Par
Anaelle Montagne
Publié le
14 oct. 2025 à 13h34
Finis, les « tout à fait » et les « si vous le dites » : les réponses-type de Cédric Jubillar ne résonnent pas dans la salle des assises d’Albi, ce mardi 14 octobre 2025. Car la parole est à l’accusation. Les avocats des parties civiles déploient leurs plaidoiries, à trois jours du fatidique verdict. Celle de Me Battikh, l’avocat de l’oncle, la tante et les cousins de l’infirmière disparue en décembre 2020, a marqué les esprits.
« S’il est acquitté, Delphine est morte. S’il est condamné, Delphine est morte. »
Depuis le début du procès, fin septembre, les échanges sont tendus entre la défense et l’accusation. Me Battikh, droit et articulé, commence pourtant sa plaidoirie en saluant le travail des avocats de l’accusé. « Il n’y aura pas de gagnant, pas de perdant. Si Cédric Jubillar est acquitté, Delphine est morte. S’il est condamné, Delphine est morte. »
Reprenant les mots de Me Akorri, l’avocate de la meilleure amie de Delphine – qui a ouvert le bal des plaidoiries – Me Battikh soutient que « Cédric n’est pas un monstre ». Il parle de l’amour qui le lie à sa femme, que l’accusé lui-même a eu tant de mal à décrire : « Cédric a aimé Delphine et elle aussi a aimé Cédric, sincèrement. »
Il raconte aussi l’amour que lui portent ses proches. Et leurs suspicions à l’égard de cet époux, qu’ils trouvent immédiatement louche. « Pourquoi le premier réflexe du frère et du cousin de Delphine, a été d’enregistrer son époux ? » Juste avant lui, l’avocat de la cousine de la disparue avait cité le réflexe de la mère de l’accusé : juste après la disparition, elle disait espérer « qu’il n’ait pas fait de mal à Delphine ».
« Il veut vous traîner par le cerveau hors de chez lui »
Me Battikh continue, incisif. « Cédric Jubillar est un menteur, mais comment vous convaincre ce qui relève pour moi de l’évidence ? », se questionne-t-il en regardant les jurés. Il rappelle que dans la majorité des cas de féminicides en France, « l’endroit le plus dangereux, c’est la cuisine, c’est la chambre à coucher, c’est le salon ». Puis, il déroule.
« C’est la raison pour laquelle Cédric veut vous traîner par le cerveau en dehors de chez lui. Chez l’amant d’abord. Et si ce n’est l’amant, c’est donc sa femme. Ou un rôdeur. Pour cela, il faut que sa femme soit sortie… Ah tiens, Delphine adore sortir les chiens la nuit, dans le noir, c’est sa passion. En pyjama, sans lunettes, dans la nuit. Sinon, vous avez pensé à l’abandon familial ? Elle a pu partir sans carte bleue, sans lunettes, sans voiture. Ça ne fonctionne pas des masses… sauf si elle s’est radicalisée. Islam, témoin de Jéhovah, piochez ce que vous voulez. » Pause. « Ça pourrait être drôle si l’issue n’était pas dramatique. La stratégie de Cédric est simple : pas de scène de crime chez moi. »
Vidéos : en ce moment sur ActuDans la maison des Jubillar
Alors Me Battikh nage à contre-courant et prend les jurés par la main. Il les mène à l’intérieur de la maison.

La maison des Jubillar, à Cagnac-les-Mines. (©Anaëlle Montagne / Actu Toulouse)
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Il n’y avait pas de caméra pour filmer la nuit du 15 au 16 décembre 2020, commence l’avocat dans sa robe noire, mais à la fois, il y en avait des tonnes : ce sont les yeux des témoins qui sont passés à la barre.
Louis, première caméra, « vous dit le début de la scène », guide Me Battikh, rappelant aux jurés la dispute à laquelle il aurait assisté. La deuxième caméra ? Les lunettes cassées de la disparue, dont une branche a été retrouvée brisée entre le canapé et le mur du salon. « Elles parlent, elles ont éprouvé et subi la violence de ce soir-là. » Et puis il y a les chiens qui aboient, « ils sentent un désordre et nous disent que la scène se poursuit à l’extérieur ».
Quatrième caméra, les voisines. Elles entendent des cris continus, qui « donnent l’impression de reprendre son souffle ». Et puis il y a Michel, le voisin, qui voit une lumière allumée dans la nuit à l’intérieur de la maison. Autre caméra, la machine à laver, « que l’on a moquée ». « Pourquoi dans ce capharnaüm, Cédric Jubillar a-t-il envie de ranger quatre chaussettes (ce sont ses mots, ndlr) et allume la machine à laver ? »
Septième caméra, la voiture, garée « dans le mauvais sens », avec le pare-brise couvert de condensation. Et enfin, le téléphone de la disparue qui active le relais couvrant son domicile, jusqu’à 7h48 du matin. « Pourquoi est-il aux alentours de la maison, si ça n’est pas Cédric ? Cette maison ne dort pas entre 22h50 et 3h50 du matin, cette maison, elle témoigne. »
« Ça se joue comment un innocent, d’abord ? »
« Je le redis, comme tout le monde, Cédric Jubillar est un menteur. Et il ment bien. » Pour l’avocat, les réponses courtes de l’accusé tout au long du procès sont signes qu’il ne veut pas se prendre les pieds dans le tapis. « D’ailleurs, à chaque fois qu’il a fait des réponses longues, il s’est contredit. » Le peintre-plaquiste ne sait pas si sa femme porte ses lunettes ou ses lentilles, mais pour la voiture et la sortie des chiens, « ça, il est implacable ».
Certes, il a toujours clamé son innocence, mais selon Me Battikh, il ne la crie pas. « Il ne peut pas, parce qu’il n’a pas le script de l’innocence et quand on n’a pas ce rôle, on ne peut pas le jouer. Ça se joue comment un innocent, d’abord ? »
Cédric Jubillar n’est qu’un « naufragé » accroché à sa bouée, sa femme, qu’il ne lâchera jamais. « Si elle ne lui appartient pas, elle n’appartiendra à personne. »
D’autres plaidoiries à venir
Les plaidoiries des avocats des parties civiles vont continuer de se succéder, ce mardi 14 octobre dans l’après-midi. Celles de la défense sont attendues jeudi 16 octobre, la veille du verdict.
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