BERTRAND GUAY / AFP
Emmanuel Macron le 17 octobre 2025 à l’Élysée.
POLITIQUE – La pilule est dure à avaler. En annonçant la suspension de la réforme des retraites lors de sa déclaration de politique générale, Sébastien Lecornu a contenté les socialistes, mais braqué une partie de son camp, pour qui le report de l’âge légal de départ à 64 ans était un totem intouchable.
Conscient de l’émoi suscité, Emmanuel Macron a convoqué une partie de ses troupes à l’Élysée ce mercredi 16 octobre. Devant une poignée de députés et de cadres Renaissance, dont certains avaient été aux avant-postes de la réforme en 2023 comme Olivier Dussopt ou Élisabeth Borne, le chef de l’État a mis en avant la nécessité d’un « compromis ». Selon des participants interrogés par Libération, le président aurait reconnu que la suspension annoncée par Sébastien Lecornu était « douloureuse pour nous tous ».
Pendant deux heures et demi, il a ainsi pris le temps de revenir sur ce que beaucoup dans son camp perçoivent comme une concession majeure. Et d’écouter les inquiétudes, les doutes, les interrogations.
« Le Premier ministre a la liberté et la responsabilité de ses compromis. (…) Je sais ce que vous coûte cette suspension, ce que vous a coûté aussi de défendre cette réforme, les menaces parfois, la violence. Ce combat était juste. Mais il fallait ce compromis pour permettre la stabilité », a déclaré Emmanuel Macron lors de ce temps d’échange informel, selon des propos rapportés par BFMTV.
Et d’insister que le report de l’âge légal de départ à la retraite était un « combat juste et qui le reste », mais sa mise en pause était « la condition d’un deal », alors que « la stabilité du pays est primordiale ». Dans le camp présidentiel, tout le monde reconnaît que sans cette suspension, le gouvernement aurait été renversé et sans doute le président aurait-il été contraint d’appuyer sur le bouton de la dissolution. Ce qu’aucun macroniste ne veut au vu des sondages désastreux.
« Garder de l’unité »
Plusieurs députés ont profité de cet échange pour révéler qu’ils ne voteraient pas l’amendement qui suspendra la réforme, au nom de la « cohérence » de leurs idées et parce qu’ils n’ont pas été élus pour cela. En retour, Emmanuel Macron aurait expliqué, selon Politico, que « ce n’était pas son rôle de leur dire quoi voter mais de rappeler que la stabilité du pays est importante ».
Il a de fait renvoyé la patate chaude à Gabriel Attal, président du groupe Renaissance à l’Assemblée qui, lui, était absent de la réunion pour cause de déplacement. Un message diversement accueilli. « En gros c’était : rien n’est de ma faute et tout est entre vos mains », grince l’un des participants auprès de la newsletter susmentionnée. Une grande majorité des députés Renaissance n’ont d’ailleurs aucune intention de voter la suspension.
Le locataire de l’Élysée aurait néanmoins demandé à ses ouailles de « garder de l’unité et de la lisibilité dans les positions ». En somme, parler d’une seule voix et ne pas se diviser… au risque de se tirer une balle dans le pied à quelques mois des élections municipales et à un an et demi de la présidentielle. La bataille budgétaire ne fait que commencer.