Par
Inès Cussac
Publié le
18 oct. 2025 à 6h50
En même temps qu’elle contrôlait les finances de l’Hôtel de Ville, la chambre régionale des comptes (CRC) d’Île-de-France étudiait ceux de la Société d’exploitation de la tour Eiffel (Sete) sur les exercices 2020-2024. Situation financière, gestion des ressources humaines, salaires… Dans leur rapport d’observation publié le 10 octobre 2025, les magistrats pointent plusieurs éléments pouvant expliquer le déficit de 31 millions d’euros vers lequel tend la société gérant le monument du 7e arrondissement de Paris d’ici 2031.
Une santé financière fragile
Derrière l’impressionnante tour Eiffel, troisième monument le plus visité de France, se trouve la Sete. Cette société publique locale (SPL) est détenue par la Ville de Paris, actionnaire majoritaire à hauteur 99 %, et par la métropole du Grand Paris, qui détient 1 % du capital. Elle compte 441 salariés dans ses rangs a réalisé un total de 343,48 millions d’euros de recettes de billetterie de 2020 à 2024. Mais cette somme est bien en dessous de celle prévue initialement pour cette période, estimée à 498,54 millions d’euros. Les périodes de fermeture de la Dame de fer, en raison de la crise sanitaire, ont profondément impacté la vente de billets et donc les finances de la Sete. « L’effondrement de la fréquentation a entraîné une diminution de la billetterie par rapport aux prévisions du modèle financier de la DSP initiale, particulièrement en 2020 et 2021, et à hauteur de 152,9 millions d’euros sur l’ensemble de cette période particulière », note la CRC.
D’autres facteurs externes ont pesé sur les comptes du gestionnaire comme l’évolution des normes de sécurité liées au plomb, la campagne de ravalement ou encore le chantier de rénovation de l’ascenseur Nord, qui a subi « des révisions successives pour parties imputables à une mauvaise anticipation de la société. Au total, les investissements de la Sete ont connu un surcoût de 156 millions d’euros, entraînant un effet ciseau de 305,08 millions d’euros », ont calculé les magistrats.
Outre le constat, le rapport de la Cour des comptes présente aussi six recommandations de performance. L’une d’elles propose de « réaliser des cartographies des risques financiers et juridiques permettant la mise en place d’un véritable contrôle interne ». Une autre évoque les salaires et la politique de primes, « qui ne sont pas toujours liées à l’accomplissement d’une prestation effective », relève le document.
Rémunération généreuse et primes copieuses
Au-delà des primes de rendement, de la politique d’intéressement ou encore des primes d’astreinte et de primes de week-end et de jours fériés pour certains agents ou certains services, la CRC remarque aussi le versement de primes « en l’absence de leur justification » et des rémunérations pour « des périodes non travaillées ». « Ainsi, dans le cadre d’un avantage acquis préalable à la période sous contrôle, les agents bénéficient d’une prime qui triple leur rémunération lorsqu’ils travaillent un jour férié, mais aussi d’une prime doublant leur rémunération durant chaque jour férié non travaillé dans l’année », souligne le rapport avant d’ajouter : « Si, du fait de son statut privé, la Sete n’est pas soumise aux dispositions du décret de 2002, ni astreinte à respecter la notion de service fait pour accorder des rémunérations ponctuelles ou indéfinies, il serait de bonne gestion de lier les primes à une véritable contrepartie dans l’intérêt de la société. »
La question des ressources humaines est effectivement un point important du rapport de la Cour des comptes. Mis à part un taux d’absentéisme qui augmente « cinq fois plus vite que les effectifs sur la période », atteignant 6,8 % en 2022, les magistrats remarquent aussi une hausse de la masse salariale de 31 %, « portée par celle de l’effectif réel (+12 %) et plus encore par celle du salaire moyen (+17%)». «Le précédent rapport d’observations de la chambre signalait déjà une politique salariale extrêmement élevée. La période sous contrôle a vu une poursuite du phénomène, avec un salaire moyen supérieur à la moyenne des cadres en Île-de-France », avertit le rapport. Le salaire brut moyen d’un cadre de la Sete est de 70 782 euros par an, contre 49 848 euros en moyenne à Paris en 2023. De son côté, le directeur général de la Sete, Patrick Branco-Ruivo, peut bénéficier d’une rémunération particulière sur décision du conseil d’administration. Selon la CRC, il accorde « à l’unanimité et sans débat réel » cette part variable de 33 000 euros, qui vient s’ajouter à la part fixe de 166 031 euros négociée en 2023.
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Selon la direction de la société, des difficultés de recrutement liées au travail de nuit et de week-end, la reprise de l’activité ou encore l’inflation dès 2022 se sont reflétés lors des négociations salariales successives. Il semblerait par ailleurs que la croissance de la masse salariale se soit stabilisée en 2024, après d’importantes hausses entre 2019 et 2023. « Le léger ralentissement de la croissance de la masse salariale observée en 2024 est le signe d’efforts qui devront perdurer pour respecter la trajectoire financière de la société prévue dans son plan d’affaires prévisionnel », reconnaît la CRC.
Pour rappel, le personnel de la tour Eiffel avait mené une grève de six jours en février 2024 pour dénoncer une mauvaise gestion du monument par la Ville de Paris.
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