Dès 2026, les rugbymen pros ne pourront plus jouer plus de 30 matchs par saison. Repos obligatoire, calendrier allégé : la révolution est en marche. Reste à savoir si cette réforme protégera vraiment les joueurs… ou compliquera la vie des clubs.
World Rugby a récemment acté une réforme majeure. À partir de la saison prochaine, l’exercice 2026-2027 donc, les joueurs professionnels ne pourront disputer plus de 30 matchs par an, avec un repos obligatoire d’au moins cinq semaines consécutives et un maximum de six semaines de compétition sans interruption. Objectif affiché : protéger la santé des joueurs et prolonger leur carrière. Une décision saluée sur le principe, mais qui soulève de nombreuses interrogations.
Un constat alarmant : des corps à bout de souffle
Depuis plusieurs années, les rugbymen tirent la sonnette d’alarme. Saisons interminables, tournées internationales, doublons en club et sélection… le calendrier est devenu un casse-tête épuisant. Certains joueurs disputent près de 40 matchs par saison, sans véritable période de récupération. Résultat : une explosion du nombre de blessures, une fatigue chronique et, parfois, des carrières raccourcies.
En imposant une limite, World Rugby entend rompre avec cette spirale infernale. Une pause régulière, des périodes sans contact et une meilleure gestion des charges pourraient en effet permettre un jeu plus explosif et plus durable.
🚨🚨 Le Bureau exécutif de World Rugby a annoncé la mise en place de nouvelles directives sur la charge des joueurs et joueuses pour les compétitions masculines et féminines.
Les nouvelles directives stipulent que tous les joueurs doivent :
-Ne pas disputer plus de 30 matchs au… pic.twitter.com/mjITyjRTBD
— Gauthier Baudin (@GauthierBaudin) October 1, 2025
Une règle universelle, dans un sport aux réalités multiples
Mais si le principe semble évident, la future mise en pratique divise. Car tous les championnats ne sont pas logés à la même enseigne. Un international français du Top 14 dispute en moyenne quasiment 25 matchs, avant même les phases finales des différentes compétitions, Coupe d’Europe incluse, et en prenant en compte la sélection nationale.
Un international anglais, évoluant en Premiership, prend part automatiquement à moins de matchs sur une saison, puisque seules 10 équipes disputent le championnat domestique. Conclusion, un joueur évoluant dans un championnat moins dense restera loin du quota maximal. De quoi créer un réel déséquilibre entre les différentes nations, notamment à l’approche des fenêtres internationales.
Appliquer une règle uniforme à des contextes si différents pourrait créer des distorsions et des tensions. Clubs et sélections risquent de se renvoyer la responsabilité du trop joué, chacun défendant ses intérêts sportifs et économiques.
Un équilibre fragile
Les entraîneurs, eux, redoutent une perte de flexibilité. Devoir ménager leurs cadres lors de grands rendez-vous pour respecter le quota annuel pourrait fausser la compétition. À l’inverse, les joueurs de rotation, habitués à jouer les seconds rôles et à gagner du temps de jeu lors des fenêtres internationales, pourraient en profiter pour obtenir davantage de feuilles de match. Une évolution positive pour certains, mais imposée plus que choisie.
Cette nouvelle règle promet déjà de susciter des débats. Les managers et entraîneurs se sont rapidement fait entendre après l’annonce de World Rugby. À l’instar de Pierre Mignoni, manager du RC Toulon, qui connaît mieux que quiconque les enjeux liés à la protection des joueurs. Dans un entretien accordé à RMC Sport, l’ancien demi de mêlée n’a pas caché son agacement face à cette décision.
Je suis pour la protection des joueurs à 100%. Après, vous ne pouvez pas me dire qui va jouer dans mon équipe. Vous ne pouvez pas me le dire. Maintenant, si c’est pour le bien du joueur, on parle de 30 matchs. J’ai joué des saisons avec plus de 30 matchs. Si on nous l’impose, on le fera. Je n’ai pas besoin de ça. Je sais très bien que dès qu’on dépasse un certain temps de jeu, et parfois, tu ne peux pas trop faire autrement. C’est compliqué avec les blessures. Franchement, on essaie de faire au mieux, de manager les joueurs… et puis, des fois, on n’a pas trop le choix. On fait comme on peut.
Manager lui aussi par le passé, Fabien Galthié, sélectionneur du XV de France depuis 2019, défend une approche différente dans les colonnes de Sud-Ouest. « 25 matchs et 2 000 minutes pour se régénérer, s’entraîner, se développer et jouer », explique-t-il. « Aujourd’hui, on monte le curseur à 30 matchs et 2 000 minutes, tournée d’été comprise : c’est trop ! ». Moins de matchs, mais un temps de jeu équivalent, ce qui permettrait de mieux gérer les périodes de repos, et ce, encore plus efficacement que ce que prévoit la nouvelle règle qui entrera en vigueur la saison prochaine.
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Une réforme nécessaire, mais pas suffisante
World Rugby a raison sur le fond : le rugby moderne use ses acteurs. Mais sans coordination globale et sans adaptation locale, la réforme risque de devenir un casse-tête administratif. Le diable se cache dans les détails. Comment comptabiliser un match ? Faut-il différencier 80 minutes jouées d’une entrée à la 75ème minute de jeu ? Qui contrôle, qui sanctionne ?
Pour que cette mesure ne tourne pas à la « fausse bonne idée », il faudra une mise en œuvre fine, concertée et transparente. Préserver la santé des joueurs est une priorité absolue, mais pas au détriment du jeu, du spectacle ou de l’équité entre nations.
En conclusion, World Rugby souhaite frapper fort, mais pas forcément juste. La volonté de protéger les joueurs est salutaire, encore faut-il que le remède ne crée pas de nouvelles fractures entre clubs, fédérations et compétitions. Car si le rugby veut rester un sport d’engagement, il lui faudra aussi apprendre à ménager ses forces.


