Par
Fabien Massin
Publié le
23 avr. 2025 à 21h23
L’affaire avait fait polémique, au cours d’une séance de conseil municipal bouillonnante et qui a abouti à un procès au tribunal correctionnel de Rouen (Seine-Maritime). Mercredi 23 avril 2025, Laura Slimani, adjointe en charge de démocratie locale et participative, l’égalité femmes-hommes, le handicap et de la lutte contre les discriminations, était jugée pour diffamation, après une plainte déposée contre elle par l’élu de droite Franque-Emmanuel Coupard La Droitte.
Tout remonte à la séance du 9 octobre 2023. L’élu écologiste Jean-Michel Bérégovoy présente une délibération dans laquelle il est question de l’extinction des lumières la nuit dans le secteur des rue Lafayette, Saint-Sever et d’Elbeuf, rive gauche. Ceci, dans un souci de lutte contre la pollution lumineuse nocturne néfaste notamment pour la faune présente en ville. Et pour qualifier cette extinction, les termes de « trame noire » sont utilisés.
Une plainte déposée contre Laura Slimani
Dans l’opposition de droite, l’élu Franque-Emmanuel Coupard La Droitte prend la parole et utilise le terme « faune » dans une autre acception, pour désigner « un ensemble d’individus particuliers », et trouvant « cocasse » l’usage dans ce contexte de l’expression « trame noire ».
• Retrouvez la délibération en question à 2h19 :
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À l’issue de cette intervention, percevant des sous-entendus racistes dans les propos tenus, le maire Nicolas Mayer-Rossignol décide de suspendre temporairement la séance, puis demande des explications sur les mots prononcés, des mots réitérés par l’élu d’opposition.
Après la séance c’est l’élue Laura Slimani qui réagit sur son compte Instagram, qualifiant clairement de « racistes » les propos de Franque-Emmanuel Coupart la Droitte. Qualification qu’elle réaffirme dans les jours suivant interrogée sur le plateau de BFM TV.
En retour, l’élu du groupe Au cœur de Rouen décide de déposer plainte contre Laura Slimani pour diffamation. Poursuite qui a conduit au procès tenu mercredi.
À l’audience, Franque-Emmanuel Coupard La Droitte s’est dit « victime du racisme intellectuel et social » de Laura Slimani, et se présente comme un homme « blessé, humilié, à la réputation bafouée », originaire lui-même « d’une famille multiraciale ». Et sur les propos tenus en conseil municipal, qu’il maintient toujours au procès, selon lui il y a méprise : lorsqu’il parlait de faune dans son esprit c’était pour désigner « les voyous, les malfrats et la pègre qui font la loi dans le quartier ».
« Pourquoi ne pas avoir alors utilisé ces mots plutôt que faune ? », demande la présidente du tribunal à l’élu. « Notre langue est riche, faune a un sens pour qualifier cela, cette faune que nous combattons tous », répond Franque-Emmanuel Coupard La Droitte.
Interrogée à son tour, Laura Slimani a rappelé que parmi ses délégations d’adjointe, il y avait « la lutte contre les discriminations », et qu’à ce titre, au-delà de ses propres convictions personnelles, il était normal qu’elle « s’exprime sur ces sujets ».
L’affaire qui a démarré au conseil municipal de Rouen s’est achevée au tribunal. (©FM/76actu)
« Contrairement à ce que M. Coupard a été tenté de faire croire, je n’ai pas d’animosité personnelle contre lui, mais une opposition politique ferme. Concernant les propos tenus, je n’ai pas eu de doute sur leur caractère raciste, comme l’ensemble de mes collègues au conseil. C’était tellement clair qu’il m’a semblé logique de mettre ces propos sur place publique, même si c’était déjà en ligne [sur le site et le Facebook de la Ville de Rouen, NDLR]. »
Défendant son client, l’avocate de Franque-Emmanuel Coupard La Droitte, Me Jade Laurençon-Marcopoulos a estimé qu’il y avait une « tentative de retournement des débats » : « C’est Laura Slimani qui est accusée, pas mon client, pour diffamation : des accusations de racisme à partir d’extraits tronqués du conseil municipal. Si y a eu plainte contre mon client elle est sans suite et il n’y a pas eu de sanction administrative à son encontre. M. Coupard a utilisé le terme de faune pour qualifier des voyous. »
Et « cocasse » pour « trame noire » — qui n’est pas son expression à l’origine —, cela n’a rien à voir avec la race noire mais avec l’obscurité. Il y a un amalgame faux qui a été fait et qui porte honneur à M. Coupard. »
Me Jade Laurençon-Marcopoulos
En conséquence, l’avocate a demandé à ce que l’élu rouennaise soit condamnée, réclamant par ailleurs la somme de 12 000 euros.
Une « vision indigne et écœurante » de la société.
La défense de Laura Slimani était assurée par Me Arié Halimi : « Je ne pensais pas qu’un jour on pourrait entendre une personne prononcer des propos racistes dans une assemblée républicaine, et qu’on puisse poursuivre la personne qui les dénonce, a-t-il déclaré. C’est vrai on le peut, c’est la beauté du droit. »
Mais pour l’avocat parisien, pas de doute, les mots prononcés en conseil municipal étaient racistes, et selon lui doivent être combattus pour cela — « avec les dents », dit-il même —, dénonçant une « vision indigne et écœurante » de la société.
Au final, le tribunal a relaxé Laura Slimani des faits de diffamation, estimant que les propos à l’origine de la polémique avaient bien un caractère raciste, avec l’utilisation « péjorative » du mot faune et de celle en parallèle de l’expression « trame noire ». Une décision dont l’élu de droite peut encore faire appel.
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