De sa voix douce, il vient nous parler d’Héritage Goldman 2 dont il est le directeur artistique. Ce nouveau spectacle mettant à l’honneur les morceaux du golden-boy de la chanson française passe par Forest National le dimanche 19 octobre. Mais aussi de Génération Céline, concept sensiblement identique centré sur l’œuvre de Céline Dion qui fera étape au même endroit le 19 février. Pour un retraité, voilà deux gros bébés sur les bras…
Jean-Jacques Goldman, un paradoxe magnifique et hors-norme
Quelle différence y a-t-il entre le premier Héritage Goldman et la deuxième version qui arrive le 19 octobre ?
« Hormis le fait que l’équipe était remaniée, parce que Michael (Jones, NdlR) a arrêté, ce qui était prévu, on a laissé la place à la nouvelle génération et on a un peu changé le répertoire. On a ajouté des chansons que Jean-Jacques a écrites pour les autres. Les gens vont découvrir des tubes comme ‘Aïcha’ (Khaled, NdlR), ‘L’envie’ (Johnny Hallyday, NdlR), « Il me dit que je suis belle » (Patricia Kaas, NdlR), sans savoir peut-être que c’est Jean-Jacques qui les a écrites. Ça montre son immense carrière comme auteur-compositeur »
Comment a-t-il accueilli l’idée ?
« Quand je lui ai dit que j’ai fait une nouvelle version du spectacle avec ces titres-là, il ne se rappelait plus qu’il avait écrit ça. Ou plutôt, il ne savait pas que, dans le cadre d’un spectacle comme Héritage Goldman, ça pouvait aussi être des tubes connus. Pour les gens qui ont déjà vu le premier Héritage Goldman, celui-ci est, je pense, un peu mieux même. Plus rodé, plus fun encore. »
Vous soumettez tout à Jean-Jacques Goldman ? Il faut son aval ?
« Pas du tout. Il n’en a un peu rien à faire. Il me dit : ‘je te fais confiance’. C’est plus par amitié pour lui que je lui en parle, ce sont quand même ses chansons. Lui, il ne veut pas s’en mêler, il est juste heureux de savoir qu’il y a de jeunes générations qui chantent ses chansons. Et des gens heureux de venir taper des mains et chanter. »
Cette confiance fait de vous le gardien du temple ?
« C’est ce qu’on dit, oui. Il y a longtemps, il m’a dit : ‘tu sais, quand on va beaucoup parler de ces choses-là, et que moi je ne le ferai plus, ben ce sera un peu à toi de le faire toi. Parce qu’au moins toi, tu sais de quoi tu parles. Sinon, ils vont poser des questions à des gens qui n’ont jamais rien vu et qui diront des choses fausses. »
Vous n’aviez jamais imaginé, à l’époque qu’un jour vous alliez défendre son œuvre à sa place ?
« On est amis en dehors de la musique. J’aime autant qu’on parle de mon ami avec les bons mots, c’est tout. Au début, je ne voulais pas faire ces spectacles. Si j’ai finalement accepté, c’est parce que je me suis demandé si cela allait être fait dans le respect de ce que Jean-Jacques aurait fait. Aussi parce qu’on m’a donné carte blanche pour tout : choix des musiciens, des chanteurs, du répertoire, de la mise en scène. C’est une grâce qu’on nous fait aussi, donc c’est difficile de refuser. »
S’agissant du répertoire, ne choisir « que » 25 titres de Jean-Jacques Goldman, ce doit être un crève-cœur ?
« Surtout qu’ici, comme on a ajouté des morceaux qu’il a écrits pour d’autres, il a fallu enlever certains des siens. C’était un petit peu mortifère, mais on est arrivé à un bon équilibre. »
Il y a une marque de fabrique Jean-Jacques Goldman. On entend deux ou trois mesures, on sait que c’est une de ses chansons…
« C’est l’avantage avec Jean-Jacques. Comme tout n’est pas basé uniquement sur sa voix mais aussi sur l’écriture, il suffit de respecter l’émotion qu’il a donnée au moment où il a écrit la chanson pour que ça soit juste. Et même si la voix est assez différente, les gens s’y retrouvent. Ils arrivent à oublier pendant deux heures que Jean-Jacques n’est pas là. Parce que la chanson est forte, les textes sont là, et la manière d’interpréter dégage le même style d’émotion que Jean-Jacques a voulu donner. Ce n’est pas une parodie. »
Le business de Jean-Jacques Goldman
C’est la marque des plus grands de voir d’autres interpréter leurs tubes et le public sortir avec le sourire ?
« C’est ce qu’on appelle les standards. C’est la force de Paul McCartney. Il y a au moins dix fois par jour quelqu’un qui joue ‘Yesterday’. L’œuvre a dépassé le maître. Il y a même des reprises qui sont presque plus connues que l’originale. Combien de gamins pensent qu »Hallelujah’ a été écrite par Jeff Buckley alors que c’est Leonard Cohen. Ils ne connaissent pas la version originale. Jean-Jacques, c’est ça. Quand il passe dans des endroits, il entend des gens qui chantent ses chansons et il se dit : ‘j’ai écrit quelque chose qui me dépasse, qui est passé de la postérité. »
guillement
Avec Jean-Jacques, on était libre de mettre du violon ou de la vielle à roue sur un truc duTop 50. »
Comment était-ce de travailler avec lui ?
« La seule chose que je puisse faire, c’est comparer avec les autres. Avec Jean-Jacques, ça a toujours été un rythme sans aucune pression. Au lieu de faire un album et de se dire qu’on y va à fond pendant quelques mois, on travaillait sur quatre titres, on arrêtait un mois, puis on revenait sur quatre titres, le temps de digérer ce qu’on a fait. On mettait neuf mois pour faire un album mais par tranches. Il n’y a jamais eu de pression, ça s’est toujours fait dans la facilité. »
Quel était votre rôle quand vous travailliez avec lui ?
« J’étais apporteur d’idées, le réservoir d’idées. Donc, je pouvais explorer les choses. Lui, il disait oui ou non, c’est le jeu. Ça me permettait de dire : ‘si on mettait un cœur d’armée rouge là ?’ Ou : ‘si on mettait des voix bulgares ?’ Ce qui était cool à l’époque, c’est qu’il n’y avait pas de problème de budget. On pouvait se permettre de faire des expérimentations qu’on ne pouvait pas faire avec des artistes qui débutaient. Car avec ces derniers, il fallait faire attention au quota de radio et il y avait des contraintes musicales. Avec Jean-Jacques, on était libre de mettre du violon ou de la vielle à roue sur un truc duTop 50. »
J’avais été surpris en regardant le DVD qui accompagnait Chanson pour les pieds, de voir Jean-Jacques Goldman, d’ailleurs croqué par Zep, en charentaises qui enregistre entre quatre matelas entassés dans une chambre. C’est inhabituel pour un chanteur qui vend des millions de disques…
« Jean-Jacques voulait enregistrer un nouvel album mais sans bouger de chez lui. Il était bien à Marseille. Il m’avait demandé si techniquement, il était possible d’enregistrer chez lui et non dans un studio. On s’en fout des studios sauf quand il s’agit de mixer parce qu’il y a des contraintes sonores à respecter. On a enregistré dans un trois-pièces, sans contraintes de temps puisqu’on ne payait rien. On était à la maison, c’était détendu. C’est là que le meilleur de l’artiste va sortir. J’ai fait ça avec beaucoup d’artistes. J’ai enregistré à la montagne, à la mer, dans un manoir à Bretagne… Je venais avec mon petit camion. On a enregistré la chanson ‘Bienvenue chez moi’ avec Florent Pagny, dans la grange de ses parents, en Bourgogne. Celle de son enfance. Il n’y avait même pas de porte, il fallait mettre le camion devant pour la fermer la nuit. »
Jean-Jacques Goldman à Londres, c’est fini !
guillement
Il sait faire des mélodies qui touchent, avec des mots simples mais pas simplistes. Il n’en fait pas trop non plus. »
Vous souvenez-vous de votre première rencontre avec Jean-Jacques Goldman ?
« Très bien. J’étais chez RTL, à Paris, avec le groupe Canada pour promouvoir notre single. Il était là aussi, dans la même émission. Il nous a remarqués parce qu’assis par terre dans les couloirs, on chantait du Crosby, Still & Nash, à 4 voix. On aimait ça et lui aussi était fan. Le courant est tout de suite passé parce qu’on avait les mêmes références musicales : rock, rock sudiste, etc. Il a adoré le groupe et l’album, et il nous a proposé de faire la première partie de sa tournée. On a dit : ‘attends, on va réfléchir’. Deux secondes plus tard, c’était oui et on a joué devant 5000 personnes. C’est comme ça que l’amitié s’est créée et que je l’ai découvert. Parce que moi, Jean-Jacques Goldman, je ne connaissais pas trop. C’était un mec qui chantait aiguë et je n’étais pas fan absolu de ça. Mais en l’observant sur le côté quand il montait sur scène, j’ai vu ce qu’il se passait entre le public et lui. Qu’est-ce qu’il donne aux gens et ce que les gens lui rendent, c’est magique. »
Elle s’explique comment cette magie Jean-Jacques Goldman ?
« Je ne sais pas, il y a un truc qui vient comme ça. Ce qui est certain, c’est qu’il aime les gens et qu’il est là pour leur raconter une histoire avec sincérité. Et puis, c’est un excellent songwriter. Il sait faire des mélodies qui touchent, avec des mots simples mais pas simplistes. Il n’en fait pas trop non plus. Je pense que c’est ça qui a marché, cette espèce de sincérité, de ne pas tricher, et dire les choses avec talent. Et puis, l’intelligence aussi, de ne pas trop jouer la star. C’est un mec simple qui aimait sa vie d’avant, corder des raquettes de tennis dans le magasin de sport, et qui trouvait que sa vie de musicien était aussi sympa. C’est quelqu’un qui dit bonjour, au revoir, boit de l’eau, fait du vélo. Il n’a pas une Rolls… La scène ne lui manque pas. Il n’a pas besoin d’avoir cet orgasme sur scène avec des gens qui l’adulent comme l’expliquait Mick Jagger. Ni de mourir sur scène comme l’avait déclaré Aznavour. Jean-Jacques Goldman est devenu chanteur par dépit. C’est parce qu’il n’arrivait pas à placer ses chansons qu’il les a chantées lui-même. Et ça a marché. Mais en vérité, sa vraie passion, c’est d’être seul dans son studio et d’écrire des chansons. Il ne se considère pas comme le meilleur artiste du monde. Les meilleurs, pour lui, ce sont les autres. Vocalement, il considère qu’il n’est pas un chanteur. Pas comparé à Céline Dion, par exemple. Il dit qu’il n’est pas capable de faire ce qu’elle fait. Cette humilité, cette sincérité, ça joue. »
Héritage Goldman 2 : le 19 octobre à Forest National. Infos et réservations : www.forest-national.be ou www.ticketmaster.be
Génération Céline : le 19 février à Forest National. Infos et réservations : www.forest-national.be ou www.ticketmaster.be