«La toute première arme que j’ai tenue a été la main de ma mère.» Ainsi commence le nouveau roman de Jesmyn Ward, unique autrice double lauréate du National Book Award (pour Bois sauvage en 2011 et pour Le Chant des revenants en 2017). Elle signe ici un livre cadencé au rythme de deux mouvements parallèles: une descente physique en enfer et une ascension spirituelle vers la liberté, au cœur de la tragédie de l’esclavagisme aux Etats-Unis. Cette double et inséparable narration fait toute la puissance et la beauté de Nous serons tempête, l’autre formidable révélation de la rentrée littéraire américaine, en traduction française, avec James, de Percival Everett.
D’une main, l’écrivaine afro-américaine du Mississippi raconte le calvaire quotidien d’une enfant esclave métisse, Annis, dans les rizières de Caroline du Nord puis dans les plantations de cannes à sucre en Louisiane. De l’autre main, elle raconte une lignée de femmes qui remontent aux guerrières amazones des souverains du royaume du Dahomey (actuel sud du Bénin) et dont l’esprit tempétueux a traversé l’Atlantique, se transmettant de génération en génération. «Mes gens à moi, ce sont les tempêtes; on tourbillonne et on détruit. On danse le chaos», lui souffle l’âme de sa grand-mère.