Par

Mathias Souteyrat

Publié le

14 oct. 2025 à 15h07

Émilie, 34 ans, habitante de Châteauneuf (Loire), à 25 km de Saint-Etienne, se bat pour revoir son « fils » Carl, âgé de 2 ans, qu’elle a eu avec son ex-compagne grâce à une PMA en Espagne. Pour comprendre ce combat, il faut remonter à l’année 2019 avec la naissance de son premier fils Ethan, né grâce à une Procréation médicalement assistée (PMA) qu’elle a réalisée seule en Espagne. « Ce fut une aventure incroyable, un choix mûrement réfléchi, porté par ce besoin de devenir mère. Depuis toujours, j’ai rêvé d’une grande famille », nous raconte-t-elle par téléphone le 14 octobre.

L’insémination en Espagne, l’accouchement à Saint-Etienne

Pourquoi l’Espagne ? Les délais sont plus rapides (un mois en moyenne contre 2 ans en France). Mais pour exercer une quelconque autorité parentale en France, la deuxième personne doit adopter l’enfant dans l’Hexagone. Dans ce cas précis à Saint-Etienne, lieu de l’accouchement.

En janvier 2022, elle fait la rencontre de Sophie (*), qui devient sa compagne. « Quand ma santé m’a enfin permis d’envisager une nouvelle grossesse, nous avons décidé ensemble de poursuivre ce rêve. Je lui ai proposé de porter notre enfant. Après plusieurs essais en Espagne, notre petit Carl est arrivé en septembre 2023. »

J’ai eu la chance de vivre les premiers instants avec lui, de le tenir contre moi, de sentir son souffle… C’était la concrétisation d’un rêve, la naissance de mon deuxième enfant, celui d’une famille que j’imaginais soudée et pleine de tendresse.

Emilie

La PMA a un coût : 10 000 euros, qu’elle décide de payer la moitié chacune.

Que dit la loi ?

La loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique a élargi la procréation médicalement assistée à toutes les femmes qui ont un projet parental, aux couples homosexuels comme aux célibataires. Le critère médical d’infertilité, qui conditionnait l’accès à la PMA, a donc été supprimé. Une femme a la possibilité de congeler ses ovocytes, sans motif médical, pour préserver la possibilité de devenir mère.
La loi institue un nouveau mode de filiation permettant la reconnaissance conjointe de l’enfant issu d’une PMA pour les couples de femmes. Par ailleurs, un nouveau droit est créé pour les enfants nés d’une PMA : le droit d’accès à des informations non identifiantes (âge, caractéristiques physiques…) et à l’identité du donneur à l’origine de leur conception.

Mal informée du changement de loi du 2 août 2021 (voir encadré), Émilie aurait pu, avant le début des inséminations, faire une reconnaissance conjointe anticipée devant le notaire français en stipulant que l’enfant aura deux mères.

Votre région, votre actu !

Recevez chaque jour les infos qui comptent pour vous.

S’incrire
« Je ne t’octroierai jamais de droit avec Carl »

Mais au fil du temps, leur amour s’effrite. « Nous rêvions d’avoir plusieurs enfants, et nous avions convenu que je porterais le troisième. Nous sommes donc retournées en Espagne, dans cette même clinique qui avait déjà fait partie de notre histoire. Sophie m’a accompagnée lors des deux premières inséminations, mais à mesure que les tentatives échouaient, je sentais son détachement grandir. Pour la troisième tentative, elle ne souhaitait même plus venir. Après de longues discussions, elle a finalement accepté, mais je sentais que le cœur n’y était plus. »


Après plusieurs essais en Espagne, le petit Carl est arrivé en septembre 2023. (© Photo transmise à actu.fr)

Le temps passe. Sophie reporte la question de l’adoption. Émilie n’a toujours aucune filiation officielle avec l’enfant quand vient le coup de massue : « Je ne t’octroierai jamais de droit avec Carl », lui dit sa compagne.

Plus de nouvelle de Carl depuis le 19 juin

Le jeudi 19 juin 2025, Sophie fait ses valises et part avec son enfant. Émilie n’a plus aucune nouvelle depuis.

J’ai été naïve, je lui ai fait confiance. Mon fils Ethan a perdu une maman du jour au lendemain. Il croit que son petit frère est parti au ciel.

Emilie

« J’ai tout tenté pour recréer un lien : des messages, des propositions de médiation, apporter des couches, partager les comptes rendus médicaux de ma grossesse, l’inviter aux échographies. J’ai même essayé de passer par sa famille, ses proches… » Sans réponse.

Enceinte d’un troisième enfant

Peu après cette rupture, après deux échecs, elle apprend qu’elle est enceinte d’une petite fille.

« Ce fut un choc. J’étais à la fois bouleversée et déstabilisée, car nos derniers échanges et le désintérêt de Sophie pour ce troisième enfant ne correspondaient plus du tout à l’image de la famille que j’avais tant rêvée. »

Obtenir un droit de visite et d’hébergement

« J’ai entamé une procédure auprès du tribunal de Saint-Etienne et du juge aux affaires familiales pour obtenir un droit de visite et d’hébergement, afin que Carl puisse retrouver son grand frère et que nous puissions, un jour, reformer ce lien brisé. Mais les délais sont longs. Et le temps joue contre moi. »

En attendant l’arrivée de cette petite fille dans trois mois, c’est une bataille d’avocats qui se joue. Une première audience a déjà été reportée, une autre est prévue le 21 novembre. « Mon dossier est complet avec les preuves du lien que j’ai avec Carl et de l’intérêt pour lui qu’il ne soit pas séparé de nous », précise-t-elle.

Émilie ne perd pas espoir. Sans colère, ni animosité, elle se veut également la porte-parole des femmes qui sont dans le même cas qu’elle.

(*) prénom d’emprunt

Personnalisez votre actualité en ajoutant vos villes et médias en favori avec Mon Actu.