C’est une des premières conséquences concrètes du placement en redressement judiciaire, fin septembre, du groupe de sous-traitance industrielle lyonnais ACI fondé en 2019 par Philippe Rivière et Patrice Rives (1 500 collaborateurs, 40 entreprises reprises en cinq ans, CA 2025 prévisionnel : 150 millions d’euros) : les 40 salariés de l’entreprise de mécanique rouchonne Roche Meca Tech ont appris mardi, lors d’un CSE extraordinaire, l’état de cessation des paiements de leur société. Celle-ci avait réalisé l’année dernière un chiffre d’affaires de 4,9 millions d’euros, avec des pertes de 238 000 euros.

Des situations difficiles pour certains salariés

Ils n’ont toujours pas reçu leur salaire correspondant au mois de septembre alors qu’ils sont habituellement payés le 10 du mois. « La situation est difficile pour certains des salariés : des prêts, des loyers sont prélevés à cette date », souffle Samy Tabti, délégué syndical CGT. Les salariés sont d’autant plus inquiets que cela pourrait se prolonger.

À l’image de Vissal Manufacturing, dans le Doubs, autre société du groupe industriel ACI, dont les salariés attendent leur paie, eux, depuis 15 jours. Ils avaient été informés fin septembre par leur direction de l’état de cessation des paiements de leur entreprise. Dans cette situation, même si le délai réglementaire maximal est de 45 jours, une déclaration est généralement déposée rapidement au tribunal de commerce qui, ensuite, statue sur la suite à donner.

Cette étape est indispensable pour que le régime de garantie des salaires prenne le relais. Sauf que pour Vissal Manufacturing, à l’heure où nous écrivons ces lignes cette démarche n’a pas encore été accomplie.

Chez Roche Meca Tech, le CSE a été informé de la cessation des paiements mardi matin et la déclaration auprès du tribunal n’a pas encore été réalisée, les salariés craignent que le groupe traîne les pieds. « C’est en cours, cela va arriver », rassure Philippe Rivière, le président d’ACI.

Une fois la déclaration de cessation des paiements réalisée, le sort de la PME de Roche-la-Molière sera entre les mains du tribunal des activités économiques de Lyon. Trois alternatives se présenteront : la sauvegarde (peu probable), l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire avec une période d’observation de 6 mois maximum ou la liquidation immédiate. Une perspective qui inquiète évidemment les salariés de Roche Meca Tech mais qui, surtout, les rend furieux.

« Gestion désastreuse »

« Nous sommes victimes de la gestion désastreuse de notre entreprise par le groupe ACI. Comefor était une entreprise reconnue dans la Défense notamment, avec des grands noms parmi nos clients. Avec l’explosion du marché de la Défense, nous ne devrions certainement pas nous en retrouver là. La trésorerie de notre entreprise a été pillée par ce groupe dont la gestion est vraiment opaque. Nous ne nous en arrêterons pas là, nous allons mener toutes les actions nécessaires auprès des instances qualifiées », assure Samy Tabti.

Des démarches ont d’ores et déjà été initiées par les représentants du personnel pour permettre aux salariés de déposer rapidement des saisines auprès du Conseil de Prud’hommes afin de faire valoir leurs droits.

La CGT dénonce aussi « un manque d’investissements » depuis le rachat par ACI, « une absence de formation », et le recours à des aides publiques pour un bâtiment « qui n’est pas fini ». Un point sur lequel Pierrick Courbon, député de la Loire, avait d’ailleurs alerté dès mars dernier les ministres alors concernés.

De son côté, Philippe Rivière, promet qu’il a toujours soutenu Comefor, « une entreprise (qu’il) a acheté deux fois » : une fois avec le groupe We Are dont il était associé minoritaire puis avec son groupe ACI. « J’ai toujours soutenu Comefor, alors qu’ils perdent de l’argent depuis quatre ans et que je rencontre une opposition syndicale depuis le départ. Aujourd’hui, avec le redressement judiciaire de la holding, ce n’est plus possible de renflouer leur trésorerie ».

Visiblement agacé par nos questions, même s’il a accepté d’y répondre, le dirigeant d’ACI – actuellement pris dans une soudaine et intense tempête économique et médiatique – explique que l’hostilité qu’il rencontre chez Roche Meca Tech ou à l’UIMM Loire n’est pas sa préoccupation première du moment. « J’essaie avant tout de sauver le maximum d’emplois dans le groupe ».

S’ils disent ne plus avoir aucune confiance depuis bien longtemps dans le groupe ACI, sauver leurs emplois en revanche, c’est bien aussi ce qu’entendent faire les salariés de Roche Meca Tech. Ce jeudi, un appel à la grève a été lancé par les deux syndicats présents dans l’entreprise, la CGT et la CFE-CGC. « Nous allons manifester notre désaccord avec cette gestion désastreuse. Mais nous voulons aussi montrer à de potentiels repreneurs que notre entreprise a de l’avenir. Nous avons un carnet de commandes de deux millions d’euros », indique Samy Tabti.