Par

Glenn Gillet

Publié le

13 oct. 2025 à 18h43

Faut-il s’attendre à une vague de départs au ministère de l’Intérieur d’ici à début 2027 ? L’échéance correspond au déménagement annoncé de 2 700 agents du ministère, principalement sur des postes administratifs dits de « support » des différentes directions (ressources humaines, finances, numérique), depuis le site Lumière, situé dans le 12e arrondissement de Paris, pour « Universeine » à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Ce nouvel écoquartier, sorti de terre en quelques années pour servir de village des athlètes pendant les Jeux olympiques et paralympiques et 2024, et aujourd’hui devenu une zone en développement mêlant logements, bureaux et commerces, dont la halle Maxwell, l’ancienne centrale électrique réhabilitée qui fait partie des futurs nouveaux locaux du ministère de l’Intérieur.

« Il y en a qui n’y sont jamais allés mais ils ont peur »

Le ministère de l’Intérieur vante auprès d’actu Paris un départ vers un « site neuf » de 40 000 m² multilabellisé en matière de construction durable ou encore de réduction d’émissions carbone, doté 8000 m² de surfaces végétalisées, et qui disposera de tout le confort nécessaire : davantage de salles de réunion qu’à Lumière, 45 places de crèche, un restaurant administratif, une cafétéria, une salle de sport… Le déménagement, qui doit se dérouler au premier trimestre 2027, représente aussi un passage d’un espace loué « occupé par de nombreuses autres entités (entreprises, Bibliothèque publique d’information) » à un site dont l’état est 100 % propriétaire. Future adresse : 21-23 allée de Seine.

Mais côté personnel, le transfert ne fait pas l’unanimité. Selon le SNIPAT, l’un des syndicats indépendants des agents du ministère, environ 50 % des agents ne souhaitent pas déménager de leur quartier de Bercy, à deux pas de la sympathique voie pavée commerçante du Cour Saint-Émilion pour rejoindre la Seine-Saint-Denis.

Selon Lassen Miadi, délégué syndical SNIPAT qui fait partie des 2 700 employés amenés à déménager, le département le plus pauvre de France continue de traîner une mauvaise réputation auprès des effectifs, affichant notamment un des taux de criminalité les plus élevés de France (76,7 pour mille habitants en 2024, troisième proportion la plus élevée juste derrière les Bouches-du-Rhône, sur un podium dominé par… Paris).

Le représentant syndical explique que « le lieu peut faire peur à certains. La Seine-Saint-Denis… Saint-Denis… Ça fait peur, c’est clair. Il y en a qui n’y sont jamais allés mais ils ont peur. C’est vrai qu’il y a un peu plus d’actes de délinquances à Saint-Denis qu’à Neuilly-sur-Seine, c’est sûr ». De manière générale, « c’est un département où il y a beaucoup de rotation, où les effectifs ne restent pas, ne s’installent pas. Certains de nos collègues sont originaires de Seine-Saint-Denis et ont fui le département, alors devoir y retourner pour le travail, ça représente un peu un retour en arrière pour eux », confie Lassen Miadi.

Explosion du temps de transport pour les effectifs habitant en banlieue sud-ouest

Autre aspect du mécontentement : le site Lumière étant situé à la limite sud-ouest de Paris, de nombreux salariés présents de longues dates et n’ayant pas les moyens de se loger à proximité de leur lieu de travail sont devenus propriétaires de logements situés dans des zones éloignées du Val-de-Marne, en Seine-et-Marne ou encore en Essonne. La perspective de devoir aller travailler dans le nord de la capitale est donc synonyme de temps de trajet fortement allongés, alors que certains ont déjà plus de 3 heures de route dans la journée.

« Il reste la possibilité de demander à changer de poste pour aller dans des préfectures ou des sous-préfectures dans le sud de l’Île-de-France, mais comme beaucoup de postes ont été supprimés au cours des dernières années, ça risque d’être compliqué s’ils veulent rester au ministère de l’Intérieur », regrette Lassen Miadi.

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A cela s’ajoute que les espaces du site du ministère à Universeine seront des open spaces et que les employés n’auront pas de bureaux attitrés (la fameuse pratique du flex office qui se développe dans les grandes entreprises). Au-delà des enjeux en termes de bruit et de santé au travail que posent ces formes d’organisations, les employés les plus âgés regrettent l’impossibilité de s’approprier leurs futurs locaux. « Ça peut paraître rien mais pour certains, qui sont peut-être d’une autre époque, qui ont fait toute leur carrière ici et qui accrochait les photos des enfants, des petits-enfants, ça pose problème », explique Lassen Miadi.

Reste à voir si les milliers d’agents appelés à déménager se feront une raison d’ici début 2027, lorsqu’ils devront faire leurs cartons pour changer de département.

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