Il est celui par qui la tempête est arrivée. D’un seul tweet, dimanche 5 octobre, Bruno Retailleau a déclenché la chute du gouvernement Lecornu I et entraîné le pays dans une profonde crise politique. Depuis plus d’une semaine, le patron des Républicains semble à contretemps et peine à afficher une stratégie claire pour son parti. En indiquant ces dernières heures qu’il exclurait les ministres de droite participant au gouvernement Lecornu II, le Vendéen a « ajouté de la crise à la crise », soupire un responsable LR. Et si Bruno Retailleau était en train de dilapider tout le capital politique engrangé depuis un an ?
Responsable de l’instabilité
En accédant au ministère de l’Intérieur, sous le gouvernement Michel Barnier en septembre 2024, le discret sénateur de Vendée s’est vu propulser au rang de candidat crédible pour accéder au second tour de la prochaine élection présidentielle. Et depuis des mois, les soutiens du ministre le plus populaire du gouvernement annonçaient une rupture à venir avec la Macronie pour mieux concrétiser ses ambitions élyséennes. Restait à choisir quand et surtout, sur quel sujet ? « Il aurait pu partir sur une ligne de fracture forte, sur le régalien, les visas algériens par exemple, mais faire tomber un gouvernement par orgueil, pour un nom de ministre qui lui déplaît, c’est illisible et casse la dynamique que l’on connaît depuis un an », soupire un responsable LR du sud.
Reconduit dimanche dernier à Beauvau dans le gouvernement Lecornu 1, le premier flic de France a donc remis en cause sa participation d’un message sur X, agacé par la nomination de Bruno Le Maire à la Défense. « Le compte n’y était pas pour LR. Il y a eu une rupture de confiance, Retailleau a été pris au piège », défend Marc-Philippe Daubresse, sénateur du Nord, proche de l’intéressé. Sa décision a provoqué la démission de Sébastien Lecornu, et rapproche le pays d’une nouvelle dissolution, au risque d’apparaître comme le responsable de l’instabilité politique.
Une autorité mise à mal
Et si le bureau politique LR l’a bien suivi, samedi dernier, à une large majorité dans son souhait de ne pas entrer dans la nouvelle équipe de Lecornu, la réunion a fait apparaître d’incroyables tensions internes et des dissensions entre députés et sénateurs. Elle s’est d’ailleurs terminée avec des noms d’oiseaux et plusieurs élus quittant la visio conférence avant de voter.
« Une large majorité de nos députés veut tout faire pour éviter la dissolution, et serait même prêt à accepter une suspension de la réforme des retraites, car ils ont la trouille pour leur poste. C’est »encore quelques minutes, monsieur le bourreau » », s’agace un responsable LR. Malgré le souhait du patron, six élus ont choisi d’entrer ou rester au gouvernement, et non des moindres : Rachida Dati (Culture), candidate LR à Paris, Annie Genevard (Agriculture), présidente de la Commission nationale d’investiture, et le député Vincent Jeanbrun (Ville), porte-parole du mouvement. Un acte d’autorité raté pour Bruno Retailleau, qui a vite annoncé leur exclusion de LR. « En choisissant de rallier le pire des losers de la macronie contre l’avis du bureau, ces élus se sont exclus d’eux-mêmes, ça me semble assez logique », balaie Pierre-Henri Dumont, secrétaire général adjoint du parti.
Pour consolider sa position, Bruno Retailleau a lancé un vote des militants ce lundi et mardi sur le refus de participer au gouvernement… après donc l’avoir déjà acté. Ces errements stratégiques se déroulent sur fond de tensions avec Laurent Wauquiez, qui avait estimé que la chute de Lecornu avait « abîmé » l’image de la droite. « Wauquiez fait tout pour emmerder Retailleau ! », soupire un cadre. Et ça marche. Aux yeux de l’opinion, Bruno Retailleau semble bien être l’un des grands perdants de la séquence politique en cours. Selon un sondage Ipsos BVA-CESI* publié par la Tribune Dimanche, l’ex ministre de l’Intérieur enregistre en un mois une chute de 7 points. Dans le même temps, celle de Sébastien Lecornu a grimpé de 11.