L’affaire remonte au mois de juillet quand la maire a lancé un appel à l’aide à ses administrés. Dans une lettre ouverte, Christiane Herntier constate la propagande de plus en plus visible de groupuscules néonazis dans sa ville. Depuis des mois apparaissent des croix gammées et autres autocollants du mouvement « Troisième voie » sur les bancs publics et murs de la gare. Christiane Herntier a donc appelé ses concitoyens à briser le silence et à réagir. « J’ai atteint mon premier objectif », se félicite l’édile. « Nous parlons désormais du problème. Les gens m’arrêtent dans la rue et me disent que j’ai eu raison de dénoncer la situation. C’est justement cela que je voulais atteindre ».

Les langues se délient

A Spremberg, cet appel à l’aide a en effet délié les langues. « Au lycée, il y a souvent des croix gammées gravées sur les tables, ou des jeunes qui font le salut nazi », confirme Tamara, 15 ans. « On peut dire que c’est devenu normal. Les profs sont au courant mais ils ne peuvent rien entreprendre contre. Nous aussi, en tant que lycéens, on ne peut quasiment rien faire, car ceux qui font des saluts nazis sont plus âgés, ou alors ils s’en moquent quand quelqu’un réagit », ajoute-t-elle.

Les militants pro-démocratie aussi constatent les faits, mais se montrent dépassés par la situation. « Quand on regarde l’histoire de la ville, on constate que le problème a toujours existé, parfois un peu plus fort, parfois un peu moins », analyse Alexander Fritske, de l’Initiative « Spremberg indivisible ». « Aujourd’hui il repart de nouveau et est lié à une insatisfaction des gens sur la manière dont se développe la ville. Nous sommes une région minière, nous allons sortir du charbon dans quelques années et des milliers de jobs sont en jeu », rappelle-t-il.

Pour la justice allemande, il fait peu de doute que l’AfD est un parti d’extrême droite, à traiter comme tel

À la suite de cet appel à l’aide de la maire, les services de renseignements, de police et les représentants de la région se sont réunis en urgence à Spremberg. Ils ont notamment promis l’installation de caméras de surveillances, et davantage de moyens dans les écoles pour le travail de prévention. « C’est un bon début », confirme Christiane Herntier. « Le ministère de l’enseignement nous a promis des moyens supplémentaires. Nous-mêmes, nous allons organiser un cercle de rencontre entre tous les chefs d’établissements scolaires. Nous avons absolument besoin de nouveaux formats de dialogue car s’il était nécessaire de lever le tabou, cela ne nous fait pas avancer sur la durée ».

L’AfD est froissée

L’AfD n’est pas du tout de cet avis. Très influent dans cette région du Brandebourg et dans cette ville en particulier où il a dépassé les 40 % lors des dernières élections, ce parti est classé parmi les organisations « clairement extrémistes » par les services de renseignement. Il entretient des relations très ambiguës avec les groupuscules néonazis mis en cause par la maire. Pas étonnant donc que l’AfD accuse l’édile d’exagérer la situation et reçoive le soutien de ses électeurs. « Je suis énervée par ce que dit notre maire », nous explique une habitante de Spremberg, qui dit voter pour l’AfD. « Je ne connais personne ici qui soit extrémiste. Nous ne sommes pas menacés ».

Face à l’AfD, le désarroi des partis du centre

En plus de nier les faits, le parti d’extrême droite devrait donc utiliser la séance du conseil municipal de ce mercredi pour faire pression sur la maire, et pourquoi pas, engager un vote de destitution à son encontre. À la veille de cette séance, aucune demande écrite en ce sens n’avait été déposée, mais comme le note l’entourage de Christiane Herntier : « On n’est pas à l’abri d’une mauvaise surprise de dernière minute ». La maire, elle, dit ne pas être intimidée mais elle le reconnaît : se dresser contre l’extrême droite reste risqué.