Par
Cédric Nithard
Publié le
19 oct. 2025 à 12h44
Le Printemps Montpelliérain de Jean-Louis Roumégas s’agrandit avec l’Assemblée des quartiers populaires. (©CN / Métropolitain)
L’écologiste Jean-Louis Roumégas serait-il en train de réussir son pari ? Le Printemps Montpelliérain ne cesse en effet de s’agrandir en vue des municipales en mars prochain. Après l’APRÈS34 et Génération.S, c’est au tour de l’Assemblée des quartiers populaires de le rejoindre. Avec à ses côtés des figures historiques du militantisme local, au-delà du coup politique, c’est une nouvelle manière de pratiquer l’exercice de gouvernance qui est promise.
Un lieu d’engagement
Square Abdenour Tatai dans le quartier du Petit Bard. Le lieu n’a pas été choisi au hasard pour présenter la décision de l’Assemblée des quartiers populaires de rejoindre le Printemps Montpelliérain de Jean-Louis Roumégas. En juin 2004, un incendie, parti d’une gaine d’électricité, se déclencha dans une cage d’escalier d’un immeuble de la rue des Trolles provoquant la mort d’un habitant, Hocine El Ouamari. Un drame qui engendrera une mobilisation citoyenne inédite pour la défense d’une rénovation urbaine pensée avec les habitants. C’est alors la naissance d’une conscience collective au cœur d’un de ses quartiers délaissés par la République où les différentes cultures cohabitent en ayant en commun la précarité. Une conscience collective incarnée alors par l’association Justice pour le Petit Bard menée notamment par Abdenour Tatai, décédé en 2008. Une histoire, parfaitement racontée dans le documentaire « La bataille du Petit-Bard » de Samir Abdalla, que ceux qui vivaient à Montpellier à cette période ont tous en mémoire.
Alors oui, le lieu n’a pas été choisi au hasard et constitue plus qu’un symbole, un véritable engagement. Après une première approche à l’occasion de la 1ère Rencontre nationale des écologistes et des quartiers populaires organisée à Montpellier il y a trois semaines, la section locale de l’Assemblée des quartiers populaires rejoint les composantes du Printemps Montpelliérain. Une satisfaction pour Jean-Louis Roumégas qui voit dans les quartiers populaires « un enjeu important » d’un part parce que « le discours d’exclusion domine » et d’autre part parce que « on ne peut pas mener de politique globale en matière d’écologie sans intégrer les quartiers populaires qui sont les premières victimes en matière de santé, d’alimentation et de logement ». En résumé : « Pour les Écologistes, faire de l’écologie sans les quartiers populaires, ce n’est pas possible car si on veut être efficace, on ne peut pas réussir la transition écologique si on n’embarque pas tout le monde ». Et Jean-Louis Roumégas n’aurait pas attendu la campagne des municipales pour cela en évoquant le travail mené à l’intérieur du groupe local des Verts pour s’ouvrir davantage en « recrutant dans les quartiers populaires » et en leur donnant des fonctions à l’instar de Nordine Maktoubi ou Saïd Bouya.
Une force politique organisée
Lancé par des militants œuvrant dans les quartiers à travers toute la France lors de la présidentielle de 2022 pour contrer les discours d’extrême droite, l’appel « On s’en mêle » a donné naissance à l’Assemblée des quartiers populaires. « Ce fut un tournant pour nous car on est passé du terrain social au terrain politique », explique Gemel Ben Saïd. S’il avait été candidat malheureux aux Départementales pour La France Insoumise en 2021, lors des législatives l’année suivante la NUPES lui avait préféré Julien Collet pour partir sur la 1ère circonscription. Le militant n’avait alors pas caché sa déception à l’égard de LFI, non sans en tirer quelques leçons. Aujourd’hui, il a donc choisi de rejoindre le Printemps Montpelliérain. « Ce ne sont pas des individualités qui décident de s’engager et qui choisissent un candidat, c’est un mouvement collectif. Ce n’est pas du vernis ou du saupoudrage, c’est une force politique organisée, née dans les quartiers, qui décide de s’inviter dans le débat public avec ses valeurs, son expérience et toute sa légitimité car les experts de ses quartiers se sont ses habitants » prévient-il.
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« Depuis trop longtemps, les gens des quartiers sont instrumentalisés par les différents pouvoirs socialistes de Frêche à Delafosse. Les gens des quartiers servent toujours de faire-valoir ou de prétexte. On veut retourner la table pour que cela ne se passe pas pour les jeunes comme cela s’est passé pour nous », souligne Tarik Kawtari qui explique leur choix : « Il y a un cadre aujourd’hui avec Le Printemps Montpelliérain qui est ouvert et ils ont envie de changer les choses. Il n’y a pas d’homme ou de femme providentiel, nous ne pensons pas comme ça. Nous pensons la chose comme une équipe et dans l’équipe on discute ». Et cela en ayant parfaitement conscience que tous les protagonistes du jour ne se sont pas toujours entendus. « Si l’on est capable de reconnaître ses erreurs, on peut discuter et avancer ensemble » éclaire-t-il.
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Rachid Drimou, présenté comme « grand témoin hors de toute organisation », a échangé avec ses amis et va dans le même sens : « Il y a un vrai changement radical, ce n’est pas un changement de vitrine, c’est un changement dans les structures, la pensée, dans la façon de faire de la politique. Il faut vraiment faire table rase du passé et partir sur un nouvel élan ». Ce dernier poursuit en tendant la main : « J’invite toutes les listes citoyennes qui se reconnaissent dans cette dynamique de rejoindre le Printemps Montpelliérain pour que Montpellier redonne ses lettres de noblesse à la démocratie. Dans ces quartiers, on ne manque ni d’intelligences ni de talents ni de compétences. On manque juste de confiance et de crédibilité de la part des pouvoirs locaux. On n’a pas besoin de faire de la politique pour les quartiers, on a besoin de faire de la politique par et avec les habitants de ces quartiers ».
« Il ne suffit pas de brandir un drapeau palestinien et de crier « la police tue », cela ne veut rien dire »
Insatisfaits par la politique menée par Michaël Delafosse et ne comptant pas rester inactifs dans ces municipales, avant de faire leur choix, les membres de l’Assemblée des quartiers populaires ont discuté avec différentes formations politiques et en premier lieu La France Insoumise. Une option écartée pour plusieurs raisons. « Ils perpétuent un système qui dure depuis bien trop longtemps où les gens des quartiers ne sont que des figurants ou des seconds rôles. Ici, on est au tous au même titre. Ce n’est pas, certains parlent des quartiers, et d’autres des autres politiques de la ville. On est tous concernés par tous les sujets », met en avant Tarik Kawtari.
Dans sa stratégie pour les municipales, LFI, se basant sur ses résultats obtenus lors des précédentes élections, a décidé de favoriser ses députés mis en lumière par les turpitudes de la politique nationale. Reste que leur ancrage local, comme pour Nathalie Oziol à Montpellier, est régulièrement questionné. « Elle est députée depuis bientôt trois ans et les gens ne la connaissent pas dans le quartier », souligne-t-il ou autrement dit : « Elle n’a pas donné l’heure aux gens qui se battent et sont des acteurs depuis très longtemps ». Et d’enchaîner : « Il ne suffit pas de brandir un drapeau palestinien et de crier « la police tue », cela ne veut rien dire. On n’est pas des bébés, cela ne suffit pas aujourd’hui. On est déjà passés par SOS Racisme, une arnaque montée par le PS, on ne veut pas d’un SOS Racisme politique. Le problème c’est comment relever les gens des quartiers qui ont été tellement discriminés et mis à l’amende qu’ils n’ont plus la force de se relever et d’agir normalement ».
Contrairement à celle de LFI, dont l’approche à l’occasion de la venue de Manuel Bompard n’a visiblement pas été très appréciée, la démarche du Printemps Montpelliérain a donc été perçue par l’Assemblée des quartiers populaires avec plus de sincérité et une réelle volonté de faire participer les habitants. « Nathalie Oziol cela ne nous va pas, elle ne tient pas la route. Nous ne sommes pas en guerre mais on ne veut reproduire le même système qu’avant, on ne veut pas du développement séparé des quartiers à Montpellier. On veut faire avec les gens tels qu’ils sont, on ne va pas les changer. Nous sommes comme nous sommes et nous discutons ensemble pour voir ce qui est le mieux pour nous tous sur tous les sujets : l’écologie, les femmes dans les quartiers, la laïcité, la gouvernance… On ne pense pas que l’on peut changer les choses par le haut. Le système arrive à bout. C’est localement, à partir de ces quartiers, que l’on peut changer les choses », tranche Tarik Kawtari.
« on voit que l’on a jamais tiré les enseignements de ce qu’il s’est passé au Petit Bard »
Et si certains, comme l’a fait Manu Reynaud à l’occasion de la Rencontre des écologistes avec les quartiers populaires, accusent la démarche de communautarisme, Tarik Kawtari renvoie : « Si défendre les quartiers, défendre les plus pauvres, défendre les plus précaires c’est être communautariste, alors on est communautaristes. Mais nous, on ne s’engage pas en tant que musulmans, en tant qu’arabes ou de telle ethnie. On veut s’engager sérieusement, pas juste pour être sur la photo. Nous avons des exigences. Nous voulons changer le mode de gouvernance des quartiers. Nous pensons que ce sont des entités politiques, or, les habitants n’ont rien à dire sur rien de ce qu’il se passe dans leur quartier. Nous voulons changer tout ça ».
Ce dernier balaye par ailleurs « la démocratie participative », vue comme un élément de langage que « tout le monde va employer pendant la campagne électorale mais il se cache derrière quoi ? C’est venir présenter un projet qui a déjà été travaillé dans un bureau d’étude et demander aux gens de dire que c’est bien », pour rappeler : « L’association Justice pour le Petit Bard avait réussi à entrainer les gens pour qu’ils soient moins mal lotis que ce qu’ils auraient été si cela n’avait pas existé et après les femmes se sont enfermées pendant 17 jours dans l’école pour que la carte scolaire ne soit pas changée comme elle devait être changée. Avec ce qu’il se passe depuis quelques années à La Paillade, on voit que l’on n’a jamais tiré les enseignements de ce qui s’est passé au Petit Bard ».
Un sujet qui fait d’ailleurs bondir Coralie Mantion. « La Paillade mérite mieux que des plans B. Pour Michaël Delafosse, un pôle de santé public après l’abandon de la clinique Clementville, c’est un plan B. Cela me choque. La Paillade mérite un projet pensé et réfléchi. Michaël Delafosse rétropédale, navigue à vue, change de direction sans arrêt. La ZAC Mosson Sud est un fiasco autant dans la concertation que la vision. L’enquête publique a recueilli 12 000 avis défavorables parce qu’il y avait une impensée autour de la mosquée. Cela me met en colère parce que j’étais vice-présidente en charge de l’ANRU et je l’avais alerté des dizaines de fois qu’il fallait s’en occuper et le mettait sous le tapis. On a vu ce que cela a donné ». L’Écologiste rebondit sur le dossier du stade de la Mosson dont la rénovation est actée depuis l’abandon du projet de nouveau stade : « On propose une vraie réflexion avec les habitants du quartier pour repenser le stade afin qu’il rayonne toute l’année et pas qu’au moment des matchs « .
Un tacle au passage
Après avoir détaillé il y a quelques jours l’orientation principale de son programme axé sur la démocratie locale, Jean-Louis Roumégas et le Printemps Montpelliérain n’avancent pour l’heure aucun projet précisément mais un mode de gouvernance partagé avec les habitants pour répondre précisément aux besoins de chaque quartier. Et ce, avec la volonté de n’écarter aucun sujet comme le souligne le député en prenant un exemple bien précis. « Tout le monde veut la sécurité, ce n’est pas réservé à la droite ou à l’extrême droite. C’est un sujet pour nous et ne croyez pas que les quartiers sont contre la sécurité. Ils sont les premiers demandeurs de sécurité mais il faut le faire d’une certaine manière. Ce n’est pas en stigmatisant les gens ou en prétendant que l’on va mettre tout le monde en prison. On veut s’attaquer sérieusement à cette question et un des sujets est l’encadrement de la jeunesse. Si on ne s’occupe pas de nos jeunes, il ne faut pas s’étonner qu’ils soient attirés par des chemins hasardeux ».
Une problématique que le candidat entend bien développer dans son programme qui lui a permis une réponse en forme de tacle à une autre candidate : « À Montpellier, la droite et l’extrême droite, c’est Isabelle Perrein puisqu’il parait que nous sommes le diable. Elle a des discours et des valeurs très proches de l’extrême droite. Elle dit qu’elle est hors des partis politiques mais si elle est soutenue par Bruno Retailleau et Les Républicains c’est bien qu’elle a certaines valeurs ».
« Notre histoire parle pour nous »
Au-delà de la vision partagée avec les militants de l’Assemblée des quartiers populaires, Jean-Louis Roumégas ne le dit pas mais sait sans doute qu’il a fait là un joli coup politique. « Ce sont des gens qui ont une histoire, qui sont représentatifs et ont la confiance des quartiers. Ils ne travaillent pas pour eux et sont respectés. Il faut trouver les bons interlocuteurs. C’est vrai dans les partis politiques, dans les quartiers, partout… il faut trouver les personnes capables de représenter les habitants et créer la confiance. La politique c’est la confiance. Et c’est là-dessus que l’on travaille », observe le candidat.
Alors si aujourd’hui Tarik Kawtari ne manque pas d’ambition dans la démarche, il sait que la route sera longue : « On veut que Montpellier soit un cas d’école. Dans les quartiers, il y a des énergies mais aussi des handicaps. On ne va pas le faire en six mois en claquant des doigts, on veut que dans la prochaine mandature il y ait un vrai changement, que l’on donne plus de pouvoir aux gens ». Et si certains auraient la tentation d’instrumentaliser ce ralliement pour diviser au sein des quartiers, Gemel Ben Saïd précise : « Nous sommes un des porte-voix des quartiers populaires mais nous n’avons pas la prétention de préempter les quartiers. D’autres acteurs des quartiers qui ne sont pas à nos côtés se battent au quotidien et sont tout aussi légitimes ». Bien décidé à faire vivre la discussion et les débats durant la campagne, Tarik Kawtari sait d’ailleurs que tous ne seront pas d’accord avec eux. « Certains demanderont pourquoi ils devraient nous croire plus que les autres ? Notre histoire parle pour nous ! » défend-il en argumentant : « Nous n’avons jamais négocié quelque chose pour nous. On vient avec ce que l’on est et on dit que l’on pense que c’est faisable avec le Printemps Montpelliérain. Ils ont montré leur attachement. Peut-être qu’on se trompe, peut-être que l’on est naïf… ».
À noter que, comme les Écologistes, l’Assemblée des quartiers populaires ne suit pas de consigne nationale et laisse le choix aux sections locales en fonction des configurations. À Nantes, les Verts viennent de s’allier avec le PS et à Toulouse l’Assemblée des quartiers populaires s’est unie à La France Insoumise. À Montpellier, même si on est encore loin de l’échéance et que de nombreuses choses vont encore se passer, la situation commence à se clarifier de ce côté de l’échiquier politique. En continuant à rassembler, Le Printemps Montpelliérain prive de fait LFI et Cause Commune de potentiels partenaires. De là à devenir l’épicentre de cette « gauche anti-Delafosse » ? Le chemin pour y parvenir est aussi long que la taille de certains égos ou le nombre de rancœurs et paroles à mettre de côté.
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