Les étrangers qui vivent depuis un certain temps en Allemagne et souhaitent obtenir la nationalité allemande devaient jusqu’en juin 2024 faire preuve d’une grande patience : au moins huit ans. Cette longue période d’attente a été considérablement raccourcie par le gouvernement de l’époque, composé des Sociaux-démocrates (SPD), des Verts et des Libéraux (FDP).

« La naturalisation doit en règle générale être possible après cinq ans, et après trois ans en cas d’efforts d’intégration particuliers », stipulait l’accord de coalition.

La double nationalité reste possible

La promesse a été tenue, mais à certaines conditions : pour obtenir le passeport allemand le plus rapidement possible, il fallait disposer d’un revenu suffisant, bien parler allemand et s’engager socialement, par exemple dans les pompiers volontaires. Cette naturalisation dite accélérée après trois ans a toutefois été supprimée par la coalition au pouvoir depuis mai 2025, composée des partis conservateurs (CDU/CSU) et du SPD.

Avec cette modification, le gouvernement dirigé par le chancelier fédéral Friedrich Merz (CDU) met en œuvre les mesures prévues dans son accord de coalition, tout en soulignant son intention de « maintenir par ailleurs la réforme du droit de la nationalité ». Cela signifie que la naturalisation ne sera possible qu’au bout de cinq ans au plus tôt. La possibilité d’avoir deux passeports, c’est-à-dire la double nationalité, est également maintenue.

Le ministre de l’Intérieur Alexander Dobrindt (CSU) s’est montré satisfait du résultat de la modification qu’il a largement initiée, alors même qu’elle n’avait pas encore été adoptée, lors du premier débat sur le projet d’amendement législatif à la fin du mois de juin au Bundestag, le parlement allemand. A cette occasion, il a salué le souhait de nombreux migrants de devenir allemands. « Bien sûr, la naturalisation est un facteur important pour la cohésion dans un pays », a-t-il déclaré au début de son discours.

Mais il a ensuite critiqué la « naturalisation accélérée » comme étant une fausse incitation, perçue à l’étranger comme un effet d’attraction. Ce terme est largement utilisé dans la publicité et signifie inciter à l’achat d’un produit vanté. Mais Alexander Dobrindt s’est également intéressé à l’effet qu’il a perçu en Allemagne : « Sur le plan interne, il s’agissait d’une fausse incitation, car cela donnait l’impression à la population que le passeport allemand était accordé dans le cadre d’une sorte d’offre spéciale. »

Seuls quelques-uns auraient profité de la « naturalisation accélérée »

Selon Jannes Jacobsens du centre allemand pour la recherche sur les questions d’intégration et de migration, la nouvelle réforme du droit de la nationalité n’apportera toutefois que peu de changements : « L’essentiel de la réforme de la naturalisation consistait à réduire le délai d’attente à cinq ans, ce que la nouvelle coalition maintient. » En réalité, le gouvernement précédent a même relevé les obstacles sur le plan qualitatif, souligne le chercheur spécialisé dans les questions migratoires.

Une condition essentielle pour obtenir le passeport allemand est de pouvoir subvenir à ses besoins sans aide de l’Etat. Jannes Jacobsen cite des exemples typiques illustrant à quel point cela peut changer rapidement, même pendant une procédure de naturalisation en cours : lorsque la personne concernée ne peut plus travailler en raison d’un handicap physique ou se retrouve sans revenu propre à la suite d’un divorce, car son partenaire était l’unique source de revenus.

Et quel a été le résultat final de la possibilité de « naturalisation accélérée », qui n’a existé que pendant 15 mois ? Selon Jannes Jacobsen, il est impossible de mesurer précisément l’effet après une période aussi courte, en raison du manque de données. On sait que seuls 13 % des étrangers vivant en Allemagne remplissaient les conditions linguistiques et économiques requises. La proportion de personnes qui seraient qualifiées pour la naturalisation après trois ans grâce à un engagement particulier serait très probablement encore plus faible.

Jannes Jacobsen souligne également un problème majeur qui, selon lui, reste sans solution : « Ce n’est pas parce qu’on dépose une demande de naturalisation qu’elle sera acceptée rapidement. En effet, en Allemagne, l’administration est fondamentalement surchargée. Les délais de traitement sont incroyablement longs. » Son institut sait, de source sûre, que les autorités chargées de la naturalisation ne sont pas en mesure de faire face à l’augmentation du nombre de demandes, car elles manquent de personnel. Avec un peu de chance, on est naturalisé au bout de six mois. Avec un peu de malchance, il faut attendre plus de quatre ans.

Cette situation ne changera pas de sitôt, car la pénurie de main-d’œuvre qualifiée se fait également sentir dans les administrations allemandes.