Par
Fabien Binacchi
Publié le
14 oct. 2025 à 19h27
EXCLUSIF. Aucun doute : la sécurité est déjà l’un des thèmes majeurs de la campagne pour les prochaines élections municipales à Marseille. Alors que l’équipe sortante est régulièrement pointée du doigt par son opposition, à droite, qui lui reproche un certain laxisme, Yannick Ohanessian balaie d’un revers de la main. Il n’y aura jamais eu autant de recrutements au sein de la police municipale. « La réalité, c’est qu’en cinq ans, la gauche a fait mieux qu’eux en 25 ans », lance l’adjoint de Benoît Payan en charge de la tranquillité, de la prévention, de la sécurité et du bataillon de marins pompiers. Réorganisation des effectifs, situation à Belsunce, collaboration avec la police nationale… l’élu, qui défend bec et ongles le bilan de sa majorité, répond aux questions d’actu Marseille.
Actu : En 2020, le printemps marseillais s’engageait à doubler les effectifs de la police municipale d’ici à 2026, à passer de 400 à 800. Où en êtes-vous ?
Yannick Ohanessian : L’idée était surtout de renforcer le maillage territorial, d’avoir des effectifs plus présents dans les seize arrondissements et de gagner en proximité. On partait de loin. À date, nous sommes déjà à près de 700 recrutements.
Et nous en avons encore 43 en cours. Ils ont reçu un avis favorable du jury et devraient donc intégrer les effectifs dans les prochaines semaines. On atteindra donc l’objectif à fin 2026 comme prévu. Les policiers eux-mêmes le disent : ils sont plus nombreux, mieux équipés et donc plus rassurés.
Mais on est allé beaucoup plus loin en réorganisant totalement la direction de la police municipale et de la sécurité, dans laquelle les agents des parcs et jardins, passés de 90 à 125, ont également été intégrés. Nous avons aussi recruté des ASVP [Agents de la surveillance de la voie publique], qui interviennent sur le stationnement gênant ou dangereux. Sans oublier les ‘Petits piétons’, des jeunes retraités avec des petites pensions à qui nous avons souhaité donner un contrat. Ils sont postés devant les écoles pour assurer la traversée des enfants. On est parti de zéro et aujourd’hui nous faisons travailler 160 personnes.

L’élu PS explique avoir procédé à une réorganisation totale de la direction de la police municipale et de la sécurité. (©Fabien Binacchi / actu Marseille)
Certains services ont été créés de toutes pièces. Comment avez-vous arbitré ?
Y. O. : Il fallait donner du sens à l’action municipale et aux politiques publiques. Tout ce qui nous guide depuis cinq ans, c’est de redonner la place qui doit être la sienne à la ville de Marseille en matière de sécurité et de tranquillité. On a renforcé les équipes motorisées, on a aussi triplé les effectifs de la nuit dans nos premiers recrutements. Et puis, il y a aussi eu la création de brigades canine, équestre et maritime. Avec 57km de littoral, nous n’avions pas de police municipale sur la bande des 300m [en mer, au départ de la plage]. C’était absolument nécessaire. Désormais, on est la première police municipale maritime de France en termes d’effectifs, avec 40 personnels. Cette brigade était très attendue comme celle de lutte contre les dépôts sauvages dans la ville.
Quel bilan tirez-vous de votre base Sud, installée il y a deux ans ?
Y. O. : C’est justement dans l’optique de redonner de la présence et de la visibilité dans tous les quartiers qu’elle a été mise en place. Désormais, on est au nord, Plombière, au centre, Vallier, et au Sud, Haïfa. Elle a nécessité énormément de travaux et nous avons mis un million sur la table pour rénover cet ancien commissariat. Le gros avantage, c’est que les commerçants, les comités d’intérêt de quartier [CIQ], les collectifs et les associations ont un contact direct avec la police. Ce qu’ils réclamaient tous depuis toujours. Avec des interventions dans des délais raisonnables. C’est aussi dans cette optique qu’on a créée des antennes ailleurs dans la ville, comme le 42 Cannebière, Saint-Jérôme, au cœur du 13e arrondissement, et celle que l’on vient d’annoncer à Loubon, à la Belle de mai, dans le quartier le plus pauvre d’Europe. Pour nous, ça fait sens en fait. Et là, les gens nous disent merci parce qu’ils retrouvent un contact direct avec leurs policiers. Un lien de confiance.
Est-ce que le futur maire de Marseille devra aller encore plus loin, recruter encore plus de policiers municipaux ?
Y. O. : Il ne faut pas recruter pour recruter. Au bout d’un moment, ça n’a plus de sens. Mais il faut encore gagner en proximité. Après 2026, il faudra donc continuer à ouvrir de nouvelles antennes de police municipale. L’idée n’est pas d’en avoir une dans chacun des 111 quartiers de la ville, mais de pouvoir s’assurer de la présence des agents sur la voie publique, qu’ils puissent aller à la rencontre des gens. Il faut continuer à mailler. Et si, pour arriver à ce résultat, il faut de nouveaux recrutements, alors je dis oui : recrutons davantage.
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Opération recrutement
À la question « est-ce facile de recruter 400 policiers municipaux en cinq ans ? », Yannick Ohanessian répond du tac-o-tac. C’est « non ». « Et ce n’est pas qu’à Marseille. C’est difficile de recruter des policiers municipaux en général. Il y a 11000 postes à pourvoir partout en France », détaille l’élu. Il évoque même une « pénurie » de candidats. « Il a fallu activer beaucoup de leviers, organiser des concours chaque année, ouvrir des passerelles avec la police nationale, la gendarmerie, les services d’armée aussi, et même d’autres polices municipales dans le pays », explique-t-il encore. Pour ces prochains recrutements, les derniers du mandat, la Ville compte notamment sur sa « Journée portes ouvertes de la police municipale » programmée ce samedi 18 octobre. Le rendez-vous est donné au J4 (2e), entre 10h et 17h. L’occasion de découvrir les activités de toutes les brigades, d’assister à des démonstrations et pourquoi pas de susciter des vocations.
L’action de la police municipale à Noailles, avec ses ‘opérations tranquillité’, a été saluée assez unanimement. Peuvent-elles être transposées partout ?
Y. O. : À Noailles, où il y avait un véritable problème avec les vendeurs à la sauvette, on a réussi à retrouver une situation à peu près normale, à apaiser les choses. Sur place, les commerçants disent merci à la police municipale. C’est un résultat rendu possible parce qu’on a pu renforcer les équipes, les faire intervenir sur une amplitude plus large, avec des agents qui se relaient. On peut totalement transposer ces opérations. C’est ce qui est fait au niveau de la porte d’Aix et encore plus récemment à Belsunce.
La situation à Belsunce fait justement l’objet de beaucoup de débats. Que répondez-vous à vos opposants qui vous imputent une partie des problèmes, notamment liés à la drogue ?
Y. O. : J’ai d’abord envie de leur dire de venir avec moi de faire un tour dans le centre-ville pour qu’ils s’aperçoivent de la réalité, de ce qui est fait par qui et comment. Comme le rappelait si bien Monsieur le maire en conseil municipal, ce sont leurs amis dernièrement démissionnaires qui étaient au pouvoir nationalement et depuis un petit moment. On attendait du ministre de l’Intérieur [Bruno Retailleau] qu’il nous envoie des renforts de policiers nationaux. C’est toujours les grands discours ou les petites phrases via les réseaux sociaux, toujours la dénonciation de je ne sais trop quoi ou je ne sais trop qui. Mais, dans la réalité et dans les faits, ils sont aux abonnés absents.
Qui a traité concrètement la question de la sécurité et de la tranquillité dans cette ville si ce n’est pas notre majorité de gauche ? Je pose réellement la question. Sur tous ces sujets-là, en cinq ans, nous avons fait mieux que la droite en 25 ans. Et ça les dérange parce qu’ils s’imaginaient avoir le monopole de la sécurité. On s’est aussi engagé sur 500 nouvelles caméras là où ils pensaient que c’était un sujet trop tabou pour nous.

Yannick Ohanessian lance une critique acerbe des mandatures précédentes en matière de sécurité. (©Fabien Binacchi / actu Marseille)
Quelle est la solution dans le quartier ?
Y. O. : Elle est multiple. Il faut d’abord mettre les moyens nécessaires, et de toutes les parties en présence. Il y a la question du logement, des moyens de la métropole aussi. Là-bas, les gens vivent au milieu des rats. Les poubelles ne sont pas ramassées ou très peu et les conteneurs sont laissés à l’abandon. Il y a bien sûr aussi la question de l’accompagnement des publics vulnérables et de la prise en charge de ceux qui consomment du crack. Ce n’est pas qu’un sujet police. Il y a également un accompagnement à faire du côté de la santé mentale.
À ce sujet, comprenez-vous la position du préfet qui s’oppose à l’installation d’une halte soins addiction (HSA) également connue sous le nom « salle de shoot » ?
Y. O. : Je ne sais pas si une HSA réglerait les problèmes, probablement pas, je n’en sais rien. Je ne sais même pas si nous avons les capacités aujourd’hui du côté de l’AP-HM [L’Assistance publique – Hôpitaux de Marseille] et des médecins de traiter cette addiction au crack, visiblement très forte. Mais en tout cas, il y a deux solutions : soit on fait de la politique politicienne et on s’invective les uns et les autres via les réseaux sociaux ou par presse interposée, soit tout le monde se met autour d’une table et s’interroge réellement sur comment on peut trouver des solutions pour sortir par le haut. Moi je fais le choix de la seconde.
En attendant, sous la direction du procureur, un Groupe local de traitement de la délinquance (GLTD) vient d’être lancé dans le quartier. Il va nous permettre d’avancer main dans la main avec toutes les forces de l’ordre et de secours. Nous avons une boucle directe avec le parquet pour que tout le monde soit informé.
« La suppression de la préfecture de police dans la deuxième ville du pays [une préfète déléguée est désormais directement rattachée au préfet des Bouches-du-Rhône] a été un mauvais signal. Alors que le système avait fait ses preuves et que tout le monde était plutôt satisfait, quel est le message envoyé ? L’autorité municipale dans sa grande diversité, Monsieur le maire bien sûr mais aussi tous les adjoints, considérait que c’était bien d’avoir des interlocuteurs à la préfecture de police. C’est un peu dommage. »
Yannick Ohanessian
Votre dernier appel, pour obtenir de nouveaux contingents de forces de police nationale, au moment de l’attaque au couteau dans le quartier, a-t-il été suivi d’effets ?
Y. O. : Quand on est arrivé aux affaires, on est dans une situation compliquée dans cette ville, avec moins de 400 policiers municipaux, je l’ai dit, mais surtout un manque criant de policiers nationaux, de l’aveu même des fonctionnaires. Ils m’interpellaient en me disant : ‘aidez-nous, aidez-nous’. C’était logique avec les annonces de Sarkozy sur le non-remplacement des départs à la retraite. À notre prise de fonction, on a fait le calcul, il manquait 700 policiers nationaux. Et entre-temps, les enjeux sont devenus plus grands, le narcotrafic s’est beaucoup plus organisé. Les besoins se sont donc additionnés. Le maire, avec son bâton de pèlerin, est allé chercher des effectifs. Il en a obtenu avec Gérald Darmanin. Finalement, 300 policiers supplémentaires sont arrivés. Une petite bouffée d’oxygène mais pas de quoi combler le retard. Surtout sur la voie publique.
Ce n’est pas normal que ce soit toujours la police municipale qui soit primo-arrivante sur des rixes ou des problèmes en centre-ville. Ce n’est pas à nos effectifs, qui ont des missions de tranquillité publique, d’intervenir sur des situations à risque, notamment des points de deal, ce qui arrive pourtant de plus en plus. Tout ça relève des policiers nationaux. Il en manque encore. Il faut que l’on voie du bleu et je n’ai pas peur de le dire. La frontière entre le sentiment d’insécurité ou l’insécurité réelle est mince et il faut de la police pour répondre aux deux.
Avec Thibault Nadal
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