Dans « The Chronology of Water » de Kristen Stewart, Imogen Poots et Thora Birch interprètent deux sœurs victimes d’inceste, se reconstruisant chacune à leur manière.

Les Films du Losange

Dans « The Chronology of Water » de Kristen Stewart, Imogen Poots et Thora Birch interprètent deux sœurs victimes d’inceste, se reconstruisant chacune à leur manière.

SORTIE CINÉMA – Comme toujours avec Kristen Stewart, elle ne fait rien comme les autres. The Chronology of Water, premier film réalisé par l’Américaine de 35 ans, est sorti en salles ce mercredi 15 octobre, après avoir fait ses débuts au Festival de Cannes et reçu le Prix de la Révélation à Deauville.

Actrice à la carrière accomplie, Kristen Stewart prouve qu’elle a aussi toute sa place derrière la caméra. Son long-métrage risque de marquer les esprits tant il est visuellement frappant, voire choquant. Adapté du livre éponyme de Lidia Yuknavitch, publié en 2011 puis traduit en français (La mécanique des fluides) en 2014, The Chronology of Water raconte la vraie histoire de son autrice, et surtout ses traumas.

Comme son titre anglais l’indique, le film de Kristen Stewart dévoile chronologiquement et par chapitres des instants de vie de Lidia, jouée par Imogen Poots, de son enfance au milieu de l’âge adulte. Dès les premières minutes, on comprend que Lidia ne va pas bien, au point de se faire mal.

Nageuse hors pair, elle grandit auprès de sa grande sœur, qui a fui le domicile familial pour sauver sa peau et échapper à sa mère, anesthésiée par l’alcool et les médicaments, et son père, qui abuse sexuellement ses filles.

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Que les spectateurs soient avertis : The Chronology of Water est un film difficile sur l’inceste. Sans montrer les agressions, il parle sans détour de leurs conséquences à vie pour les victimes. Mais c’est aussi le récit puissant de la résilience et de la littérature comme refuge.

Kristen Stewart nous coupe le souffle

Le premier chapitre est par moments insoutenable à regarder comme à écouter. Ce que Kristen Stewart ne filme pas, elle nous force à l’entendre avec des bruits de braguette, un monologue interne frénétique, le son assourdissant du secret. Le mixage sonore, exceptionnel il faut le dire, contribue à nous maintenir en apnée tout du long.

Au fil des chapitres, Lidia grandit avec le poids de ce traumatisme. Elle tente de se libérer en allant à la fac mais se réfugie dans l’alcool, la drogue, le sexe et le BDSM, aux dépens de la natation. Plus le temps file, plus elle perd littéralement pied. Depuis notre fauteuil de cinéma, on n’a qu’une envie : lui lancer une bouée de sauvetage avant qu’elle ne coule.

Imogen Poots livre une performance remarquable, et porte presque à elle seule les plus de deux heures de film. Elle passe de l’agressivité et la méchanceté, propre à l’addiction, à une tout autre personne lors des moments d’accalmie. Entre la Lidia étudiante et celle que l’on quitte à la fin du film, on pourrait croire à deux actrices différentes.

The Chronology of water montre ce qu’on ne voit jamais

Malgré quelques respirations de courte durée, les tragédies s’enchaînent. À chaque nouveau personnage qui fait son arrivée, on s’attend au pire. Par moments, le temps semble long, non par ennui mais par saturation de l’horreur. Quand on pense ne plus en pouvoir, le personnage principal se justifie : « Je ne veux pas vous effrayer, je veux juste être précise », écrit Lidia, s’adressant directement au spectateur.

Pour son premier film, « The Chronology of Water », Kristen Stewart a choisi l’actrice Imogen Poots.

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Pour son premier film, « The Chronology of Water », Kristen Stewart a choisi l’actrice Imogen Poots.

Et ça semble être tout l’effet recherché par Kristen Stewart : la précision, le réalisme extrême et ultra-détaillé, quitte à en faire trop. Elle filme de très, très près et n’occulte rien, ni les fluides corporels, ni les lames de rasoir ou les traces de violence, subie ou volontairement infligée. Pourtant, ce n’est jamais trash ou voyeur.

Au contraire, même si l’expérience est dérangeante, le film nous force à regarder en face ce que la société garde tabou. L’inceste, l’automutilation, la mort mais aussi un poil sur un téton féminin, les plis de la peau, la transpiration, un fou rire nerveux après un orgasme. Kristen Stewart filme tout sans détour et en gros plan. The Chronology of Water prouve qu’elle a déjà trouvé un style bien à elle. Une réalisatrice est née.