Ce sont des incidents graves et regrettables mais qui ne sont malheureusement pas atypiques. Que des supporters en déplacement aillent affronter les locaux dans les endroits où ils ont leurs habitudes et que les locaux veuillent défendre leur territoire arrive régulièrement. Ceci dit, les incidents de dimanche sont marquants, surtout ceux de la fin de journée. Ils interpellent d’autant plus que des menaces de dissolution pèsent sur les groupes de supporters et que ces derniers ont pour la plupart récemment signé un communiqué dénonçant les actes violents. Dans le contexte actuel, ces supporters se tirent une balle dans le pied…
Nicolas Hourcade est enseignant à l’école Centrale de Lyon. (Collection privée/famille Hourcade)Il n’existait pas d’antécédents entre supporters brestois et lensois, et des contacts amicaux avaient même été établis avant les premiers affrontements : comment expliquer une montée de violence aussi soudaine qu’imprévue ?
Il arrive que des tensions surviennent du fait de propos ou d’actes mal appréciés ou perçus comme des provocations. Dans le mouvement ultra, il n’est pas rare qu’une amitié entre groupes vire en inimitié…
Est-il exagéré d’affirmer que les réseaux sociaux – où « la victoire de Lens » a été décrétée après la première échauffourée, ce qui a semble-t-il mis le feu aux poudres et entraîné la 2e phase de violence – jouent aujourd’hui une part prépondérante dans ce type d’événements ?
Non et oui. Non, parce que ces incidents sont vieux comme les hooligans en Angleterre ou les ultras en Italie, et existent depuis les années 60. Par contre, ce qui est nouveau avec les réseaux sociaux, c’est que l’information circule beaucoup plus vite et qu’elle est visible par beaucoup plus de monde. Cette visibilité peut donner envie à certains de rentrer dans cette compétition-là…
En quoi le blocage d’une voie de circulation, la RN12 en l’occurrence, aggrave-t-elle la nature des affrontements ?
Ça l’aggrave parce que la modalité d’action est dangereuse et qu’elle augmente la possibilité de blesser grièvement quelqu’un, même sans le vouloir. Ce qui est paradoxal dans ces compétitions entre ultras, c’est qu’il y a fondamentalement la volonté de l’emporter sur l’autre, de montrer qu’on est plus fort, mais sans forcément la volonté de blesser. Cependant, quand on utilise une modalité d’action comme celle de dimanche, les risques sont énormes de blesser gravement des gens ou de se blesser soi-même…
Quelle devrait être la réponse des pouvoirs publics, compte tenu du contexte politique actuel, selon vous ?
L’enjeu, tout le monde est d’accord là-dessus, c’est d’être capable d’identifier les fauteurs de troubles et d’avoir des sanctions personnalisées pour les écarter des stades. Sauf que ce n’est pas toujours facile ni possible, et que cela a un coût. D’où, souvent, en France, l’utilisation de mesures collectives (interdictions de déplacement, dissolutions d’associations de supporters). Mais une dissolution ne règle en elle-même aucun problème. C’est une mesure symbolique forte mais qui, si elle n’est pas accompagnée de mesures individuelles, n’empêche pas les supporters violents d’aller au stade et de causer à nouveau des incidents. Elle risque aussi de déstabiliser encore plus une tribune car le paradoxe, avec les groupes ultras, c’est qu’ils peuvent être à la fois des vecteurs et des limiteurs de violence : d’un côté, ils peuvent l’attiser par leurs rivalités ; de l’autre, ils ont intérêt à éviter qu’elle soit trop fréquente car cela les décrédibilise.
À quelles sanctions peut-on donc s’attendre suite aux événements de dimanche ?
Ce qui est probable, c’est que les Brestois ne se déplacent plus à Lens et que les Lensois ne se déplacent plus à Brest pendant quelques années. Les ultras, qui insistent sur la liberté de déplacement, devraient avoir conscience qu’avec de tels incidents, ils renforcent les mesures d’interdiction de déplacement qu’ils regrettent par ailleurs. Il y a un décalage entre leurs critiques des mesures collectives et le fait d’avoir des agissements qui vont vraisemblablement provoquer ces mêmes mesures…