Un rayon de soleil fend la grisaille et illumine le port de Cancale (35). La vue justifie de poser pied à terre, pour contempler les eaux turquoise, avant de finir, presque en roue libre, la descente vers la cité ostréicole. Ce sera, pour nous, la fin d’une escapade sur une partie de la Traversée bretonne, un itinéraire à vélo de 500 km qui relie Nantes au Mont-Saint-Michel. Au cours de ces trois jours, nous avons arpenté les chemins qui mènent de Rennes à Cancale.

Retour au début de cette pérégrination vélocipédique, à Montreuil-sur-Ille (35), au bord du canal d’Ille-et-Rance, sur lequel nous avons une petite quinzaine de kilomètres à écluser. C’est le mot puisque ce canal artificiel, aménagé au début du XIXe siècle, compte pas moins de 42 écluses, au long des 84 km de son tracé. C’est une promenade bucolique, au rythme des anciennes maisons éclusières. Presque pas de relief, si ce n’est un raidillon au moment de croiser une route (prudence au carrefour) et l’insensible surélévation du chemin, laissant un temps le canal en contrebas, pour très vite redescendre après avoir franchi son point culminant.

On écluse les distances sur les bords de la Rance

À Hédé-Bazouges (35), on « écluse » onze fois, sur le site justement nommé des onze écluses qui, du temps de l’exploitation du canal, jusque dans les années 1970, permettait de franchir un dénivelé de 27 m. Ici, les éclusiers étaient disponibles à toute heure du jour et de la nuit, pour prendre en remorque les chalands, chargés, notamment, de lin ou de chanvre, à l’aide de chevaux, d’ânes ou de bœufs. Ils pouvaient ainsi conduire les bateaux sur une distance de 20 ou 30 km.

Entre Dinan et Dinard, une voie verte est aménagée sur le tracé d'une ancienne voie ferrée.Entre Dinan et Dinard, une voie verte est aménagée sur le tracé d’une ancienne voie ferrée. (Jean-Luc Le Roux/Le Télégramme)

Le deuxième jour est une douce errance sur les bords de la Rance. La Traversée bretonne, dans ces parages, serpente entre l’Ille-et-Vilaine et les Côtes-d’Armor et c’est sur la rive gauche du fleuve, à Léhon (22), qu’une halte s’impose à Saint-Magloire, ancienne abbaye bénédictine, avant d’avaler les trois derniers kilomètres vers Dinan (22), qui se dévoile sous son viaduc. Ici, il est recommandé de stationner son vélo sur le port, pour le troquer une heure ou deux contre un bateau électrique et naviguer au milieu de l’estuaire, ou prendre le temps de monter la très pentue rue du Jerzual, une voie tout à fait inadaptée à la circulation à deux roues.

L’air iodé du kilomètre « dix-huître »

Autre passage très déconseillé aux vélos : le barrage de la Rance, entre Dinard (35) et Saint-Malo (35). Aussi, après avoir couvert la trentaine de kilomètres vers Dinard, d’abord en longeant la Rance à la sortie de Dinan, puis via le bourg de Taden (22) et de petites routes de campagne, enfin par une voie verte aménagée sur le tracé d’une ancienne ligne de chemin de fer, il est préférable d’embarquer à bord d’une navette maritime. Les cycles bien calés, la traversée express de dix minutes croise le Renard, le cotre de Robert Surcouf, et le Saint-Malo, l’un des derniers-nés de la flotte Brittany Ferries, qui donnent envie de filer vers le large.

À Saint-Malo, c'est en longeant la plage du Sillon qu'on prend la direction de CancaleÀ Saint-Malo, c’est en longeant la plage du Sillon qu’on prend la direction de Cancale (Jean-Luc Le Roux/Le Télégramme)

On sort de Saint-Malo en longeant la plage du Sillon, qu’on quitte de façon abrupte, par une côte de pavés irréguliers. Gare à la chute ! La suite se passe sur une piste cyclable, le long d’une route assez fréquentée, qui n’est pas le tronçon le plus plaisant, puis la circulation se raréfie au voisinage des champs de choux et des malouinières, ces demeures d’agrément des armateurs. Et voilà qu’au kilomètre « dix-huître », nous accueille l’air iodé aux parfums de plate et de creuse de Cancale. Et c’est là, en fin de compte, qu’on peut, en ouvrant une huître, prendre la mer.