Par

Fabien Binacchi

Publié le

23 avr. 2025 à 9h41

EXCLUSIF. Les ouvriers qui s’affairent depuis quelques jours autour de la « Bonne-Mère » ne souffrent pas du vertige. Heureusement pour eux. Perchés jusqu’à 211m au-dessus du niveau de la mer, qui s’offre, depuis ce toit de Marseille, à perte de vue, ils ont entamé des travaux programmés jusqu’à la fin de l’année, pour lui redonner tout son éclat.

actu Marseille a pu visiter ce chantier, qui va notamment permettre de redorer l’imposante statue de la Vierge à l’enfant, en exclusivité.

Les nettoyeurs haute pression en action

Il aura fallu plus de sept semaines pour installer l’impressionnant échafaudage, 40 t de tubes, de grilles et de plateformes, qui ceinture (et occulte) pour plusieurs mois la « Bonne mère ». Le montage terminé et les contrôles de sécurité validés sur l’ouvrage la semaine dernière, le chantier a pu rentrer dans le dur.

Et si les visiteurs venus prier pour le pape François ce mardi 22 avril ont reçu quelques gouttes, ce n’était pas la pluie, qui a (enfin) levé le camp du ciel marseillais, mais les nettoyeurs haute pression qui tournent à plein régime au-dessus de leur tête.

Sur toute la partie la plus haute de l’édifice, de la « terrasse des Anges » jusqu’à la couronne de la Vierge, le point culminant de Marseille à 211m d’altitude, où les ouvriers se transportent grâce à un monte-charge à la vue spectaculaire et des escaliers grinçants, la pierre blanche de Calissanne (prélevée au nord de l’étang de Berre) est nettoyée.

Un problème de « désagrégation sableuse »

Un précédent chantier colossal, au tout début des années 2000, avait déjà permis de rafraîchir le reste de la basilique. « Les blocs verts des façades, de la pierre d’Italie très fragilisée par la pollution industrielle de Marseille au XIXe siècle et par l’air marin chargé en sel, avaient tous été remplacés entre 2001 et 2003 », rappelle Xavier David, l’architecte de la restauration de Notre-Dame-de-la-Garde.

Ils avaient comme fondus. Par endroits, ils étaient même rongés sur 5cm. Alors, pour que cela ne recommence pas, nous les avions protégés avec un produit hydrofuge que l’on applique de nouveau parce que ce n’est pas éternel.

Xavier David

Pour ces nouveaux travaux, pas besoin de tout remplacer.

Les blocs plans de pierre de Calissane, beaucoup moins fragile, n’ont pas bougé. Les garde-corps et les statues, du même matériau, ont en revanche été abîmés par un phénomène de « désagrégation sableuse ». Les fragments de roche éclatent progressivement et partent en poussières. Il va falloir les traiter.

La « bio-consolidation » à la rescousse

« Ces parties-là ne sont pas régulières. La pluie ne peut pas faire le même lavage que sur les zones lisses », détaille encore Xavier David. Par endroits, la pollution et l’air marin ont donc « grignoté » cette matière calcaire. Si certains drapés sont encore visibles, les Anges ont perdu en détail. Des joints ont été rongés. Alors, comment procéder ?

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L’architecte Xavier David (à g.), sur le chantier, avec des responsables de l’entreprise Girard. (©Fabien Binacchi / actu Marseille)

« Après un profond nettoyage, il y aura une étape de dessalement des parements, détaille aussi Christophe Serna, directeur d’exploitation patrimoine et monuments historiques chez Girard, une filiale de Vinci spécialisée dans ces travaux de restauration. Des compresses vont être appliquées sur la pierre pour en extraire tout le sel accumulé. »

Des phases indispensables avant la mise en œuvre de la dernière étape : « Ce n’est qu’ensuite que nous passerons à la bio-consolidation ». Une invention révolutionnaire née dans les années 1990, qui s’est drastiquement améliorée au fil du temps.

Cela consiste à vaporiser des bactéries qui pénètrent profondément dans la pierre, à les nourrir grâce à des nutriments et à attendre qu’elles meurent. C’est à ce moment-là qu’elles fabriquent de la calcite, de la vraie pierre qui vient consolider l’ensemble d’une façon durable.

Xavier David

Les bactéries en question vont être transportées, jusqu’au chantier, congelées.

Une statue de 10t à l’épreuve du temps

Mais ce chantier de restauration ne s’arrête pas là.

La « Bonne mère » est une vieille dame, érigée jusqu’en 1870 et soumise aux éléments. Et son imposante statue, une sculpture de cuivre conçue en galvanoplastie, à Paris, par la maison Christofle, va être également totalement rénovée. Des pieds à la couronne.

Haute de 9,72m, sans compter son piédestal, et lourde de 9 796 kg, cette Vierge à l’enfant a elle aussi souffert de l’érosion. « Elle avait été redorée pour la dernière fois en 1989 et il était temps de relancer ce chantier », note encore Xavier David, en montrant à actu Marseille les ravages du temps. « Regardez, là, ce n’est pas simplement la première couche et celle de peinture qui ont été attaquées, la structure est aussi abîmée », souffle-t-il.

Cent mètres carrés de feuilles d’or

Dans une deuxième étape du chantier, fin juillet, la statue va être « emballée » dans une bâche « thermosoudée » qui permettra aux artisans de travailler dans une atmosphère confinée, à l’abri des embruns et du mistral. Mise à nu, elle va être réparée dehors mais aussi dedans. « Nous allons en profiter pour procéder au déplombage du mas treillis qui se trouve à l’intérieur », précise Christophe Serna de l’entreprise Girard.

Ce n’est qu’ensuite, à la fin de tous ces travaux, que l’atelier parisien Gohard, spécialiste de la dorure, interviendra. Cent mètres carrés de feuilles d’or vont être appliqués au pinceau, soit plus de 30.000 unités pour un poids total de 500g.

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Xavier David a emmené actu Marseille jusqu’au plus haut du chantier, là où la couronne de la Vierge domine Marseille. (©Fabien Binacchi / actu Marseille)

Ces travaux, qui devraient assurer une nouvelle jeunesse à Notre-Dame-de-la-Gare pour les 30 à 50 prochaines années, nécessitent un budget de 2,8 millions d’euros financés par des dons et des subventions des collectivités locales.

« On termine tout pour fin novembre si tout va bien et tout ira bien », prédit enfin Xavier David dans l’ascenseur du retour. Une inauguration est programmée le 8 décembre.

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