En plein cœur de Kiev, la 11e édition du Forum économique international a rassemblé des centaines d’acteurs étatiques et du monde des entreprises, ukrainiens et internationaux. Cela au moment où l’Ukraine cherche, plus que jamais, à revigorer son économie afin de pouvoir continuer à résister à l’agression russe.

De notre correspondante à Kiev,

Le joyeux chaos qui règne dans les salons hors conférence du Forum économique international ferait presque oublier que ces journées se déroulent au beau milieu d’une guerre qui laisse l’Ukraine un peu plus exsangue chaque jour. Pourtant, derrière la bonne humeur de façade des participants, la guerre est omniprésente, dans le programme, dans les esprits et dans l’intitulé : « Le pouvoir du peuple », un peuple éprouvé, mais mobilisé, malgré quatre années de guerre totale.

Lors de cette 11e édition, l’ingéniosité des Ukrainiens en matière de solutions pour faire face à la guerre est mise en avant. Un stand à l’entrée de la grande salle de conférences est consacré à l’initiative « Fight for Light ». Cette collaboration entre le premier fournisseur privé d’électricité en Ukraine DTEK et la marque de vêtements Damirli commercialise des vestes inspirées des travailleurs de la DTEK. Tous les profits de ventes sont reversés à « Gen Ukrainian », une organisation non gouvernementale qui soutient les enfants ayant perdu leurs parents pendant la guerre.

En grand, la photo de l’ambassadeur du projet, le champion de boxe Oleksandr Usyk, lui aussi venu promouvoir la résilience ukrainienne. Avec la philosophe et autrice révérée Oksana Zabuzhko, également présente au forum, il fait partie des personnalités ukrainiennes les plus populaires, localement et à l’international, et leurs images sont largement mises à contribution lors de ce plaidoyer pour l’attractivité économique du pays.

« Make Ukraine industrial again »

Dmytro Kysylevsky, député du parti présidentiel « Serviteur du Peuple », souligne l’importance de ce genre d’événements pour l’avenir du pays. « Gagner la guerre, garantir la paix et assurer la restauration du pays ne sera possible qu’avec une planification minutieuse. Par exemple, on ne peut pas prévoir de manufacturer des armes à longue portée au jour le jour, cela demande des années de préparation, et les opportunités qui se présentent aujourd’hui ont été planifiées dès le début de l’invasion à grande échelle. Il en va de même pour l’industrie : l’industrie représente actuellement une part très faible dans l’économie ukrainienne, environ la moitié de ce que l’OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques, NDLR] définit comme normal. D’où l’importance des échanges présents, entre l’État et les entreprises, afin d’accroître nos capacités industrielles et notre stabilité économique. »

Dans les salles de conférences, les discussions sont justement axées autour du futur du pays. Clin d’œil au mouvement trumpiste, le panel « Make Ukraine industrial again » met en avant les problèmes auxquels doivent faire face les acteurs du secteur énergétique. Cela alors que les campagnes de frappes russes se sont intensifiées et ravagent les infrastructures énergétiques du pays.

Au moment où l’Europe finance à l’aide de plusieurs milliards d’euros la réparation et la protection des infrastructures énergétiques, l’ambassadrice de l’Union européenne en Ukraine, Katarina Mathernova, rappelle : « Nous soutenons à la fois la production d’énergie et sa distribution à travers toute une série de programmes pour réparer ce qui peut l’être cette saison, notamment avec une aide financière massive à Ukrenergo [l’entreprise d’État de production énergétique, NDLR], et nous travaillons aussi à l’interconnectivité des réseaux européens et ukrainiens, ce qui est une mesure à la fois politique, technique et financière. N’oublions pas non plus l’importance du soutien logistique et les chaînes de transport qui apportent l’équipement nécessaire dans les entrepôts ukrainiens, et l’importance d’une production énergétique décentralisée. »

Poursuivre l’effort de reconstruction

Côté ukrainien, loin du nouvel acte diplomatique qui se joue à Washington, l’objectif est de ne pas relâcher l’effort de reconstruction. Car malgré les efforts diplomatiques entrepris depuis plusieurs mois, la Russie reste inflexible et l’Ukraine n’a aucune raison de croire en une quelconque volonté de paix de la part de Moscou : la Russie continue de bombarder le pays quotidiennement.

Or, l’avenir de l’Ukraine passe par la survie des infrastructures du pays, lourdement éprouvées après quatre ans de guerre et plus encore ces dernières semaines. « Le 3 octobre, nous avons essuyé ce qui a probablement été l’attaque la plus massive de l’histoire contre les infrastructures gazières, explique Natalia Boyko, vice-présidente de Naftogaz, l’entreprise d’État de production gazière. Et lorsque je suis venue ici pour cette discussion, certaines de nos installations étaient encore en feu. Mais dès que ce sera possible, nous en commencerons les réparations. Nous avons déjà restauré beaucoup de choses, en termes de gestion de crise et de remise en service de chaque mètre cube de gaz, nos spécialistes font un travail remarquable. »

Au-delà de la quête constante de soutien et de financements, essentiels à la survie économique du pays, cette 11e édition du Forum économique permet de consolider l’identité ukrainienne en mettant en avant ce qui, malgré la guerre, semble inébranlable : l’esprit d’entrepreneuriat, tout comme le Made in Ukraine. Sur ces derniers se forge l’espoir de millions d’Ukrainiens pour le futur du pays, alors que Moscou continue son entreprise de destruction quotidienne.