Christophe Trojani fait peu de bruit. Un maire taiseux, qui pèse ses mots. Et qui rechigne à rentrer, tête baissée, au cœur des tempêtes politiques… Même lorsque la bourrasque débarque dans sa rade et que Christian Estrosi joue les capitaines de croisière, le maire de Villefranche-sur-Mer garde son flegme. « Je pense que le président de la Métropole est mal conseillé sur ce dossier. Sinon, il n’aurait pas outrepassé ses prérogatives(1) », glisse-t-il sobrement.
Élu en 2014 (54,75 % au second tour face à Jean-Pierre Mangiapan), Christophe Trojani avait confirmé l’essai en 2020, dès le premier tour cette fois (60,56 % des suffrages).
Battu, Mangiapan s’était « retiré de la vie politique », jurant que le « combat politique local était terminé ».
Pour le moment, un seul candidat s’est déclaré contre le sortant : Benjamin Bunger, 39 ans, qui souhaite « réveiller un paradis endormi ».
Vous représentez-vous en mars ?
Oui, avec une équipe à 50 % renouvelée.
Par la force des choses, puisque des élus de votre majorité ont quitté le navire…
J’avais proposé à tout le monde de continuer l’aventure.
Pourquoi ces cinq élus ont décidé de ne plus vous suivre ?
Il faut leur demander. Ce que je sais, c’est que la méthode m’a déçu. Quatre m’ont envoyé un courrier par huissier(2). La cinquième(3), par courrier aussi, a rejoint l’opposition [Benjamin Bunger]. Ce que je sais aussi, c’est que je suis déçu parce que, pendant onze ans et demi, ils ont voté toutes les délibérations sans jamais s’opposer à rien. Jamais la moindre critique. Alors j’estime légitime d’être déçu par la façon de faire… Parce qu’en onze ans et demi, je n’ai pas changé de valeurs, de méthodes, d’orientations. Et ces valeurs, ce sont l’honnêteté, la transparence et l’intérêt général des Villefranchois. Par ailleurs, trois élus d’opposition ont rejoint la majorité(4).
Un dommage collatéral de la guerre entre Christian Estrosi et Éric Ciotti ?
Que ce soit politique, je crois qu’on peut le dire… Pourtant, je pense avoir démontré que je suis un homme libre et que mon intérêt principal, c’est de défendre ma ville. Dans cinq mois, il y a des élections municipales et chaque commune doit avoir un maire indépendant. La Métropole doit fonctionner de manière dépolitisée. Ce qui est sûr, c’est que la politisation de la Métropole entraîne un clivage entre maires…
Vous vous êtes opposé à Christian Estrosi à de nombreuses reprises. Pensez-vous que cela ait un lien avec les remous au sein de votre majorité ?
Je ne suis pas candidat à Nice, je ne vais pas me mêler des élections à Nice. J’ose espérer que la réciproque est et sera vraie…
Un autre de vos colistiers, Robert Capelier, envisagerait de se présenter face à vous ou de suivre Jean-Pierre Mangiapan, qui pourrait présenter une liste…
(Rires) Robert Capelier a rendu ses délégations… Pour le reste, je ne fais pas de commentaires. S’ils veulent se présenter au suffrage, qu’ils le fassent : c’est la démocratie.
Vendredi, vous étiez à une réunion en préfecture sur le dossier des croisières, l’un de vos points de désaccord avec le président de la Métropole. Le préfet a livré sa feuille de routes pour réguler le trafic au niveau départemental : 2 000 passagers en moyenne sur l’année, avec un plafond de 3 000 passagers par bateau. Votre réaction ?
Cela me convient parfaitement. Je suis entièrement en phase avec le préfet et le préfet maritime. Il va nous envoyer son projet, à nous de faire nos observations. Pour ma part, je vais demander qu’il n’y ait pas plus d’un bateau par jour dans la rade. Et vous savez pourquoi ? Parce que parfois, il y en a deux, et c’est la Métropole qui fait les réservations… Je suis également très heureux que le président du conseil départemental, Charles Ange Ginésy, soit sur la même longueur d’onde. Et je comprends et suis aussi en phase avec les doléances de David Lisnard, car lui fait face à une forte augmentation des bateaux dans sa rade, avec, parfois, plusieurs navires par jour.

Vous estimez qu’à Villefranche, l’équilibre en matière de croisières a été trouvé ?
Oui, un équilibre entre développement économique et préservation de l’environnement. Nous avons fait une très belle saison touristique. En 2025, 80 bateaux ont été accueillis. En 2026, ce sera pareil. Dans les années 2010, on pouvait aller jusqu’à 200 bateaux.
Et la pollution ?
Certains citoyens se sont équipés de capteurs, grâce à AtmoSud – et on ne peut pas dire qu’ils sont en faveur des bateaux de croisière. Les résultats provisoires depuis cet été [Nice-Matin du 8 octobre] montrent que les capteurs n’ont détecté aucune pollution aux particules fines à Villefranche.
Vos opposants vous reprochent un manque de dynamisme de la commune. Notamment une baisse de la population…
Entre 1990 et 2014, Villefranche a perdu 2 500 habitants. Entre 2014 et 2025, 400. Je n’ai jamais caché le problème. Nous avons un problème majeur : la cherté et la rareté du foncier et l’augmentation du nombre de locations saisonnières. C’est pour cela que j’ai réglementé en limitant à un logement par foyer fiscal pour six ans, non renouvelable. Cela va porter ses fruits. En revanche, la ville est très dynamique, notamment au plan culturel, touristique, associatif et sportif. Il n’y a que ceux qui ne participent pas à nos évènements qui peuvent en douter…
Où en est-on du parking de l’Octroi, qui devait être financé à hauteur de 4 millions d’euros par la Métropole ?
Toujours rien ! La Métropole s’était engagée, nous n’avons toujours pas reçu l’argent. Donc on va le faire nous-mêmes, ce parking ! Et, bien entendu, on réclamera notre dû à la Métropole…
La commune en a les moyens ?
En 2014, la dette était d’environ 1 000 euros par habitant. Elle est d’un peu plus de 600 euros par habitant aujourd’hui. On a moins de 3 millions d’euros de dette. Notre capacité de désendettement est seulement d’un an (5). C’est un très beau bilan !
Où en est le projet de spa ?
On a choisi un groupe breton, le groupe Giboire. Le permis a été déposé le 31 mars. Il est toujours à l’instruction, l’architecte des bâtiments de France a fait des remarques… C’est un projet important pour la commune, un hôtel 5-étoiles, un spa de 1 800 m2 et une centaine d’emplois pour les Villefranchois à la clé. En plus, la vente va nous rapporter 10,7 millions d’euros.
C’est long pour une instruction ?
Oui. D’habitude, on est sur cinq mois, là ce sera plutôt huit. Dans tous les cas, je ne signerai ce permis que s’il est en faveur des intérêts de la commune.
1. Christian Estrosi avait tenté de faire déguerpir un bateau de croisière en se présentant au capitaine sur la base d’un arrêté… qui n’existait pas.
2. Joëlle Bravetti, Robert Bojanovich, Monica Laugier et Sonia Portes.
3. Gisèle Amadeo.
4. Gisèle Marchessou, Alain Curti et Xavier Lagache.
5. C’est effectivement très peu. Le seuil de vigilance se situe autour de dix ans, le seuil d’alerte, douze ans.