Le dernier de ses sushis – sur Quatre jours sans ma mère de Ramsès Kefi
Une retraitée laisse son mari et son vieux fils en plan. Les deux hommes barbotent alors dans des affres désordonnées : est-ce parce qu’ils ont oublié de lui fêter son anniversaire ? À cause du chat disparu ? Faut-il attendre ou agir ? Un premier roman cocasse et malin qui renouvelle la thématique des origines à l’aune d’une question simple : qu’est-ce que se parler ?
Ça se passe à la Caverne, une cité imaginaire de la banlieue parisienne où Amani et Hedi, partis de Tunisie et passés par Marseille, se sont installé·es en 1978. Ils ont eu un fils, Salmane, à présent 36 ans, qui se présente comme « le plus vieux Tanguy de la Caverne devant Basilio (trente-cinq ans) et Mahieddine (trente-quatre ans). Mais eux, c’est différent. Ils s’occupent de leurs parents malades.
Eux savent plier des pulls. » Ce qui n’est pas le cas de Salmane, infichu de tout : « je suis un sous-fils » s’accuse-t-il. Il a pourtant un « master d’histoire ancienne » mais préfère rester chez ses darons, glander et bosser avec un pote, tenancier du « Chirachid, un fast-food “fusion”, où les menus “sushis” se mêlent aux formules “tajines” ».
Que dire de ce « Chirachid » au nom et au concept foireux (« C’est quoi ça, des sushis et des merguez ? » s’emportera Amani à la fin du livre) ? Qu’on connaît un « Grec algérien » sur le boulevard Barbès, certes, spécialiste en tacos et en crêpes. Mais surtout qu’il ressortit au même genre d’onomastique que la Caverne – assurément platonicienne en plus d’être primordiale – : un type de satire complice, qui dévoile les illusions sans les moquer, plante un pittoresque qu’il démonte dans le même geste. Un réalisme qui tient ferme et qui est à la fois explicitement fictif. À moins que le nom du bouiboui ne soit lui-même auto dérisoire.
Si sa mère a appelé son fils Salmane, c’est que le prénom lui est apparu en rêve : c’était celui d’un ancien et vieux voisin vénéré. Mais quand elle annonce la nouvelle à celui-ci au téléphone, il explose « de rire… il a dû raccrocher tellement il riait. Et il m’a rappelée tout de suite. Salmane n’était pas son prénom. C’était celui de sa tortue. » Encore un farceur. Voilà notre narrateur baptisé de façon ridicule mais néanmoins loin devant Achille dès le début de son récit.
La mère Amani est une femme de tête : comme elle se parfumait avant d’aller travailler, son ancienne cheffe l’avait su
				
	