De la même façon que je prends ma part pour rompre avec la politique néolibérale macroniste, je suis prête à mener la bataille pour rompre avec les pratiques néfastes des piètres barons locaux du PS qui ont abimé le mandat de maire et le lien avec la population ». Des applaudissements qui prennent de l’ampleur à chaque nouvelle charge à l’encontre du maire. « Il n’a jamais rompu avec la politique macroniste, il a mené campagne contre la NUPES… Nous n’avons rien à voir avec la gauche Printemps Républicain qui instrumentalise de manière honteuse la laïcité pour jeter l’opprobre sur une partie des concitoyens et en partie celle de confession musulman » énumère-t-elle à la tribune mêlant situations national et local. Annonçant vouloir suspendre le jumelage avec Tibériade, elle en profite pour féliciter le maire de Grabels René Revol pour avoir dressé le drapeau de la Palestine sur le fronton de sa mairie. Ce qu’elle aurait fait si elle avait été maire en lançant : « Être Montpelliéraine et Montpelliérain, c’est être solidaire avec tous les peuples opprimés ».
Avec la volonté de « construire un programme de rupture qui soit capable de l’emporter, qui porte l’alternative sociale, écologique et démocratique, qui change la vie des gens », elle souhaite « prendre la mairie pour changer radicalement de modèle, qui demande de prendre des décisions radicales en concertation avec les habitants ». Concluant en citant Paul Valéry, « Quand l’adversaire exagère nos forces, nos desseins, notre profondeur, quand pour exciter contre nous, il nous passe sur nous des couleurs effrayantes, il travaille pour nous », Nathalie Oziol érige LFI en victime : « Continuez madames et messieurs les macronistes, les journalistes, monsieur Delafosse et ses adjoints désoeuvrés à parler de nous, à exagérer nos forces et nos desseins, vous travaillez pour nous. Ils sont l’argent, nous sommes le nombre ». Désormais tête de liste de La France Insoumise aux municipales à Montpellier, la députée de l’Hérault Nathalie Oziol déclare « se tenir prête quelle que soit l’échéance électorale ».
Manuel Bompard : « Ça suffit ! Qu’ils s’en aillent tous ! »
Manuel Bompard est longuement revenu sur la situation déclenchée par Emmanuel Macron. « Le contexte national est très préoccupant. Nous sommes à l’aube d’une semaine cruciale et après une semaine durant laquelle il faut dire que le spectacle a été assez pathétique et affligeant » pointe-t-il en soulignant : « La France Insoumise tient une position claire qui est de respecter le mandat que lui ont donné les électrices et les électeurs l’année dernière lors des législatives. Ils ne nous ont pas demandé d’aller brader l’ensemble de nos convictions politiques pour permettre à Emmanuel Macron de poursuivre dans sa stratégie des coups de force permanents. La renomination de Sébastien Lecornu vendredi soir est d’une irresponsabilité totale venant d’un président de la République enfermé dans son château et qui refuse d’abandonner le pouvoir alors qu’il a perdu toute légitimité ».
Quant aux perspectives à venir, Manuel Bompard annonce : « Évidemment, les députés Insoumis déposeront une motion de censure pour faire tomber le gouvernement et l’on proposera à ceux à gauche qui le veulent de la cosigner. Et parce que la situation de blocage a un responsable aujourd’hui, nous déposerons aussi une motion de destitution du président de la République ». Le député des Bouches-du-Rhône analyse en effet : « Tout le monde a vu cette semaine que, aujourd’hui, la solution passe par le retour aux urnes. En démocratie, quand la situation est bloquée, c’est au peuple de trancher dans les grandes questions qui se posent sur la table pour choisir quelle direction doit prendre le pays ». C’est pourquoi il martèle : « Il est temps de mettre un terme à cette comédie, il faut revenir devant le peuple et lui demander de trancher entre les différentes options politiques qui sont sur la table. Nous sommes prêts à entendre la décision du peuple souverain et à la respecter totalement comme on l’a toujours fait ».
Quant à la solution d’un Premier ministre issu des rangs de la gauche, Manuel Bompard a abandonné l’idée. « Nous n’en sommes plus aujourd’hui à venir quémander au président de la République de nous accorder le pouvoir alors qu’il n’a nullement l’intention de le faire », observe-t-il, « Encore une fois, la question qui est posée est celle de son départ car la situation est d’une gravité absolue. Nous n’avons pas un an et demi à perdre au rythme des gouvernements qui tombent tous les deux ou trois mois. Le pays ne peut pas se payer ce luxe. Les gens en ont assez de ce cirque. Ça suffit ! Qu’ils s’en aillent tous ! Voilà le message que nous avons envie de faire passer. Et ensuite que l’on permette aux Françaises et Français de choisir ». Une conviction couplée à la détermination d’être prêt à partir au combat, quel qu’il soit, et l’emporter.
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