Plus de 900 scientifiques se sont unis dans le cadre du projet DESI pour mesurer 15 millions de galaxies. Ils ont établi que l’énergie noire, force mystérieuse responsable de l’accélération de l’expansion de l’Univers, pourrait ne pas être constante. L’une des participantes, Pauline Zarrouk, chercheuse en cosmologie à Sorbonne Université, nous en dit plus…

C’est en Arizona (États-Unis), au milieu du désert, que se trouve notre télescope Mayall de DESI, situé à l’observatoire de Kitt Peak. Avec son miroir principal de quatre mètres de diamètre, il observe le ciel depuis mai 2021. En trois ans, il a mesuré 15 millions de galaxies, collectant à la fois leur position dans le ciel et leur distance, grâce à ses 5.000 petits yeux robotisés.

À partir de la position des galaxies et de leur distance, nous publions aujourd’hui la cartographie tridimensionnelle des grandes structures de l’Univers la plus précise à ce jour. Avec cette carte, nous voulons répondre à un mystère qui rend perplexes les astrophysiciens depuis sa découverte, il y a vingt-cinq ans : non seulement l’Univers est en expansion (cela, nous le comprenons), mais cette expansion s’accélère. Pour décrire cette accélération, notre modèle actuel de l’Univers suppose l’existence d’une énergie noire dont la forme la plus simple est une « constante » cosmologique. Les tout nouveaux résultats de DESI, combinés avec d’autres données, suggèrent que cette énergie noire varie avec le temps : elle ne serait donc pas constante.

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Si ces observations ne résolvent pas à elles seules le mystère de l’énergie noire, elles donnent des pistes concrètes et quantitatives sur lesquelles appuyer les explorations futures.

La carte 3D des galaxies la plus précise à ce jour

Les galaxies ne sont pas réparties de manière aléatoire dans le ciel, comme on le voit sur la vidéo. Il y a des régions avec beaucoup de galaxies regroupées en amas ou en filaments, et d’autres régions sont beaucoup moins denses, qui forment des vides cosmiques. Cette structuration de la matière dépend de la gravité, qui attire les corps massifs entre eux, ainsi que du contenu de l’Univers en matière ordinaire, en matière noire et en énergie noire.

La technique d’analyse utilisée pour obtenir ces nouveaux résultats avec trois ans de données avait déjà été testée, raffinée et appliquée aux données collectées pendant un an par DESI. Elle s’appelle BAO, un acronyme plus sympathique que son nom complet (les « oscillations acoustiques des baryons » ou baryon acoustic oscillations).

Elle est fondée sur l’existence d’une distance caractéristique entre deux galaxies qui change uniquement à cause de l’expansion de l’espace-temps lui-même. En mesurant cette distance caractéristique à différents moments de l’histoire de l’Univers, nous retraçons son expansion au cours de temps et nous pouvons ainsi étudier la façon dont cette expansion s’accélère.

DESI et notre compréhension de l’expansion de l’Univers

À ce jour, aucune théorie ne permet d’expliquer de manière satisfaisante le mécanisme à l’origine de l’accélération récente de l’expansion de l’Univers (il y a environ cinq ou six milliards d’années), d’où le nombre croissant de projets qui y sont consacrés.

Pour expliquer ce phénomène, le modèle actuel de la cosmologie suppose l’existence d’une composante exotique, appelée énergie noire, dont on cherche à déterminer les propriétés, en particulier si celles-ci évoluent avec le temps ou sont constantes.

Jusqu’à présent, c’est l’hypothèse la plus simple pour décrire l’énergie noire qui a été adoptée : il s’agit de la constante cosmologique, dont la valeur est déterminée par les observations, mais que l’on ne sait pas relier à un mécanisme physique.

Les nouveaux résultats de DESI avec trois ans de données sont en parfait accord avec ceux obtenus en avril dernier avec un an de données, et ils apportent les meilleures contraintes à ce jour sur les paramètres de notre modèle cosmologique actuel.

Craquelures dans le modèle

Toutefois, à mesure que la précision de nos données s’améliore, des craquelures dans le modèle commencent à surgir dès lors qu’on essaye d’expliquer, avec le même modèle, différentes observations de notre Univers.

De plus, les nouveaux résultats de DESI combinés à l’analyse des premiers photons émis dans l’Univers (fond diffus cosmologique) et des explosions d’étoiles (supernovae de type Ia) confirment la préférence pour un modèle où l’énergie noire varie au cours du temps – c’est ce que l’analyse avec un an de données avait déjà montré en avril et en novembre derniers. Cette préférence pour un modèle d’énergie noire dynamique par rapport à une constante cosmologique n’a pas encore atteint le seuil d’une découverte, mais s’est renforcée avec plus de données collectées par DESI.

Nous assistons peut-être à la fin de la constante cosmologique et à l’aube d’une avancée majeure sur la nature de l’énergie noire, plus de vingt-cinq ans après la découverte de l’accélération de l’expansion de l’Univers.

Un œil vers le futur

D’autres programmes d’observations du ciel visent également à sonder la nature de l’énergie noire et à tester la théorie de la gravité en utilisant la cartographie tridimensionnelle des galaxies comme DESI, mais aussi d’autres sondes cosmologiques.

Parmi ces autres sondes de l’Univers récent, deux sont particulièrement intéressantes et complémentaires de DESI : les supernovae de type Ia et le lentillage gravitationnel, qui provient des déformations de la forme des galaxies du fait de la présence de matière le long de la trajectoire des rayons lumineux.

Côté supernovae, l’analyse cosmologique des supernovae de type Ia du programme Zwicky Transient Facility (ZTF) en combinaison avec les données de DESI devrait apporter un éclairage prometteur.

Côté lentillage gravitationnel, le satellite européen Euclid, lancé en juillet 2023, et le programme décennal d’observation du ciel de l’observatoire Vera-Rubin (en construction au Chili, ndlr) – dont la première lumière est prévue pour l’été 2025 – apporteront de nouvelles données et de nouveaux résultats, qu’il sera très intéressant de comparer et de combiner avec l’échantillon final de DESI, d’ici fin 2026.

The Conversation