Le midi, Nicolas, 24 ans, n’a plus besoin de passer en caisse pour s’acheter à déjeuner: un simple « bip » de carte bancaire en sortant d’un nouveau concept de restauration, expérimenté à Lille et truffé d’intelligence artificielle, lui suffit désormais.

Dans cet espace de 33m2 imaginé par Flunch, dont la devanture rouge et blanche rappelle les « diners » américains, des dizaines de capteurs au plafond scrutent les moindres faits et gestes des clients, transformés en « paniers virtuels ».

Testée pour la première fois en France depuis la mi-septembre, cette technologie développée par Amazon, dite du « Just Walk Out », permet d’identifier quel plat, dessert ou boisson à emporter est sélectionné par le client.

Il ne lui reste qu’à passer sa carte bancaire sur un terminal avant de sortir, et il sera automatiquement débité de ses achats quelques minutes plus tard.

« Aujourd’hui, les clients ne veulent plus se déplacer, ni attendre », affirme à l’AFP Hervé Rampal, directeur général de Flunch, qui mise sur ce nouveau concept de « snacking », baptisé « Faim », pour rafraîchir son image, historiquement associée aux cafétérias des zones commerciales dans les périphéries urbaines.

Durement fragilisée par la pandémie et la baisse de fréquentation des hypermarchés et de leurs galeries marchandes, l’enseigne de restauration familiale, qui fait partie de la galaxie Mulliez, cherche dorénavant à s’implanter dans les centres-villes et de séduire une clientèle plus jeune.

Contrairement aux caisses automatiques où le client doit scanner ses courses lui-même, ici « il n’y a pas de manip’ à faire, c’est facile! », apprécie Nicolas Goguillon, un étudiant en informatique ressortant de Faim avec un sandwich.

« Ça fluidifie, surtout quand il y a du monde le midi ».

« L’intérêt est double : le client gagne du temps, et le commerçant économise des frais de personnel », observe le spécialiste de la grande distribution Olivier Dauvers.

À l’étranger, Amazon fait pourtant marche arrière à propos de cette technologie dans ses points de vente. Elle existe encore aux États-Unis, mais l’entreprise lui préfère dorénavant des « chariots intelligents », reliés à un compte client et capables de scanner eux-mêmes les produits.

Et au Royaume-Uni, le groupe vient d’annoncer la fermeture de ses supermarchés Amazon Fresh équipés du « Just Walk Out », pour se concentrer sur la vente en ligne.

« Plus light »

Ces dernières années en France, Carrefour, Monoprix et d’autres distributeurs ont eux aussi expérimenté ce système de magasins autonomes, avec des technologies similaires, mais sans grand succès. 

« Après la pandémie, la demande pour faire des achats sans contact humain s’est estompée : les clients ont retrouvé des habitudes plus traditionnelles », explique à l’AFP Bob Hoyler, analyste à Euromonitor International.

Mais selon lui, c’est surtout le coût de la technologie « Just Walk Out » qui rend ce modèle difficilement rentable. 

Adoptée par d’autres enseignes sous forme de licence, « c’est dans les aéroports et les stades qu’elle rencontre le plus de succès, soit des environnements semi-fermés au nombre limité de références », souligne Bob Hoyler.

Le pari de Flunch, qui ambitionne déjà d’ouvrir d’autres magasins Faim dans la région lilloise, où se situe son siège, est-il alors sensé? 

« Les marges pratiquées par le snacking ou la petite restauration sont largement supérieures à celles d’une épicerie ou d’un distributeur », relève Olivier Dauvers.

Alors qu’Amazon utilise dans ses magasins de la reconnaissance d’image, l’intelligence artificielle actuellement installée au sein de Faim se limite à de la reconnaissance d’emplacement : « Beaucoup plus light, beaucoup moins chère », ajoute l’expert. 

Résultat des courses : le retour sur investissement est bien meilleur, selon Olivier Dauvers, même si le modèle est moins fiable.

Depuis l’ouverture de Faim, quelques cafouillages ont en effet été constatés. Des clients se plaignent notamment d’avoir payé davantage que prévu, d’autant que rien ne leur indique encore, en sortant, le montant total qui leur sera débité. 

« Je préfèrerai toujours un humain derrière une caisse », reconnaît Luka Kadjanski, 28 ans, barquette de saucisse-purée fumante dans le sac. « Mais il faut bien avancer avec son temps ».