Le site historique d’ArcelorMittal, situé aux limites de Châteauneuf et Rive-de-Gier, a inauguré, fin mars, aux côtés de l’Etat, d’élus et de l’investisseur – EDF Renouvelables – une centrale solaire de 4,2 ha implantée au sein de son vaste périmètre. Une partie de la solution trouvée pour satisfaire les exigences réglementaires quant au ruissèlement des eaux sur une zone séculaire de stockage de résidus de production. Enjeu vital pour sa conformité, son existence même donc, sur laquelle l’usine travaillait depuis près de 15 ans…
Vue aérienne de la centrale créée par EDF Renouvelables côté est du vaste site d’Industeel. Photo transmise par ArcelorMittal | Industeel France
A priori, complètement à contrecourant. Et pourtant, dans ce cas-là, l’imperméabilisation des sols témoigne d’une avancée environnementale. Entre des marchés toujours plus tendus, entre deux – en fait trois – crises internationales et une industrie soumise à une hyper concurrence délestée, elle, des normes sociales et environnementales, pas évident d’assumer, seul, du jour au lendemain, la pollution provoquée par une accumulation séculaire de résidus. L’héritage à assumer de décennies d’indifférence généralisée – pas seulement de la part du monde économique – vis-à-vis des conséquences de l’activité humaine sur la nature.
Avec une mise en demeure de la Dreal sur les bras à propos du ruissèlement des eaux sur ses zones de stockage ferreux au début des années 2010, c’est un défi de mise en conformité de taille auquel a été confronté le fabricant de tôles d’acier Industeel. Cette zone est située à l’est de cet immense site flanqué de sa non moins immense cheminée conservée à titre purement patrimonial qui le rend si identifiable depuis l’A47. Site historique – 160 ans d’histoire, les Établissements Marrel à l’origine – domicilié à Châteauneuf, en fonds de vallée, le long du Gier dans la continuité de la commune de Rive-de-Gier. Depuis le milieu des années 2000, il appartient au groupe ArcelorMittal n°1 de l’acier mondial dont Industeel est une filiale.
La viabilité même du site en jeu
En 2023, le site comptait 288 salariés (CDI / CDD) pour 34 000 t produites et 135 M€ de chiffre d’affaires (CA). Il a fait parler de lui et le savoir-faire sidérurgique de la Loire avec il y a peu, en révélant sa participation à la création des torches olympiques mais aussi des anneaux géants confiés par les JO de Paris à ArcelorMittal. Motifs de fierté partagés par tous… Autre époque, autre défi : au début des années 2010 donc, l’Etat lui réclamait donc une mise en conformité à propos de sa zone de stockage vis-à-vis de l’écoulement des eaux : environ 10 ha (sur 27) sur son flanc est, destinés à la fois à abriter une partie de la matière première mais aussi de résidus, issus de ses process de production, et pour beaucoup cumulés par des dizaines et dizaines d’années d’activité. Problème : les marges de manœuvre d’investissement déjà réduites pour la production pourraient être plombées par l’exécution de la demande qui menacerait, du coup elle aussi, la viabilité même du site.
Rituel du coupage de ruban fin mars entre dirigeants d’Industeel, représentants d’EDF Renouvelables, de l’Etat et élus locaux. Photo transmise par ArcelorMittal | Industeel France
Paradoxe rappelé sur place par le sous-préfet Hugo Le Floc’h fin mars, il est vrai, à l’heure où le besoin de réindustrialiser semble davantage partagé qu’il y a 15 ans : « L’Etat attend beaucoup, aussi bien en matière de réindustrialisation qu’en matière de sobriété foncière, énergétique et de développement durable. Alors, comment développer, redévelopper tout en restant sobre ? Ce n’est pas facile mais avec une vision commune, le paradoxe peut être surmonté. Cette opération emblématique le prouve. » Évidemment, en 2025, Industeel gère ses déchets de manière plus vertueuse que ne le faisaient les frères Marrel en 1875 dans le contexte d’une époque qu’il ne nous appartient pas de juger, en ne laissant plus ses stocks s’accumuler de la même manière sur les sols. Mais avec l’accompagnement de l’Etat, il lui a fallu investir plusieurs millions d’euros pour protéger ne serait-ce que du « passif » la nappe alluviale du Gier sous sa zone de stockage en partie, en imperméabilisant – 1,5 ha – afin de mieux diriger les eaux polluées vers le bassin de rétention souterrain créé (5 000 m3 en capacité).
La consommation électrique annuelle de 2 600 personnes
Opérationnelle depuis septembre 2024, la centrale est composée de 7 280 panneaux photovoltaïques. ©If Saint-Etienne / XA
Sous terrains encore, ces 2,5 ha de géomembranes, des canaux, des drains, opérationnels depuis 2022 afin d’éviter tout rejet indésirable dans la rivière Gier et autre infiltration profonde dans le sol. Encore insuffisant toutefois. Puisqu’il restait encore plus de 4 ha à revoir. Mais les capacités d’investissement de l’entreprise manquaient. La solution a donc été trouvée avec un rapprochement, validé en 2019 par l’Etat et accompagné par la Dreal entre Industeel et EDF Renouvelables, filiale d’EDF spécialisée dans la création de centrales – solaires, éoliennes… – de production d’énergie renouvelables comme l’indique son nom. L’option de créer sur cette zone une centrale solaire au sol imperméabilisé, guidant l’eau pluviale jusqu’au bassin de rétention, a été retenue.
EDF Renouvelables n’a pas souhaité nous indiquer le montant de cet investissement mais c’est elle qui l’a entièrement pris en charge, là aussi on suppose pour plusieurs millions d’euros. Composée de 7 280 panneaux photovoltaïques répartis donc sur les 4,2 ha les plus à l’est du site d’Industeel, la centrale dispose d’une puissance installée de 4,5 MWc. Elle est progressivement opérationnelle depuis septembre 2024 et produit désormais l’équivalent de la consommation électrique annuelle d’environ 2 600 personnes. Soit une fois et demie la population de la commune qui accueille l’usine depuis donc 160 ans.