Ce jour-là, nous étions à J–15 de la sortie de son film. Et il ne l’avait pas terminé. Alexandre Astier mettait la dernière touche à “Kaamelott, volet 2, partie 1”, qui sort en salles mercredi prochain. Il en assure le scénario, la réalisation, la production, la musique, le montage et l’interprétation du roi Arthur, comme d’habitude.

Parce qu’Alexandre Astier met en scène la quête du Graal depuis plus de 20 ans, et l’univers qu’il a créé avec Kaamelott au début des années 2000 n’a cessé de muter. Il a aussi co-réalisé deux Astérix en film d’animation, interprété Jean-Sébastien Bach sur scène et remplit Bercy tout seul, avec une conférence érudite et humoristique sur l’astrophysique… avant d’offrir à chaque spectateur une sucette à la framboise à la fin.

Nous nous sommes assis côte à côte autour d’une table immense. Il a levé un sourcil en regardant mon micro et mon magnéto.

L’aventure a commencé par trois notes qui sonnent le rappel pour « Kaamelott », entre la météo et le début du repas, trois notes entendues à la télé qui disaient ‘rendez-vous au Moyen-Age avec le roi Arthur, sa mauvaise humeur, la recherche du Graal et sa bande de bras cassés pour chevaliers’. Avant d’être une série puis des longs-métrages en plusieurs volets, Kaamelott fut un court film avec un petit budget. C’était en 2002. Alexandre Astier, en roi Arthur, accueillait ses chevaliers en latin.

Une passion pour filmer la réalité tangible avec autodérision

Cela fait 23 ans que l’univers de Kaamelott fait partie de sa vie et pourtant il n’entretient pas au départ une passion immodérée, particulièrement pour le roi Arthur, mais un goût pour l’autodérision face aux réalités complexes, sérieuses, incomprises : « Ça aurait pu être un autre héros. Ce qui m’intéressait, c’est de me retrouver dans une situation où je parle à des gens qui ne me comprennent pas. Parce que j’adore placer un personnage à jouer, avec un mec qui a besoin d’expliquer des choses un peu complexes (comme le Graal qui n’a pas vraiment de réalité tangible) à des gens qui ne le comprennent pas. Il faut que ça reste un terrain de jeu, de découverte, de recherche et de travail avec les autres. Il n’y a rien qui m’agace plus que les films où tout le monde se comprend. Les films où les personnages parlent d’une seule voix, ça m’insupporte. Pour moi, le problème de communication, c’est le problème du monde. Comment se faire comprendre et comment comprendre, c’est ce qu’il y a de plus dur. Et j’aime beaucoup les situations où les gens ne comprennent pas ».

Par exemple, ce que le cinéaste et comédien aime par-dessus tout dans l’ADN de son héros, c’est le sentiment perpétuel d’être en plein désenchantement, désabusé et blasé par la réalité : « Arthur, ce que j’aime bien lui faire jouer, c’est le fait qu’il tienne le coup face à des discussions qui s’enlisent à force de digressions jusqu’à ce qu’à un moment, il sente que sa patience lâche et dise le fameux « vous m’emmerdez ! ». Celui-là, je l’aime beaucoup et il y a plein de nuances de ce ras-le-bol-là, au point que c’est une réplique culte qu’on retrouve aussi dans beaucoup de classiques du cinéma français. Ce n’est pas pour rien que l’antagoniste d’Arthur, c’est un mec élitiste (Lancelot). C’est ce qui fait qu’Arthur est un vrai héros parce qu’il propose au public de venir le rejoindre dans son inconfort, ses incertitudes et surtout ses démotivations et ses découragements. Un héros, ça doit être l’histoire de nous tous ».

Dans un découragement perpétuel, à l’écran comme dans la vie

Dans la vie en général, Alexandre Astier confie passer son temps à se décourager, comme son héros à l’écran : « C’est un tel découragement perpétuel que j’en ai fait un copain, le découragement. Je suis découragé d’une manière générale et ce climat d’urgence me sert à échapper à la critique, au fait d’être insuffisant par rapport à ce que je voudrais. L’urgence, ça m’oblige à fournir, auquel cas, je ne fournirais jamais. C’est une espèce d’état second qui me permet de contourner la réalité. Je fais gaffe à ne pas m’arrêter à l’intellect et à essayer de laisser parler l’instinct, comme un dessin de gosse. Je ne veux pas être sûr de ce que je fais. Je veux expérimenter et j’ai l’impression que ce que je dois aux gens, qui ont la gentillesse d’essayer de regarder ce que je fais, c’est de leur promettre que tout est expérimental. J’essaye de donner quelque chose de sincère au moment où je le fais. Et puis il se passe ce qui se passe ».

Une histoire de famille

« Kaamelott », c’est aussi une saga et l’histoire d’une famille de comédiens soudée qui rayonne à l’écran : « Mes parents sont enfants d’un monde ouvrier. La position d’artiste, de comédien, est déjà un risque en soi. Ils ont pris le risque d’exercer une profession que leurs parents n’ont pas comprise. C’est une fracture que je n’ai pas eu à exercer, par exemple. Moi, je fais un métier qui est dans la continuité de mes parents, donc je n’ai pas de traumatismes. Quand j’étais petit à la maison, quand je composais toute la nuit et que je ne me levais pas pour aller au bahut, je n’étais pas entouré de gens qui pensaient que j’étais en train de perdre pied. J’étais entouré de gens qui pouvaient regretter que je n’aille pas au bahut, mais qui dans un coin de leur tête se disaient qu’en même temps, je faisais quelque chose. C’est un vrai soutien ».

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Programmation musicale

  • PHILIPPE KATERINE – Frérot
  • TAME IMPALA – Looser
  • LED ZEPPELIN – Kashmir