Depuis plus d’une décennie, Vladimir Poutine cherche à contrôler l’Internet russe, qu’il considère comme un outil d’ingérence occidentale. Les mobilisations en ligne observées pendant la guerre russo-géorgienne, le Printemps arabe et les manifestations de 2011-2012 ont renforcé au sein du Kremlin la conviction qu’un Internet libre échappant au contrôle de l’État constituait non seulement un danger politique, mais aussi l’instrument d’un complot occidental, explique The Atlantic.
Depuis le début du mois de septembre, la Russie s’engage dans une nouvelle tentative de contrôle numérique de la population, via une application nommée Max. Développée par l’entreprise technologique russe VK, elle est obligatoire sur tout nouveau téléphone vendu dans le pays. Max permet d’envoyer des messages et d’appeler, de partager des fichiers, et de transférer de l’argent (entre banques russes, bien sûr).
Cette «super-app», qui semble largement inspirée du modèle chinois WeChat, a pour ambition de répondre à deux objectifs de Vladimir Poutine: limiter l’utilisation de plateformes comme WhatsApp et bâtir une souveraineté numérique où toutes les interactions des citoyens seraient sous surveillance. Toutes les données collectées par Max, comme les contacts ou la géolocalisation, seront entièrement accessibles au FSB, le service de renseignement russe.
La super-app qui pourrait tout contrôler
Le Kremlin a déjà tenté de remplacer les technologies occidentales par des alternatives russes, mais les résultats étaient jusqu’à présent assez mitigés. Les sites comme Rutube (censé concurrencer YouTube) ont souvent échoué, rencontrant un engouement initial suivi d’un déclin rapide.
Mais «l’application Max a au moins un peu plus de chances de succès», souligne The Atlantic. Si elle présente encore des défauts et suscite certaines critiques, elle bénéficie de l’expérience de VK, l’un des réseaux sociaux les plus populaires en Russie avec plus de 90 millions d’utilisateurs.
Le succès futur de Max repose en partie sur la volonté affichée de la Russie de rendre son utilisation obligatoire. Et les conséquences pour les citoyens seraient considérables. Tout ce que l’État recueille comme informations pourra être utilisé pour des arrestations, des amendes ou «bien pire encore».
Depuis que son fondateur a fui la Russie en 2014, VK coopère étroitement avec l’État. Selon deux journalistes indépendants, le FSB a directement encadré le développement de Max, dictant la gestion des données personnelles et exigeant le droit de scruter l’application à tout moment.
De plus, le régime de Vladimir Poutine semble appliquer cette approche coercitive à la surveillance numérique dans les territoires ukrainiens occupés. Depuis le 1er octobre, dans l’oblast de Zaporijia occupé par la Russie, les étudiants sont obligés d’utiliser Max, toute alternative étant interdite.