En France, 17,2 millions de femmes de plus de 45 ans sont concernées par la ménopause. Chaque année, 500.000 femmes y entrent progressivement, rapporte le ministère de la Santé. Une période de la vie qui demeure pourtant encore très nébuleuse et taboue, notamment dans le monde du travail.
« Il y a un historique qui fait qu’on ne la comprend que depuis très peu de temps, explique la gynécologue obstétricienne Thelma Linet, autrice de La ménopause, si je veux !, publié en septembre chez Albin Michel. Découverte il y a environ 200 ans, la ménopause était au départ considérée comme une maladie, notamment mentale. Elle a très vite été mal comprise. Il y a aussi l’idée du vieillissement qu’on lui accole. On a derrière la tête que lorsqu’on est ménopausée, c’est foutu et on est bonne à mettre au rebut. Le tabou constitué est un peu lié au jeunisme de notre société. »
Cette transition féminine naturelle reste mystérieuse. Une avalanche de questions submergent les femmes qui s’y dirigent ou la traversent déjà. « Il y a beaucoup d’idées reçues, notamment parce qu’on ne s’est concentré que sur les dernières règles et pas sur les symptômes qui peuvent arriver très tôt : 44 % des personnes vont avoir des symptômes marqués plus de dix ans avant la ménopause. L’idée, c’est d’ouvrir un petit peu la réflexion sur les symptômes parce que comme c’est une transition, ça vient progressivement », précise Thelma Linet.
Bouffées de chaleur, libido, prise de poids… La gynécologue nous aide à y voir plus clair…
La ménopause, c’est quand on a des sueurs nocturnes et qu’on n’a plus ses règles ?
La définition médicale de la ménopause, c’est l’absence de règles (aménorrhées) depuis plus d’un an, sans causes identifiées, survenant entre 45 et 55 ans. Mais l’utérus n’est pas le seul concerné dans cette histoire. « Il y a la ménopause hormonale qui arrive souvent plus tôt que la ménopause de l’utérus, précise Thelma Linet. C’est la période où on peut souffrir du fait d’être carencé en hormones, en estradiol, parce que les ovaires travaillent moins bien. Souvent, quand on parle de ménopause et des symptômes dits de ménopause, ce sont des signes de carence en hormones. Tout le monde a entendu parler des bouffées de chaleur et des sueurs nocturnes, mais il n’y a pas que ça. » Certaines femmes pourront ainsi connaître un brouillard mental, des douleurs articulaires ou encore de l’ostéoporose.
Vais-je avoir la même ménopause que ma mère ?
« Dans la famille, la ménopause arrive à 50 ans. » Ou encore : « chez nous, le problème, ce sont les bouffées de chaleur ». Qui n’a jamais entendu ce type d’allégations, aussi sentencieuses que divinatoires ? « Ce n’est pas tout à fait faux, mais ce n’est pas tout à fait vrai, réagit la gynécologue. C’est corrélé, mais très faiblement. C’est aussi peut-être s’interdire d’aller bien si c’est le cas, ou le contraire. Notre mère a peut-être donné l’impression d’aller bien alors qu’elle a tout caché et n’a rien dit. On peut penser qu’elle était heureuse alors qu’elle souffrait en silence. »
Par ailleurs, Thelma Linet rappelle qu’il est impossible de connaître en avance la date de disparition de ses règles : « Pour l’instant, on ne sait pas prédire la ménopause. Même les prises de sang les plus fiables qu’on ait aujourd’hui, comme l’AMH, ne le sont pas à 100 %. En dehors de certains contextes très particuliers où il est important de le savoir, on va l’utiliser avec beaucoup de prudence. »
Bouffées de chaleurs, sueurs nocturnes, sécheresses vaginales… C’est un passage obligatoire ?
Quand on évoque la ménopause, ces symptômes nous viennent généralement en tête. Or, tout le monde n’y passera pas forcément. « Globalement, 20 % des gens vont passer ça nickel, sans aucun symptôme, explique la gynécologue. Une personne sur cinq ne va donc pas se rendre compte que la ménopause est arrivée, hormis l’absence de règles. Toutefois, chaque personne va vivre les choses de manière variable et environ 80 % vont vivre des symptômes marqués, et qui arrivent tôt. C’est exceptionnel qu’ils arrivent après. Souvent, on en a déjà eu trois, quatre, cinq ou dix ans avant. »
De même, la ménopause, ce n’est pas un pack complet. Certaines femmes pourront souffrir de sueurs nocturnes ou de bouffées de chaleur, d’autres non. « La carence hormonale est variable et individuelle », rappelle Thelma Linet.
Perd-on forcément sa libido avec la ménopause ?
La carence hormonale peut avoir un effet sur la libido, confirme la gynécologue. Il y a aussi l’inconfort que peuvent accompagner certains symptômes comme la sécheresse vaginale. Sans oublier le brouillard psychique éventuel. « Quand on est crevé, on n’a plus envie. La ménopause ne fait pas baisser la libido en tant que telle, mais ce sont tous les petits symptômes mis bout à bout », résume Thelma Linet. De surcroît, l’aspect physiologique n’est pas le seul à prendre en compte.
« Il y a aussi un côté psycho avec parfois des histoires de couples qui traînent, des choses douloureuses qui se sont cumulées avec le temps, des incompréhensions… Mais aussi, le désir féminin n’est pas bien compris. Il est mal évalué et souvent négativé dans l’imagerie populaire », dit-elle.
On grossit forcément quand on est ménopausée ?
Voir leur corps changer peut être l’une des craintes des femmes qui s’approchent de la ménopause. Qu’en est-il en réalité ? « Cela peut faire grossir, confirme Thelma Linet, mais pas forcément plus qu’avant. La période de sa vie où on prend le plus de poids, c’est plutôt la trentaine. Ce qui est embêtant avec la ménopause, c’est qu’il va apparaître sur des zones où on n’a pas l’habitude de le voir, sur l’abdomen et le thorax. On a vraiment cette impression de prendre du ventre et des seins. Ça peut changer la silhouette et la vieillir un peu. »
La gynécologue souligne « l’impact psychique » que cette prise de poids peut avoir sur la personne. « Cela peut baisser un peu l’estime de soi. Or, ce n’est pas ce qu’on a le plus quand on est ménopausée. » Néanmoins, la gynécologue met toutefois en garde contre la grossophobie et la tendance à « culpabiliser les femmes sur le poids ».
La ménopause, c’est ad vitam aeternam et on ne peut rien y faire ?
Une fois apparus, combien de temps persistent les symptômes liés à la carence hormonale ? « Une ménopause « classique », c’est à peu près dix ans, trois quatre ans avant la ménopause et sept ans environ après les dernières règles. Pour un peu plus d’une femme sur quatre, ça va durer vingt-cinq ans », précise Thelma Linet.
Une période variable d’une personne à l’autre, encore une fois. S’il est impossible de prédire l’arrivée et la durée des symptômes, subir la ménopause n’est pas systématique. Certaines la vivront très bien, d’autres moins. « On a plein d’outils, avec plein d’études dessus, qui fonctionnent sur ces différents symptômes qui peuvent arriver quand on est carencée en hormones », souligne la gynécologue. Une éventuelle supplémentation hormonale, par exemple, peut-être abordée lors d’une consultation. D’où l’importance de s’informer sur le sujet afin de comprendre ce qui se joue à la ménopause et choisir comment la traverser.
Le livre « La ménopause, si je veux » (Albin Michel) de la gynécologue obstétricienne Thelma Linet. - Albin Michel