Par
Antoine Blanchet
Publié le
16 oct. 2025 à 19h02
« Qu’est-ce qui fait qu’on est cambrioleur depuis 1976 et qu’on ne s’arrête pas ? ». Depuis le box, Patrick F. bafouille. Les 23 mentions de vols inscrites sur son casier judiciaire ne jouent pas en sa faveur. L’homme de 68 ans tapote le micro du doigt. Son dos endolori l’empêche de se tenir droit. « C’était quand j’avais besoin d’argent », glisse-t-il, honteux. Ce jeudi 16 octobre 2025, le quasi-septuagénaire comparaît devant le tribunal correctionnel de Paris pour une série de cambriolages. Les larcins ont été commis en compagnie d’un autre homme. Lui aussi dans la boîte vitrée.
Un renseignement anonyme
L’affaire commence par un coup de fil estival. Les agents de la prestigieuse brigade de répression du banditisme de la police judiciaire reçoivent ce qu’ils appellent un « tuyau ». L’informateur anonyme les informe que Patrick F., cambrioleur notoire, aurait de nouveau quitté le plancher des vaches pour jouer les monte-en-l’air. Le dernier coup en date : un appartement situé à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine).
Les policiers exploitent l’information et consultent la vidéosurveillance aux heures du vol. Le tuyau n’est pas bouché. Les éléments donnés permettent d’attester de la présence du dévaliseur aux cheveux blancs sur les lieux du méfait. Pas seul. Un autre homme est présent. Djilel G., 49 ans. Son casier judiciaire est, lui aussi, bien rempli.
Les limiers de la BRB ne croient pas à un acte isolé. Ils vérifient si les lignes téléphoniques du duo chevronné bornent sur les lieux d’autres cambriolages commis dans la capitale et à Meudon. Bingo. Patrick F. est présent sur neuf casses. Djilel G. sur six. Les compères avaient une manière d’opérer bien rodée. Ils cherchaient des serrures spécifiques, faciles à crocheter. Ils venaient en pleine journée, frappaient à la porte et s’introduisaient dans le logement si personne ne répondait. Le butin comprenait des bijoux ou bien du matériel électronique.
« J’aime pas le terme de butin. Ça me choque »
Face aux juges, les deux hommes n’en mènent pas large ce jeudi. Ils reconnaissent tous les deux les faits reprochés. À une exception près : un vol commis le 22 juillet 2025 contesté par Patrick F.. Pourquoi ? Parce qu’elle ne correspond pas à son expérience délictuelle. « Je ne vais pas cambrioler dans une impasse. Ça comprend trop de risques », assure-t-il. La vidéosurveillance l’identifie pourtant. Face à ces preuves accablantes, le prévenu se trouve dans l’impasse où il prétendait ne pas être allé. Il avoue à demi-mot.
Curieuse sur sa façon de procéder, la présidente bombarde le sexagénaire de questions.
Comment étaient choisis les appartements ? « La raison, c’était la facilité. Il y a des modèles de serrures très très rares et on évolue dessus pour la facilité d’ouverture ».
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Pourquoi à deux ? « Il faut deux tournevis pour ce mode opératoire. C’est plus facile en duo ».
Et que devient le butin ? « J’aime pas le terme de butin, ça me choque. C’est pas très rémunérateur. C’est dérisoire ».
Même si Patrick F. a été condamné à de multiples reprises, le tribunal se demande la raison de cet énième plongeon dans la cambriole. « J’ai eu un accident du travail en 2024. Je n’avais plus de rémunération », souffle-t-il. Quant à son comparse, il évoque une addiction aux jeux d’argent. « Je suis chauffeur VTC et on s’est rencontrés dans un bar. On a décidé de faire des bêtises », relate Djilel G..
« Alors non, ce ne sont pas des bêtises. Nous ne sommes pas au tribunal pour enfants », le reprend sèchement la présidente.
Les prévenus lourdement condamnés
Placé en détention provisoire dans l’attente du procès, Patrick F. alerte sur ses conditions de détention : « Quand on a des cheveux blancs. C’est difficile. Les gens de mon âge sont suspectés d’être des violeurs ». Dans la salle, aucun de ses trois enfants n’est présent.
Face à ces faits caractérisés et reconnus, le procureur ne peut que se rendre à l’évidence : les deux hommes méritent d’être condamnés. « Ce dossier, c’est une rencontre entre deux professionnels du cambriolage ». Contre Djilel G., il demande deux ans de prison dont un an avec sursis probatoire. Contre Patrick F. : trois ans de prison, dont 18 mois assortis d’un sursis probatoire.
Dans leurs plaidoiries, les avocats de la défense mettent en relief le maigre préjudice des larcins. « On n’est pas sur des butins faramineux », argue l’avocat de Djilel G. qui demande au tribunal une peine sous le régime du bracelet électronique. « Mon client c’est un profil peu banal. Les délinquants ont souvent moins de 40 ans. Monsieur F., lui, il a fait sa toute sa vie. Commettre des menus larcins. Ça finit dans un hôtel pourri à Belleville. Gardez en tête qu’il n’a pas tiré de bénéfices », lance aux juges l’avocat de Patrick F. Me Simon Olivennes.
Malgré ces arguments, le tribunal a la main plus lourde que le parquet. Patrick F. est condamné à trois ans de prison. Djilel G. à deux ans.
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