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Selon ses auteurs, le contact peau à peau avec un bébé né grand prématuré, dès les premiers jours, améliore son développement cognitif à l’âge de cinq ans.
NÉONATALITÉ – C’est une pratique qui se développe dans les salles de naissance : placer le bébé tout juste né contre la poitrine nue de son père ou de sa mère, pour faciliter la relation d’attachement naturelle et favoriser le développement du tout-petit.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) le préconise pour ses effets bénéfiques à court terme, tout comme certaines associations comme SOS Préma. Une nouvelle étude française basée sur des données à grande échelle va encore plus loin. Selon ses auteurs, le contact peau à peau avec un bébé né grand prématuré, dès les premiers jours, améliore son développement cognitif à l’âge de cinq ans.
L’étude, parue dans la revue eClinicalMedicine, étudie ses bénéfices à long terme chez plus de 2 500 enfants « nés extrêmement ou grands prématurés » (24 à 31 semaines de grossesse, alors que le terme est théoriquement à 39) en 2011, précise un communiqué publié mardi 14 octobre. La moitié de ces bébés nés dans des unités de néonatalogie françaises en ont bénéficié leurs sept premiers jours de vie, l’autre non.
2,3 points de QI supplémentaires
Des effets bénéfiques de cette pratique ont déjà été observés dans des études de moindre envergure. « À court terme, les enfants sont plus stables, respirent mieux, maintiennent mieux leur température, les parents sont moins déprimés », énumère pour l’AFP la chercheuse de l’Inserm Véronique Pierrat, coautrice de l’étude.
Ces nouveaux travaux, conduits par l’Inserm, l’INRAE et deux universités (Paris Cité, Sorbonne Paris Nord) en collaboration avec deux centres hospitaliers (CHRU de Tours et CHI de Créteil), montrent qu’à l’âge de 5 ans, les enfants ayant bénéficié de peau à peau obtiennent « un meilleur score de développement cognitif », mesuré par des tests standardisés, selon elle.
« C’est donc important de le promouvoir à l’échelle de la population », alors que 7 % des plus de 600 000 bébés qui naissent chaque année en France sont prématurés, affirme-t-elle.
La différence – estimée à « 2,3 points de plus » en moyenne sur le score de ces tests de QI – « peut sembler minime à l’échelle de l’individu », mais elle n’est « pas négligeable lorsqu’il s’agit d’une moyenne sur l’ensemble d’une population », juge Ayoub Mitha, coauteur de l’étude.
« Après, il faut s’adapter à chaque situation individuelle », poursuit Véronique Pierrat. « Il peut y avoir des parents qui nous disent, “Non, pour moi, c’est insupportable”, pour des raisons qui leur appartiennent : à ce moment-là, on va les soutenir pour qu’ils puissent entourer leur bébé avec les moyens qui leur sont propres et leur conviennent. Mais c’est vraiment rare ».
Investir pour favoriser le peau à peau
En « réduisant le stress lié à la séparation » avec la mère et en « offrant un environnement sensoriel adapté », le peau à peau contribuerait « à protéger le développement cérébral » des bébés prématurés et aurait un « effet neuroprotecteur durable », montre l’étude. Car ces interactions précoces, pour lesquelles « il n’y a pas de limite de durée », souligne la chercheuse, « activent des mécanismes biologiques et hormonaux qui participent au développement du cerveau et à la construction du lien affectif parent/enfant ».
Dans les pays à faibles revenus, elles améliorent même la survie des enfants, rappellent les chercheurs. Quant à l’OMS, elle recommande depuis 2022 un contact peau à peau immédiat, sans séparation, pour les bébés nés prématurés ou trop petits, au vu de ses « avantages majeurs pour la santé ».
L’étude plaide pour « l’implantation de chambres parentales dans les unités de soins intensifs de néonatologie », estime aussi Ayoub Mitha, alors qu’il existe « beaucoup de disparités des pratiques entre les unités de soins », complète Véronique Pierrat. Cette intervention est « peu coûteuse » et « simple à mettre en œuvre », souligne-t-elle.
« Le coût, c’est former des professionnels » précise la chercheuse, et investir dans « de bons fauteuils, parce qu’on se débrouille souvent avec les moyens du bord : s’installer dans un transat de plage, pour une mère qui vient d’avoir une césarienne, ça n’est pas évident ! »