“Nous avons fortement progressé sur le sujet de l’immigration, mais nous avons évidemment toujours ce problème dans le paysage urbain.”
Friedrich Merz
Chancelier fédéral allemand (CDU)
Interrogé sur l’état de la politique migratoire allemande, mardi 14 octobre, dans le cadre d’une conférence de presse à Postdam, le chancelier Friedrich Merz a tenu ces propos sur la présence de migrants en Allemagne, ajoutant : “C’est pour cette raison que le ministre de l’Intérieur s’emploie actuellement à faciliter les reconductions à la frontière à très grande échelle.”
Outre-Rhin, ces propos ont déclenché un tollé. Des représentants de la gauche et des Verts ont immédiatement dénoncé sa déclaration, sommant le chancelier de s’excuser. “Ce discours est ‘indigne d’un chancelier’”, a déclaré Felix Banaszak, chef des Verts, cité par Die Zeit. Un avis partagé par le député de gauche Sören Pellmann, pour qui la formule de Merz est “un coup de poignard [porté] à la démocratie”, relate le magazine Focus. En cause, un raccourci qui tend à systématiquement corréler migration et criminalité dans les villes – un amalgame d’ordinaire plutôt associé à la rhétorique populiste du parti d’extrême droite AfD.
Une énième “maladresse” du chancelier
À nouveau, “le chancelier a choisi une formulation malheureuse”, déplore le journaliste Johannes Schneider dans un autre article de l’hebdomadaire Die Zeit. Et cette fois, les critiques envers Merz proviennent aussi de son propre camp. D’après Kai Wegner, maire de Berlin affilié à l’Union chrétienne démocrate (CDU), “Berlin est une métropole cosmopolite et ouverte sur le monde, et cette diversité transparaît dans la physionomie de la ville. Et je ne crois pas que cela déplaise aux Berlinoises et aux Berlinois”, rapporte le quotidien berlinois Berliner Morgenpost.
Pour le journaliste Markus Feldenkirchen, Merz n’est pas tant à blâmer pour son évocation du sujet de la migration, mais plutôt pour la façon dont il entend remédier au “problème”. “Merz s’attaque à un problème et au malaise ressenti par de nombreux Allemands quand ils voient des groupes de jeunes hommes zoner aux abords des places ou devant les gares”, peut-on lire dans Der Spiegel. Mais selon le journaliste, leur expulsion massive n’est pas la solution, d’autant que “nombre d’entre eux disposent au moins d’un permis de séjour temporaire”.
Un manque de lucidité
Le gouvernement allemand ferait donc mieux de prendre sa part de responsabilité : “Le problème n’est peut-être pas que ces hommes soient là, écrit Markus Feldenkirchen. Peut-être qu’ils n’ont rien à faire, qu’on n’a pas besoin d’eux et qu’ils se sentent inutiles. Parce qu’ils n’ont pas le droit de travailler ni de recevoir une quelconque offre sérieuse d’intégration.”
Un sentiment partagé par Wolfgang Büscher, porte-parole de l’organisation caritative protestante Arche. Invité à s’exprimer sur le plateau de Welt TV, il a d’abord donné raison à Friedrich Merz sur son constat, avant de reconnaître que “ce n’est pas en expulsant quelques centaines de personnes que l’on réglera le problème”.