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La politique sur l’immigration, l’éducation et la sécurité
contestée
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Plus de trois millions de personnes attendues – experte
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« Je ne suis pas un roi », dit le président américain
(.)
par Brad Brooks
De nombreuses personnes se sont
rassemblées à travers les Etats-Unis samedi dans le cadre de
plus 2.600 manifestations « No Kings » (Pas de rois) contre Donald
Trump, estimant que la politique du président en matière
d’immigration, d’éducation et de sécurité pousse le pays vers un
régime autocratique et des décisions anti-démocratiques.
Les organisateurs du mouvement estiment que la mobilisation
devrait rassembler d’ici la fin de la journée aux Etats-Unis,
des millions de personnes, aussi bien dans les grandes villes
que les petites. Elle fait suite aux importantes protestations
de juin et reflètent la frustration des manifestants aux
décisions prises par le locataire de la Maison blanche depuis
son accession au pouvoir en janvier. Ils reprochent notamment à
l’administration d’avoir engagé des poursuites pénales contre
des personnes perçues comme les ennemis politiques du président,
d’avoir procédé à des arrestations à grande échelle de migrants
et d’avoir déployé des troupes fédérales dans certaines villes.
« Il n’y a rien de plus américain que de dire ‘nous n’avons
pas de rois’ et d’exercer notre droit de protester
pacifiquement », a déclaré Leah Greenberg, cofondatrice
d’Indivisible, une organisation progressiste, principale
organisatrice du mouvement « No Kings ».
A Washington D.C., des manifestants ont envahi les rues et
marché vers le Capitole, scandant des slogans et brandissant des
pancartes, des drapeaux américains et des ballons. De nombreux
participants, accompagnés de leurs chiens, étaient déguisés dans
une ambiance bon enfant, digne d’un carnaval.
Quatre manifestants, vêtus comme des prisonniers et arborant
de grandes caricatures de Donald Trump et d’autres responsables
de l’administration américaine, ont brandi une pancarte sur
laquelle on pouvait lire « Destituez à nouveau Trump ».
« Nous voulons montrer notre soutien à la démocratie et à la
lutte pour ce qui est juste. Je suis contre l’abus de pouvoir »,
a déclaré Aliston Elliot, un manifestant ayant sur la tête un
symbole de la Statue de la Liberté et brandissant une pancarte
« Non aux dictateurs en herbe ».
Des manifestations à New York, Boston, Chicago et Atlanta
ont également attiré de nombreuses personnes. Dans le
centre-ville de Houston, Daniel Aboyte Gamez, âgé de 30 ans,
ancien membre du Corps des Marines des Etats-Unis, l’une des six
branches des Forces armées du pays, s’est joint à quelques
centaines d’autres participants.
« Je ne comprends pas ce qui se passe dans ce pays en ce
moment », a dit celui qui a servi en Irak, en Afghanistan et en
Syrie. « En tant qu’ancien combattant des Marines, je comprends
que les Etats-Unis ont été fondés sur la lutte contre les tyrans
et les rois », a-t-il rappelé.
A Portland, dans l’Oregon, Kevin Brice, un ancien militaire
âgé 70 ans, arborait un sweat-shirt noir sur lequel était écrit:
« Pas de rois depuis 1776 ».
« Je suis gêné que des agents fédéraux masqués arrêtent des
gens dans la rue. Je suis gêné qu’on parle d’utiliser l’armée
contre des civils. Je suis gêné qu’on puisse mentir et inventer
des histoires », a-t-il déclaré.
« Alors, même si je suis républicain depuis toujours, je ne
soutiens pas l’orientation que prend le parti », a-t-il ajouté.
Depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison blanche, son
administration a durci les lois sur l’immigration, supprimé des
postes de fonctionnaires et réduit le financement des
universités les plus prestigieuses, en réponse aux
manifestations pro-palestiniennes contre l’offensive menée par
Israël dans la bande de Gaza, aux programmes de diversité sur
les campus et aux dispositifs concernant les personnes dites
« transgenres ».
Le président américain a aussi déployé la Garde nationale
dans de grandes villes comme à Chicago, affirmant que cela est
nécessaire pour protéger les agents de l’immigration et pour
aider à lutter contre la criminalité.
TRUMP DIT QU’IL N’EST PAS UN ROI
Donald Trump s’est montré jusqu’ici particulièrement discret
sur ces manifestations. Mais dans une interview accordée à Fox
Business et diffusée vendredi, il avait déclaré: « On me qualifie
de roi, alors que je ne suis pas un roi ».
Plus de 300 groupes ont participé à l’organisation en faveur
des manifestations de samedi, a indiqué Leah Greenberg. The
American Civil Liberties Union (L’Union américaine pour les
libertés civiles) a dit avoir prodigué une formation juridique à
des dizaines de milliers de personnes qui joueront le rôle de
« marshals » lors des différentes manifestations. Elle a ajouté
que ces personnes avaient également été formées à la
« désescalade ». Des messages sur le mouvement « No Kings » ont été
diffusés sur les réseaux sociaux afin de renforcer la
participation aux mouvements de protestation.
Le sénateur Bernie Sanders, un indépendant qui vote
généralement avec les démocrates, et l’élue Alexandria
Ocasio-Cortez, une démocrate, soutiennent le mouvement de
protestation, tout comme l’ancienne secrétaire d’Etat Hillary
Clinton, battue par Donald Trump lors de l’élection
présidentielle de 2016. De nombreuses célébrités ont également
apporté leur soutien au mouvement.
Plus de 2.000 manifestations « No Kings » ont été recensées en
juin, dans une ambiance généralement sans heurts, notamment le
jour où Donald Trump a célébré son 79e anniversaire avec
l’organisation d’un défilé militaire à Washington.
DES MANIFESTATIONS JUGÉES ANTI-AMÉRICAINES
Vendredi, en amont des manifestations, le président de la
Chambre des représentants aux Etats-Unis, le républicain Mike
Johnson, avait critiqué le mouvement « No Kings », estimant lors
d’une conférence de presse qu’il s’agit d’un « rassemblement de
la haine de l’Amérique ».
D’autres républicains ont reproché aux démocrates et aux
organisateurs du mouvement « No Kings » d’encourager les citoyens
à commettre des actes de violence politique, semblant faire
référence à l’assassinat en septembre de l’activiste d’extrême
droite Charlie Kirk, très proche de Donald Trump.
Dana Fisher, professeure à l’American University de
Washington et auteure de plusieurs ouvrages sur l’activisme
américain, estime que la journée de samedi pourrait constituer
plus grande mobilisation de l’histoire moderne des Etats-Unis,
disant s’attendre à plus de trois millions de participants.
« Cela ne va pas changer la politique menée par (Donald)
Trump. Mais cela pourrait enhardir les élus à tous les niveaux
qui s’opposent à Trump », a-t-elle dit.
C’est en dehors des Etats-Unis qu’ont eu lieu les premiers
rassemblements à l’encontre de Donald Trump avec quelques
centaines de manifestants devant l’ambassade des Etats-Unis à
Londres et d’autres à Madrid et à Barcelone.
(Reportage Brad Brooks, AJ Vicens et David Shephardson; version
française Claude Chendjou)