Un projet de loi du ministère de la Défense a été approuvé lundi pour utiliser des soldats normalement déployés qu’en cas de mobilisation ou de guerre.
Moscou recrute. Ses troupes sont à l’offensive en Ukraine, subissant logiquement plus de pertes que les défenseurs. Pour remplacer les soldats tués au combat – dont le nombre demeure incertain – la Russie veut modifier les conditions d’emploi des réservistes. Lundi, un projet de loi du ministère de la Défense a été approuvé par une commission législative «qui permettra l’utilisation de réservistes pour effectuer certaines tâches liées à la défense, en cas de conflits armés, lors d’opérations antiterroristes et lors de l’utilisation des forces armées russes en dehors de la Fédération de Russie en les appelant pour une formation militaire spéciale», selon les termes du document, publié par l’agence de presse russe TASS .
Jusqu’à présent, les réservistes ne peuvent être rappelés sous les drapeaux qu’en temps de guerre – la Russie ne se considère pas officiellement en guerre avec l’Ukraine – ou de mobilisation. Avec cette loi, les obstacles juridiques qui s’opposent à leur envoi en Ukraine seraient donc levés. Une manne importante puisque «la réserve active comptait deux millions de membres en octobre 2025», souligne l’Institut américain pour l’étude de la guerre (ISW). L’armée russe compte deux formes de réserve : la réserve active, constituée de volontaires ayant signé un contrat avec le ministère de la Défense et la réserve inactive (Zapas en russe) «qui comprend des hommes russes dont l’âge d’enregistrement militaire peut atteindre 65-70 ans et qui ne sont pas activement affiliés aux forces armées russes», souligne l’ISW. Seuls les premiers seraient donc susceptibles d’être envoyés dans les plaines du Donbass.
L’état de l’armée russe
Les seconds pourraient être mobilisés en cas de guerre de la Russie. Or Moscou n’a jamais déclaré la guerre à l’Ukraine. Elle affirme y conduire une «opération militaire spéciale» en Ukraine depuis le 24 février 2022 contre «un régime nazi» à «démilitariser». Des termes choisis avec soin car ils sous-entendent un déploiement rapide, sans nécessité de mobilisation générale, une mesure évidemment impopulaire. Las, le Kremlin avait dû se résoudre à une mobilisation partielle à l’automne 2022 devant la résistance farouche des Ukrainiens. Des milliers de jeunes hommes avaient fui le pays et le régime avait été malgré tout déstabilisé. Depuis, et surtout après la révolte du chef de guerre Evgueni Prigojine qui ruminait publiquement contre les décisions du ministère de la Défense, les autorités n’ont pas déclaré de nouvelles mobilisations.
La Russie régénérait ses troupes en embauchant des soldats et en leur offrant de fortes primes. «Les bureaux de recrutement militaire russes ne parviennent pas à augmenter les taux de recrutement malgré l’augmentation des soldes – une tactique qui avait déjà augmenté les taux de recrutement en 2023 et 2024», soulève l’ISW. En sus, Moscou «aurait recruté près de 90.000 personnes au cours des trois premiers mois de 2025 en dépensant plus que le budget total de recrutement fédéral pour 2025». L’armée russe remédierait à ces problèmes de recrutement et financiers en utilisant ces réservistes. «La mobilisation continue obligatoire des réservistes pourrait permettre à la Russie de générer des forces à moindre coût», résume l’ISW. «On parle d’une dizaine de milliers d’hommes maximum», précise tout de même un fin observateur du conflit.
Surtout cet accroissement de réserviste «pourrait permettre au Kremlin de ’démobiliser’ les militaires mobilisés en 2022», selon l’institut américain. Ceci tant pour «apaiser une partie de la société russe» que pour affirmer que «les forces russes en Ukraine combattent sur la base du volontariat». Cette mesure ne prévoit donc pas un accroissement massif de combattants sur le terrain, mais plutôt une régénération des forces en présence. En Ukraine, l’armée russe poursuit son objectif de conquête du Donbass (une région minière de l’Est qu’elle a annexée sans la contrôler entièrement). Elle se concentre sur la conquête de Pokrovsk, qui est un hub logistique important pour l’armée ukrainienne, et Kostiantynivka. La prise de cette dernière ouvrirait la porte de Kramatorsk et Sloviansk, deux villes de plus de 100.000 habitants avant la guerre.