De riches archives
Au-delà du formidable travail sur ces riches archives (photos privées, extraits de films, d’interviews, de reportages d’époque…), Mr Scorsese repose sur un entretien au long cours de la cinéaste avec « Marty ». Toujours aussi vif, faisant preuve d’une mémoire d’éléphant, le réalisateur se livre, en toute franchise et avec son débit de mitraillette caractéristique, sur sa vie personnelle, montrant comment celle-ci a infusé chacun de ses films.
Des films qu’il commente avec brio, que ce soit sur les thématiques abordées, mais aussi sur les aspects techniques : story-board (art qu’il pratique depuis qu’il a 12 ans), montage, musique… Où l’on découvre par exemple que Scorsese n’est pas totalement convaincu par Gangs of New York (2002), projet très important pour lui (comme La Dernière tentation du Christ) qu’il tentait de monter depuis 1970.
Robert De Niro et Martin Scorsese, en vacances… ©AppleTV+Outsider à Hollywood
Influencé par le néoréalisme italien, qu’il découvrit enfant à la télé — il dit avoir été marqué par Le Voleur de bicyclette de De Sica, où il revivait le déclassement social de sa famille italo-américaine —, mais aussi par la Nouvelle Vague française (Godard en tête) et le cinéma indépendant américain (Cassavetes fut l’un de ses mentors), Scorsese s’est construit un style très personnel.
Toujours basé sur l’expérimentation avec le médium, de plus en plus baroque au fil des films, ce style l’a longtemps tenu éloigné d’Hollywood, où ce New-Yorkais issu d’une famille pauvre italo-américaine ne s’est jamais senti à sa place. Contrairement à ses contemporains : Spielberg, Lucas et Coppola. « Je n’appartiens pas à Hollywood. Je n’en ai pas l’état d’esprit, même si j’aimerais pouvoir y travailler… », confie-t-il à Miller.
Rebecca Miller et Martin Scorsese, sur le tournage de la série documentaire « Mr Scorsese ». ©AppleTV+Toute la filmographie
Revenant sur l’ensemble des longs métrages de fiction (à l’exception d’Hugo Cabret en 2011), ce documentaire offre une formidable porte d’entrée dans le cinéma scorsesien. Un cinéma radical, sans concession, où l’auteur aborde des questions très personnelles (la proximité avec la mafia dans son enfance, le rapport à la foi, la culpabilité, la violence…).
Un cinéma de rencontres décisives également. À commencer par celle de son acteur fétiche Robert De Niro (10 films ensemble, dont plusieurs initiés par le comédien lui-même) et celle de Leonardo Di Caprio (7 films). Tous deux témoignent devant la caméra de Rebecca Miller, qui a également eu accès aux collaborateurs et amis du cinéaste : Steven Spielberg, Brian De Palma, Paul Schrader, Sharon Stone, Jodie Foster, Spike Lee, Mick Jagger, Margot Robbie… La crème de la crème pour évoquer le génie créatif et le tempérament explosif d’un réalisateur unique.
Bref, un documentaire indispensable, qui redonne sacrément envie de revoir les classiques du maître, de Mean Street à Casino, en passant par Taxi Driver, Raging Bull ou Les Affranchis…
Robert De Niro, Frank « Butch » Piccirillo et Martin Scorsese se souviennent du bon vieux temps dans « Mr. Scorsese » de Rebecca Miller. ©AppleTV+Mr. Scorsese/Monsieur Scorsese
Documentaire De Rebecca Miller Photographie Ronan Killeen Musique Michael Rohatyn Montage David Bartner Avec Martin Scorsese, Robert De Niro, Steven Spielberg, Brian De Palma, Paul Schrader, Sharon Stone, Spike Lee, Mick Jagger, Leonardo DiCaprido, Margot Robbie… Durée 5 x env. 1h Sur AppleTV +