En Europe, le risque d’une guerre avec la Russie n’est plus tabou. Les services de renseignements allemands (BND) ont mis en garde, ce lundi sur le risque d’un « conflit militaire direct » avec l’Otan, car Moscou souhaiterait « étendre sa zone d’influence vers l’ouest ».

« Nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers en pensant qu’une éventuelle attaque russe n’aura pas lieu avant 2029 au plus tôt. Nous sommes déjà dans le feu de l’action aujourd’hui », a précisé Martin Jäger, le président de la BND.

Service militaire : le SPD exclu le tirage au sort

C’est dans un tel contexte, avec le survol de drones au-dessus de l’Europe, qu’un compromis au sein de la coalition gouvernementale sur la refonte du service militaire, projet phare du chancelier Friedrich Merz (CDU) n’a pas été obtenu. Le ministre de la Défense, Boris Pistorius (SPD), a refusé l’option d’un tirage au sort pour regarnir les rangs de l’armée si la progression des effectifs (de 182 000 à au moins 260 000) n’était pas atteinte.

Ce dernier veut étoffer les effectifs de la Bundeswehr en misant sur le volontariat. Les conservateurs de la CDU étaient particulièrement remontés car ils défendent le projet de doter l’Allemagne de « l’armée conventionnelle la plus puissante d’Europe ».

La passe d’armes a également porté sur la question des drones. Le ministre-président de Bavière, Markus Söder (CSU), a appelé à les abattre quand ils survolaient des sites sensibles. Boris Pistorius s’y est opposé : « Ce qui nous aide le moins, c’est la rhétorique du pistolero ».

Dans cette période de forte escalade, les ministres de la Défense de l’Alliance atlantique ont tenu une réunion à Bruxelles, mercredi. Ils ont discuté principalement des moyens de renforcer leur soutien à l’Ukraine et d’améliorer leur sécurité face aux survols de drones dans le ciel européen. Plusieurs membres réclament davantage de moyens. L’Otan envisage ainsi d’affiner ses règles d’engagement en donnant davantage de flexibilité à son commandement militaire.

Face aux drones russes, l’Europe renforce sa défense

De son côté, l’Union européenne devrait acter jeudi le projet d’un mur anti-drone. L’Otan a déjà donné son aval. C’est la Commission européenne qui doit présenter les grandes lignes de ce plan, nommé « Initiative européenne pour les drones » (Eddi). Si des zones d’ombres demeurent autour des multiples incursions de drones, une partie a été imputée à la Russie. Le projet doit être pleinement opérationnel d’ici à 2027, et entend s’appuyer sur l’expérience acquise par l’Ukraine. Kiev dispose désormais d’une industrie de fabrication de drones et surtout d’intercepteurs.

D’après l’AFP qui a eu accès au document, cette initiative sera d’abord mise en œuvre dans les pays frontaliers de la Russie et sur le flanc oriental de l’UE, avant d’être étendue. Le dialogue, lui, passera après.

Une escalade militaire de plus entre l’Europe et la Russie, alors que la mer Baltique devient un nouvel espace de tensions. Avec l’entrée dans l’Otan de la Finlande et de la Suède, après l’invasion russe de l’Ukraine, en 2022, les pays membres de l’Alliance encerclent définitivement l’accès maritime de Moscou.

Le gouvernement suédois ne minimise en aucun cas la menace. Stockholm a renforcé depuis quatre ans son concept de « défense totale » réactivé en 2015, après l’occupation de la Crimée par la Russie.

La Suède prépare des stocks alimentaires face à la menace russe

Comme d’autres pays, notamment la Pologne et la Finlande, la préparation à une confrontation avec Moscou est clairement envisagée. Elle permet de valider une hausse des budgets militaires et de nouvelles mesures. Le premier ministre suédois, Ulf Kristersson, a annoncé mardi que les premiers stocks de céréales à utiliser en cas de guerre ou de crise vont être mis en place pour les comtés de Norrbotten, Västerbotten, Västernorrland et Jämtland.

Ces derniers dépendent entièrement des transports en provenance du sud du pays pour assurer leur approvisionnement alimentaire. « Le nord de la Suède est d’une importance stratégique militaire et constitue une priorité particulière pour la défense totale », a justifié Carl-Oskar Bohlin, ministre de la Défense civile, dans un communiqué.

Autre élément de cette escalade sans nuance : la Pologne vient de demander à l’Allemagne d’arrêter son enquête sur Nord Stream, révèle le Financial Times. Sławomir Cenckiewicz, qui dirige le bureau de la sécurité nationale polonais, est un conseiller clé du président Karol Nawrocki, et a déclaré au quotidien que Berlin ne devrait pas poursuivre la procédure si elle souhaitait aligner sa politique envers la Russie sur celle de la Pologne et des autres alliés de l’OTAN.

Depuis le sabotage en 2022 du gazoduc, l’Allemagne a émis un mandat d’arrêt en 2024 contre un moniteur de plongée ukrainien. Ce dernier a été interpellé en Pologne, le 30 septembre. Son avocat dénonce « l’émission de ce mandat d’arrêt européen par l’Allemagne », en raison « du fait qu’une guerre totale est en cours entre l’Ukraine et la Russie ».

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