Andrea Laszlo de Simone parle avec douceur et, d’une phrase à l’autre, ne cesse de déstabiliser. Par exemple, quand on demande quels artistes influencent sa musique, l’Italien dit qu’il refuse toute notion de « père spirituel » et répond Francesco Totti. On peine à cacher notre mine interloquée se demandant s’il parle bien du joueur de foot ou d’un homonyme dont on ignorerait l’existence.

Il voit qu’on est désarçonné. Avec ses faux airs de Frank Zappa, il étaye, avec passion : « Eh bien oui, pourquoi pas ? Il est le seul mythe de mon enfance. Ce n’est pas le personnage qui m’intéresse, mais la musicalité de son jeu. Sur un terrain, il rend tout harmonieux. Un match avec Totti était l’assurance d’un beau match, il dirige le rythme du jeu. Zidane était le plus beau joueur du monde – il avait une telle classe, une élégance – mais Totti, c’est autre chose, il amenait de la magie, des émotions. Ce sont ces émotions que je recherche ».

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J’accepte« Je ne fais pas la musique que j’aime, mais la musique que j’ai »

Andrea Laszlo de Simone, qui a sorti son nouvel album, Une Lunghissima Ombra (« Une ombre immense ») ce vendredi, estime que la musique ne doit pas être influencée par d’autres musiques mais par « des mondes, des expériences ». Il ajoute que s’il devait s’inspirer des artistes qu’il écoute, il ferait des reprises : « Or, je ne fais pas la musique que j’aime, mais la musique que j’ai. » Une formule déstabilisante de plus, mais qui fait sens au regard de sa discographie entamée en 2012 avec le confidentiel Ecce homo.

Il y a indéniablement un son de Simone, reconnaissable dès les premières notes. Un mélange de chanson élégiaque, d’expérimentations sonores, de compositions planantes, de plages instrumentales se déployant allègrement. « Dans la musique que je fais, je recherche constamment la consolation, quelque chose qui me fait me sentir mieux, qui me permet d’exprimer les émotions qui me traversent, se fondent avec mon environnement », avance-t-il.

« Je ne me considère pas comme un homme de spectacle »

On lui dit souvent que sa musique fait ressentir une nostalgie curieuse : celle de moments, d’époques, que l’on n’a pas vécus. Il le prend comme un compliment mais en est le premier surpris car ce n’est pas ce qu’il vise. « L’atmosphère générale de mes compositions provient des films néoréalistes que mes parents me faisaient regarder enfant, confie-t-il. Ces œuvres sont pleines non pas de nostalgie, mais de mélancolie, ce qui n’est pas la même chose. »

L’Italien tient à se tenir à l’écart du star-système de son pays où les grands noms de la chanson doivent consentir à la pipolisation. « J’ai des difficultés avec l’exposition. La musique, c’est mon travail, je suis un artisan, il est normal que je la vende. Mais je ne veux pas me vendre moi, je ne me considère pas comme un homme de spectacle », déclare l’artiste de 39 ans, installé à Turin, qui fait passer sa vie familiale avant tout. « La notoriété m’effraie, surtout par rapport à mon rôle de père, révèle-t-il. J’ai deux enfants, je veux qu’ils grandissent de manière sereine, sans ressentir la pression d’avoir un père connu. »

Cet été, l’extrait d’une de ces anciennes chansons, Fiore mio, a été au cœur des tendances sur le TikTok italien. Un phénomène qui le dépasse. « D’un côté, je me dis que ce n’est pas mal. D’un autre, je ne veux pas contribuer d’une manière ou d’une autre à ce média qui exige de s’exposer, de recevoir une validation de la société », nuance-t-il.

Un César de la meilleure musique en 2024

Nul n’étant prophète dans son pays, Andrea Laszlo de Simone a davantage de succès en France que de l’autre côté des Alpes. Il a récemment fait la couverture de Télérama qui a titré sur « Le son de l’Italie » qu’il est censé incarné. Des Inrocks à France Culture, les critiques sont dithyrambiques. Déjà, en 2020, Immensità fut le titre le plus diffusé de l’année à l’antenne de France Inter. Autre consécration : le César de la meilleure musique originale décerné en 2024 pour la partition du Règne animal qu’il a signée.

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« Toutes ces validations me font plaisir, admet-il. Mais en même temps, cela me dérange et me fait un peu peur, parce que je veux être sûr de pouvoir continuer à faire les choses que j’aime faire. Acquérir un statut dans le paysage musical italien ou français est une surprise, mais ce n’est pas un objectif. » Si Andrea Laszlo de Simone déstabilise, c’est sans doute par le paradoxe qu’il réussit pour l’heure à accomplir en équilibriste : faire exister sa musique sans rien concéder à son intégrité.