L’œuvre s’est tout simplement volatilisée… Un dessin de Pablo Picasso, Nature morte à la guitare (1919), a en effet disparu sans laisser de traces durant son transfert qui devait l’amener de Madrid, capitale de l’Espagne située au centre du pays, à la ville andalouse de Grenade, à 360 kilomètres plus au sud. Cette affaire énigmatique a été révélée par la police nationale espagnole, qui a ouvert une enquête ce jeudi 16 octobre.

Estimée à 600 000 euros, cette petite œuvre cubiste à la gouache et mine de plomb sur papier de 12,7 × 9,8 cm était en route pour intégrer l’exposition gratuite « Nature morte. L’éternité de l’inerte », ouverte le 9 octobre (et visible jusqu’au 11 janvier 2026) au centre culturel de la Fondation CajaGranada. Elle devait y rejoindre 57 autres œuvres de 40 artistes (dont René Magritte, Fernando Botero, Juan Gris et Raoul Dufy), toutes issues comme elle de collections privées et réunies par la commissaire María Toral pour retracer deux moments clés de l’histoire de la nature morte dans l’art : les XVIIe et XXe siècles.

L’absence du dessin constatée seulement trois jours après la livraison des œuvres

Rassemblées et stockées le 25 septembre en vue de leur transfert, les œuvres sont arrivées au centre culturel grenadin en une seule livraison le vendredi 3 octobre à 10h du matin, après avoir fait un arrêt à mi-chemin durant la nuit, veillées à tour de rôle par les deux conducteurs, rapporte la police citée dans le journal espagnol Ideal. « En un seul transfert, toutes les œuvres ont été transportées du fourgon au monte-charge, situé au sous-sol, qui les a menées au premier étage », le tout sous vidéosurveillance, précise un communiqué de la fondation. Une fois cette livraison terminée, le responsable des expositions, accompagné des employés de la société de transport, a procédé à l’inspection.

Pablo Picasso, Nature morte à la guitare

Pablo Picasso, Nature morte à la guitare, 1919

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Gouache et mine de plomb sur papier • 12,7 × 9,8 cm • Coll. particulière • © Succession Picasso 2025

« Comme tous les emballages n’étaient pas correctement numérotés, il était impossible d’effectuer un contrôle approfondi sans déballage », explique l’institution. Il a donc été convenu de signer les bordereaux d’expédition en attendant le déballage prévu le lundi 6 octobre, pour une confirmation pièce par pièce. Ainsi, c’est seulement le lundi, à la fin du déballage effectué sous l’œil des caméras de sécurité, que la commissaire et le responsable des expositions de la fondation ont constaté l’absence d’une œuvre, qui s’est révélée être le dessin de Picasso. L’établissement a porté plainte à la police, qui a révélé l’affaire au public. La presse espagnole a alors déploré une mauvaise organisation mettant en péril la sécurité des œuvres lors des transferts.

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Peintre préféré des voleurs

Les créations de Picasso, l’un des artistes les plus cotés et prolifiques de l’histoire de l’art, attirent particulièrement les voleurs. En 1976, 119 de ses œuvres avaient ainsi été dérobées lors d’un spectaculaire braquage nocturne au Palais des papes d’Avignon, avant d’être finalement retrouvées. En 2009, des dessins et esquisses de sa main, d’une valeur totale de huit millions d’euros, avaient été subtilisés dans un local de stockage appartenant au musée Picasso à Paris, puis récupérés par la police. Son tableau Le Pigeon aux petits pois (1911) a également été volé avec quatre autres œuvres lors du fameux casse du musée d’Art moderne de Paris en 2010 par le cambrioleur Vjeran Tomic, surnommé « l’homme-araignée de Paris » – un butin de 100 millions d’euros qui, lui, n’a jamais refait surface.

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