17 Juin 2025. Challenger de Poznan, en Pologne. Valentin Vacherot sert pour rester dans le match face à l’Italien Lorenzo Giustino… et réalise une double faute lunaire. Balle expédiée dans le filet, puis bien au-delà de la ligne de fond. La vidéo devient virale parmi les comptes spécialisés tennis sur X (ex-Twitter). « La pire double faute de l’histoire », écrivent certains. Vacherot, lui, encaisse. À ce moment-là, il pointe au-delà de la 200e place mondiale, en quête de confiance, loin des sommets du circuit.
Le tennis.
Valentin Vacherot avant le Masters de Shanghai :
▪️16 septembre : First au Chal de Saint-Tropez contre Robin Bertrand, 311e mondial
▪️Fin août, au Chal de Manacor : défaite contre Jay Friend, 874e mondial
▪️17e juin, au Chal de Poznan ⤵️: pic.twitter.com/BHWuFkSkE5— Tennis Legend (@TennisLegende) October 11, 2025
Fin août, il s’incline à Manacor face à Jay Friend (874e mondial). En septembre, il perd d’entrée au Challenger de Saint-Tropez contre Robin Bertrand (311e). Rien ne laisse présager un miracle, et sa fin de saison semble promise à l’anonymat.
Pourtant, un message, envoyé à un ami six semaines avant le début du Masters 1000 de Shanghai, va bientôt résonner comme une prophétie.
« Une série folle peut arriver à tout moment »
C’est notre confrère de L’Equipe, Quentin Moynet, qui a révélé le texto. Envoyé mi-août, il dit tout de la ténacité du Monégasque.
Valentin Vacherot, le 17 août : »Je vais tenter ma chance en qualifs à Shanghai, un parcours de malade peut vite arriver. »
Valentin Vacherot, le 12 octobre : remporte le Masters 1000 de Shanghai pic.twitter.com/1wgJ6dTauP
— Quentin Moynet (@QuentinMoynet) October 12, 2025
« Je vais tenter ma chance aux qualifs de Shanghai. Une série folle peut arriver à tout moment ». À ce moment-là, Vacherot lutte sur le circuit secondaire et ne figure même pas sur la liste des engagés directs pour les qualifications du tournoi chinois. Mais il décide malgré tout d’y croire, de « tenter sa chance ». Le destin, lui, s’apprête à lui rendre la pareille.
Le 26 septembre, le scénario bascule. Au fur et à mesure d’un improbable jeu de retraits, le 204e mondial, qui n’était que 22e sur la liste d’attente, se retrouve qualifié… pour les qualifications. Le désistement du Brésilien Joao Fonseca, prévu dans le tableau principal, entraîne la montée de l’Italien Luca Nardi. Et, par ricochet, libère la place pour les qualifs pour Valentin Vacherot.
Shanghai Qualifying update:
OUT: Nardi
IN: Vacherot
Next: Zhukayev— Other List Updates (@OtherLists) September 26, 2025
« Quand j’ai atterri ici, je n’étais même pas censé jouer. J’étais 22e sur la liste d’attente. Je suis arrivé un jour avant le début. Je ne comprends même pas pourquoi je suis là », confiera-t-il plus tard.
Le parcours des miracles
Le 29 septembre, le Monégasque débute face à Nishesh Basavareddy. Victoire à l’arraché (2-6, 7-6, 6-2). Le lendemain, il remet ça contre Liam Draxl (4-6, 7-6, 6-4). Deux batailles, deux remontadas, et un ticket pour le grand tableau. Ce n’est plus le même joueur. Il n’est plus tendu, plus crispé. Il joue libéré, sans peur. « Je n’avais plus rien à perdre », lâchera-t-il.
Au premier tour, il s’offre une victoire « tranquille » contre le Serbe Laslo Djere (6-3, 6-4). Arrive le deuxième tour, et le premier choc. Vacherot domine le Kazakh Alexander Bublik, 16e mondial et vainqueur de quatre tournois cette année, après un match plein de sang-froid et une nouvelle remontada (3-6, 6-3, 6-4). Suffisant pour susciter un début d’agitation sur les réseaux : qui est ce Monégasque sorti de nulle part ?
Au troisième tour, il ne tremble pas. Au top physiquement malgré des conditions difficiles et l’enchaînement de matchs, il survole les débats face à un Tomas Machac à bout de forces, qui abandonne à 6-0, 3-1. En huitièmes de finale, Vacherot écarte le solide néérlandais Tallon Griekspoor (4-6, 7-6, 6-4), tombeur du numéro 2 mondial Jannik Sinner au tour précédent après une nouvelle bataille de plus de deux heures. Le voilà en quarts, face à Holger Rune.
Un point qui change peut-être un destin
C’est là que tout bascule. Après avoir perdu le premier set (2-6), il s’accroche, pousse le Danois au tie-break, et à 4-4, sur son service, réussit un passing fulgurant alors qu’il est acculé, au bord du précipice. Ce point-là change tout. Il remporte le set, puis le match (2-6, 7-6, 6-4). Le miracle est en marche.
Valentin Vacherot pulling off this passing shot at 4-4 in the second set tiebreak hasn’t probably been talked about enough
If he had lost this point, Rune would have had two serves to win the matchpic.twitter.com/5k59sOatrR
— Mario Boccardi (@boccardi_marioo) October 9, 2025
En demi-finale, c’est Novak Djokovic. L’Everest.
Pas impressionné, le Monégasque joue libéré, déchaîné. Il prend le Serbe de vitesse, et s’impose 6-3, 6-4. Le plus grand joueur de l’histoire tombe, sans qu’il n’y ait rien à redire. Valentin Vacherot vient – déjà – de réaliser l’un des plus grands exploits de la décennie.
Une cousinade en guise d’apothéose
Comme si l’histoire n’était pas assez folle comme ça, il a fallu que de l’autre côté du tableau, un autre joueur n’enchaîne les surprises. Tombeur d’Alexander Zverev, Félix Auger-Aliassime ou encore Daniil Medvedev sur son parcours, Arthur Rinderknech, son cousin germain (de trois ans son aîné) se retrouve lui aussi en finale. Plus d’émotions, mais sans doute moins de pression pour Valentin Vacherot.
Les deux hommes se connaissent par cœur, depuis leur enfance jusqu’à l’Université du Texas qu’ils ont fréquenté tous les deux avant de se lancer sur le circuit professionnel. Et si Rinderknech prend le premier set (6-3), Vacherot termine une nouvelle fois en trombe et retourne la situation (6-4, 6-3) pour remporter son tout premier titre ATP… et quel titre.
« Si je n’étais pas entré à Texas A&M grâce à toi en 2017, nous ne serions pas ici. J’ai rêvé de te rejoindre dans le top 100, maintenant on y est ensemble », déclare-t-il, les larmes aux yeux, en regardant Arthur Rinderknech, peu avant que ce dernier ne s’effondre perclus de crampes.
De zéro à héros
En une semaine, Valentin Vacherot est passé du statut d’inconnu à celui de héros.
Plus de deux fois le total de ses gains de carrière empoché en un tournoi, un bond à la 40e place mondiale, et une histoire que même Hollywood n’aurait pas osé écrire.

Lui, la risée des réseaux quelques mois plus tôt, celui que certains moquaient pour une double faute grossière, vient de devenir le joueur le moins bien classé de l’histoire à remporter un Masters 1000.
Et si son message d’août avait tout résumé ? « Une série folle peut arriver à tout moment ». Shanghai vient d’en apporter la plus belle preuve.
