C’est la première fois qu’un roman de l’autrice à succès est porté à l’écran ! France 2 diffuse ce jeudi à 21h10 les deux derniers épisodes de la minisérie adaptée du best-seller de Virginie Grimaldi. Le Parfum du bonheur suit Pauline (Caroline Anglade), une trentenaire qui refuse de tirer un trait sur ses dix ans de mariage avec Ben (Xavier Robic).

En essayant de le reconquérir, elle va devoir se confronter à ses plus douloureuses blessures. Cette adaptation, son succès, ses traumas, et son rapport aux lecteurs… L’autrice bordelaise se livre sans tabou.

Selon vous, quelles étaient les principales difficultés pour adapter ce roman « Le Parfum du bonheur » ?

Les lettres et les flash-back. Quand on s’est rencontré avec la productrice, Sandra Karim, on a en discuté. Ça peut vite être grotesque, les lettres. Les lit-on à voix haute ? Les flash-back, comment on les identifie ? Elle avait une vraie proposition qui est celle que c’est devenu. La difficulté était là et je trouve que c’est très bien fait !

Avez-vous joué les éditrices sur le scénario ?

C’est ce que Samantha Mazeras me proposait, mais je n’ai pas eu à le faire ! Dès qu’elle finissait d’écrire un épisode, elle me l’envoyait. J’ai été saisie par l’émotion à chaque lecture. Elle a réussi à extraire exactement ce qu’il fallait du livre et à modifier ce qu’il fallait. C’est pour ça que j’ai été peu interventionniste.

Imaginez-vous le physique de vos personnages ?

Oui. J’ai une écriture très visuelle. Je vois les scènes. J’ai l’impression que j’ai juste à les raconter. Ils arrivent avec leur prénom et leur apparence physique.

Comment avez-vous réagi en découvrant le casting ?

Quand on m’a donné le nom des acteurs, j’ai dit : « O.K., super », mais je ne me disais pas : « Super, ça marche bien ! ». Je n’en savais rien en réalité. C’est sur le tournage, quand je les ai vu que je me suis dit qu’ils les incarnaient parfaitement. Ils se sont tellement approprié les personnages que maintenant, quand je pense à mon histoire, ce sont eux que je vois.

Les acteurs vous ont-ils sollicité sur le tournage ?

Oui ! Xavier Robic m’a posé plein de questions sur mon mari. Il l’a d’ailleurs rencontré, mais après le tournage. Caroline Anglade m’a demandé notamment comment j’avais vécu certaines choses pour mieux coller à la réalité. J’ai trouvé ça très beau qu’elle ait ce souci d’être le plus juste possible.

Qu’est-ce qui vous a étonné sur le tournage ?

Je n’étais jamais allée sur un tournage. Alors, je ne sais pas, peut-être que tous les acteurs font ça, mais Caroline Anglade et Xavier Robic s’étaient fait une playlist pour les scènes tristes pour se mettre dans le mood de la scène. Ils ont beaucoup écouté Douce de Clara Ysé. Du coup, ils ne jouaient pas les scènes, ils étaient habités par l’humeur de la scène. Ils avaient d’ailleurs parfois du mal à en sortir. Notamment, sur une des scènes les plus tristes, Xavier Robic a longtemps pleuré après…

Si vous n’avez pas lu roman, ni vu les 4 épisodes de son adaptation, passez votre chemin : la suite de cet article contient BEAUCOUP de spoilers.

Votre roman aborde un sujet peu traité en fiction…

Le deuil périnatal concerne beaucoup de personnes, mais c’est très tabou. J’ai vu une série américaine qui abordait le sujet, mais sinon, je n’ai jamais rien vu sur ce sujet-là. Et ça m’a manqué quand je l’ai vécu. Donc, je suis très heureuse de la justesse avec laquelle ils ont réussi à traiter le sujet à l’image.

C’est rare d’avoir une représentation de cet indicible à la télé…

Oui, on se sent isolée et incomprise. Comme à chaque fois qu’on traverse un deuil, on doit très vite aller bien et arrêter d’en parler pour ne pas ennuyer les autres. Et là, il y a quelque chose en plus. C’est un enfant qu’on n’a pas connu, un deuil très particulier.

Il existe un mot en anglais pour désigner les parents endeuillés, pas en français…

Le deuil périnatal n’a pas sa place. A l’hôpital, on ne sait pas où placer les parents qui vivent cela, au service maternité ou en gynéco ? J’ai vécu ça. Ils ne savent pas quoi faire de nous. Désormais, l’enfant peut exister. Il peut avoir des obsèques si la famille le souhaite et figurer sur le livret de famille. On progresse, mais c’est récent. J’ai été confrontée à des remarques, pas malveillantes, mais maladroites : « Vous en aurez d’autres », « Ce n’est rien », « C’est la nature qui fait bien les choses ». La fiction permet de normaliser certaines choses sans en faire des caisses. Peut-être qu’on va comprendre un peu mieux et qu’on fera gaffe la prochaine fois que ça arrive à nos proches.

Il fallait éviter de tomber dans le pathos…

Complètement, je déteste les œuvres qui parlent de sujets graves avec gravité. Il ne faut évidemment pas le tourner en dérision, mais trouver la justesse. C’était l’autre grande difficulté de cette adaptation. Ils ont trouvé la justesse entre légèreté, parfois même humour et gravité pour en faire un sujet qui puisse toucher tout le monde et qu’on puisse comprendre.

« Le Parfum du bonheur », c’est avant tout une histoire de famille ?

La rupture, c’est le fil rouge. Et il y a cette histoire de famille un peu dysfonctionnelle. Une partie que j’adore à l’écran. Dans le livre, c’est aussi une histoire de famille. Pour moi, l’histoire de la famille est au même plan que l’histoire de la rupture et du deuil périnatal.

Ce deuil oblige Pauline à aller creuser ses autres traumas…

Elle va très mal. Et quand on va mal, souvent pour aller mieux, il faut aller au fond. Les réponses se trouvent aussi dans sa famille, pas uniquement dans ce qu’elle a vécu. J’aime quand les histoires s’entrelacent. Le père a ses propres démons, la mère, aussi. ça ressemble à pas mal de familles.

Est-ce là la clé de votre succès littéraire ?

Je ne connais pas la clé. Vraiment. Quand on me demande, le seul truc qui revient souvent dans ce que me disent les lectrices et les lecteurs, c’est qu’ils s’identifient, qu’ils se reconnaissent et qu’ils se sentent moins seuls. On dirait que c’est une posture, mais à chaque livre, je me dis que cela va intéresser personne. Je suis une hypersensible, et donc peut-être que j’arrive à mettre des mots sur des choses que d’autres ressentent et sur lesquelles ils n’arrivent pas à mettre de mots. Mais, ça me dépasse, je suis la première surprise. Je ne sais pas l’expliquer autrement : je n’écris pas mieux qu’un autre, je n’ai pas d’histoire plus originale qu’un autre…

Il y a de la sincérité…

Oui, j’écris que des choses que j’ai besoin d’écrire. Et j’essaye d’être le plus juste possible. À chaque fois, si je me dis, ça va être trop pathos, ou trop facile, ou non, dans la vraie vie ça n’arriverait pas, je n’y vais pas. Je cherche toujours à être le plus juste possible.

L’écriture est-elle cathartique ?

L’écriture est cathartique. Elle a toujours été ma thérapie depuis que je suis petite et bien avant d’être publiée. Ce qui m’aide, depuis que je suis publiée, c’est de savoir que je ne suis pas seule. Avec mon hypersensibilité, mes névroses et mes angoisses, je me suis sentie souvent un peu seule, un peu bizarre. Et je me rends compte qu’on est hypernombreux à ressentir cela. J’aimerais tellement me dire : « j’écris et après, terminé, je ne souffre plus ». Mais, ça ne suffit pas. J’ai l’impression que mes chagrins se superposent les uns aux autres. Et on vit avec, mais comme tout le monde. L’écriture n’est pas magique. Par contre, et c’est ce que je me suis dit quand j’ai écrit Plus grand que le ciel et que je venais de perdre de mon père, heureusement que j’ai ça. En écrivant de la fiction, j’arrive à mettre de la distance. Depuis son décès, qui avait eu lieu à peine quelques semaines plus tôt, je lui écrivais à lui. Et c’était trop douloureux. Il me manquait tellement que c’était dur de lui écrire, mais j’en avais besoin. En lui écrivant, des personnages sont venus, et des scènes de comédie, et c’est devenu un roman. Ma chance, c’est de pouvoir transcender tout ce que je vis. Tout ce que je vis, c’est de la matière première.