l’essentiel
Au lendemain de la démolition d’une habitation bâtie en zone naturelle et inondable, près de Toulouse, le maire de la commune retrace la genèse du dossier, les recours en chaîne et le coût humain et financier.
Il y avait d’abord « une ruine, deux murs encore debout ». Début 2018, un particulier rachète une parcelle située chemin du Vieux Port, « environ 1 000 à 1 500 m² », au bord des anciens jardins de Carbonne, au sud de Toulouse.
C’est un secteur fait de jardins potagers, avec quelques cabanons. Seule cette maison avec les briques encore apparentes servait de logement, depuis plusieurs années, tout près de la Garonne.
Les premiers PV dressés par les policiers municipaux en 2018
Très vite, les voisins et promeneurs alertent la mairie : un chantier s’active. Problème, rappelle Denis Turrel, le maire de cette ville de 5 000 habitants : « C’est inconstructible, c’est une zone naturelle et une zone inondable à aléa fort. »
Le maire de Carbonne, le préfet de Haute-Garonne et la vice-procureure de la République étaient présents.
DDM – NATHALIE SAINT AFFRE
La police municipale dresse les premiers PV d’infraction, « sans entrer sur le terrain, comme le droit l’impose ».
La construction avance malgré tout. « On a lancé les procédures et, à chaque étape, le propriétaire continuait. Il a multiplié les recours avec ses avocats pour ralentir au maximum », raconte l’élu.
Deux chambres, salle d’eau, séjour cuisine… et raccordement illégal à l’électricité
D’où « sept ans d’un dossier très technique » : instruction, preuves, premier jugement, appel, confirmations au pénal et au civil en 2022. « Nous ne l’avons jamais lâché. »
Entre-temps, la maison s’équipe : « Deux chambres, salle d’eau, séjour-cuisine. Il vivait dedans. Il s’est raccordé illégalement à l’électricité et trouvait de l’eau sur le réseau voisin. »
Le propriétaire tentera même une manœuvre : « Il avait retiré l’ancienne toiture pour faire croire à une remise en l’état. Il a fallu repartir en procédure. »
Le propriétaire, auteur de menaces de morts, n’est pas au courant de l’intervention des forces de l’ordre
Mercredi 15 octobre au matin, sous protection de la gendarmerie, les engins entrent en scène pour le curage, puis la démolition.
La maison de 3 pièces et 90 m2 a été démolie.
DDM – NATHALIE SAINT AFFRE
« On enlève fenêtres, placo, sanitaires, tout ce qui ne peut pas aller dans les gravats. Les déchets sont triés par des professionnels, le béton part en carrière. »
Le propriétaire, condamné dans ce dossier pour menaces de mort contre un adjoint et « connu pour des comportements violents », est absent. « On a pris des mesures de sécurité exceptionnelles », souffle le maire.
Un élu est notamment sous protection, de peur d’un passage à l’acte violent.
Une tendance lourde : la cabanisation, ou construction illégale sur un terrain inondable ou agricole
Au-delà du cas d’espèce, Denis Turrel situe ce dossier dans une tendance lourde : la “cabanisation”.
« Des gens achètent du foncier naturel ou agricole en pensant qu’on les laissera bâtir petit à petit. Ça se développe avec la rareté du terrain constructible. Les lois ALUR (2014) et Climat et Résilience (2021-2022) poussent à densifier et à désimperméabiliser : c’est une bonne chose, mais certains cherchent des contournements. »
« Nous ne stigmatisons personne. Des gens d’origine diverses trichent à l’urbanisme »
L’édile refuse toute stigmatisation, y compris quand certains lient ces situations à une communauté : « Ne stigmatisons personne. Des gens trichent à l’urbanisme, d’origines diverses. Ici, c’est tombé sur ce propriétaire, mais ce n’est pas une question d’appartenance. »
Sur la communauté de communes du Volvestre, « d’autres cas existent », admet-il, « mais pas de cette ampleur ».
Et de conclure : « Le message est clair : quand on bâtit hors droit, la justice finit par passer. Un État de droit crédible, c’est celui qui protège l’intérêt général et traite chacun à égalité. Nous sommes soulagés d’arriver au bout. »