La fiction s’y est essayée. Les spécialistes de l’intelligence artificielle tentent aussi d’y frotter le droit pénal. Mais voilà que c’est le procureur de la République de Rennes, Frédéric Teillet, qui se retrouve questionné sur la pertinence de la justice préventive, dans le contexte d’un de ses dossiers : la fusillade qui s’est jouée dans le quartier Villejean le 17 avril 2025. Les faits ont conduit à l’interpellation express de quatre suspects, mis en examen dans la foulée de leurs gardes à vue, et placés, tous, en détention provisoire.
La polémique a été lancée par voie de communiqué, un texte signé des quatre avocats de ces suspects, et publié ce 23 avril. Dans ce courrier, les conseils en défense s’interrogent sur la façon dont le procureur de la République a évoqué publiquement le sort judiciaire de leurs clients, froissant selon eux la présomption d’innocence. Avant de critiquer plus directement l’action des autorités, accusées d’avoir surveillé les protagonistes en amont de la fusillade, et de n’avoir rien fait : « il n’est donc pas illégitime pour la défense de s’interroger sur les raisons pour lesquelles ne furent pas envisagées des arrestations préventives – dans un objectif de précautions impératives qui aurait pu pour le moins se concevoir », écrivent-ils.
De telles arrestations seraient contraires aux principes fondamentaux du droit Français, auxquels le parquet est très attaché
Des charges suffisantes
« Les avocats sont légitimes à rappeler l’importance de la présomption d’innocence, comme de souligner que le procureur a toute légitimité, de par la loi, pour communiquer sur des dossiers », tempère Frédéric Teillet. Sur cette présomption, le magistrat tient à souligner que, malgré tout, « des charges suffisantes existent, puisqu’un juge d’instruction a décidé de les mettre en examen , puis un juge des libertés a choisi de les placer en détention ».
Sur les « précautions » qui auraient dû être prises, selon les avocats, le procureur s’étonne. « De telles arrestations seraient contraires aux principes fondamentaux du droit français, auxquels le parquet est très attaché ». Mais surtout, « insinuer que le parquet aurait sciemment laissé faire cette fusillade est particulièrement choquant et infondé, quand on sait l’implication des magistrats, mais aussi des forces de police, dans la lutte contre les trafics et la protection des populations de ces quartiers… »
Mon rôle, c’est de construire une procédure solide, et capable de résister aux arguments que ces mêmes avocats auraient soulevés devant un tribunal, si on avait interpellé leurs clients sans preuves…
« On ne peut pas prendre le risque… »
« J’agis en répression d’une infraction commise », rappelle Frédéric Teillet. Pas d’un délit qui pourrait être commis. Et si la qualification d’association de malfaiteur aurait pu, peut-être, constituer un motif d’interpellation, il reste trop fragile pour supporter les enjeux de la procédure pénale. « Mon rôle, c’est de construire une procédure solide, et capable de résister aux arguments que ces mêmes avocats auraient soulevés devant un tribunal, si on avait interpellé leurs clients sans preuves et charges suffisantes. On ne peut pas non plus prendre le risque de voir de tels suspects remis en liberté faute de solidité du dossier ».
Dans celui-ci, l’ouverture d’une information judiciaire doit justement permettre de « prendre le temps de qualifier les rôles des uns et des autres. Ces quatre mis en cause ne sont évidemment pas les seuls responsables de la fusillade, et les investigations vont se poursuivre, pour l’établir, et partager les responsabilités ».