«ReArm Europe»? Trop martial! Face à la réticence de pays comme l’Italie ou l’Espagne, la Commission européenne a préféré rebaptiser son plan pour redynamiser les capacités de défense de l’Europe d’un sobre «Préparation 2030», histoire de ne heurter personne. L’objectif est pourtant bien de transformer l’Europe en porc-épic d’acier, armé jusqu’aux dents, dans un climat sécuritaire anxiogène.
Les récentes incursions de drones et de chasseurs russes ont renforcé le sentiment d’urgence. La Russie teste les capacités de défense de l’UE et de l’OTAN, et l’Europe doit éviter d’exposer ses failles. Abattre des drones à environ 10 000 euros pièce avec des missiles qui en valent plusieurs centaines de milliers est un des problèmes à régler.
C’est dans ce contexte que la Commission européenne a détaillé, jeudi, sa feuille de route pour viser une Europe de la défense plus autonome et réactive à l’horizon 2030. Un plan à 800 milliards d’euros. Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE en discuteront la semaine prochaine à Bruxelles.
Message brouillé
Le réveil européen est réel. Et les récentes violations d’espaces aériens représentent bien un tournant. Il faut désormais vivre avec une nouvelle réalité: celle d’aéroports européens contraints de fermer pendant plusieurs heures après des alertes de drones à l’origine parfois mystérieuse. Alors, oui, il y a des lacunes à combler, des développements technologiques à rattraper, une parfaite interopérabilité en matière d’armement à atteindre, urgemment. Le savoir-faire de l’Ukraine permettra de concrétiser l’idée d’un «mur anti-drones».
Reste que cette Europe qui se réarme, du moins sur le papier, pour mieux résister à la Russie et s’affranchir (un peu) des Etats-Unis, transpire une certaine cacophonie. D’abord, parce que des déclarations de leaders de l’OTAN et de l’UE se chevauchent, notamment en matière de lutte anti-drones. La crainte de doublons s’exprime. Le message est brouillé.
Ensuite et surtout parce qu’au sein de l’UE, la défense relève de la compétence nationale. Ce sont bien les Etats membres qui sont aux commandes, pas Bruxelles. Augmenter de manière substantielle les dépenses de défense, même avec des incitations financières, et stimuler la production nationale d’armes, n’est pas à la portée de tous. Surtout dans un contexte économique fragile. La solidarité européenne pourrait vaciller à cause de choix budgétaires difficiles.
Le porc-épic d’acier est bien en train de grandir. Mais ses piquants restent pour l’heure encore mollachus. Et pas tous tournés dans la même direction.