En 2022, ils étaient 10%. 10% des adultes en France métropolitaine à avoir « consommé au cours de l’année » du cannabidiol (CBD), selon une étude publiée fin 2023 par Santé publique France. La substance, présente « dans la plante de cannabis » et extraite de celle-ci avant d’être consommée à des fins relaxantes, est disponible en vente libre dans environ 2 000 boutiques en France. Mais alors que sa consommation est autorisée, elle provoque de plus en plus d’intoxications, communément appelées bad trips.
L’alerte a été donnée en juin par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) et l’Agence de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). « Depuis 2024, le nombre d’intoxications liées à la consommation de produits à base de CBD a augmenté significativement, peut-on lire dans leur communiqué conjoint. Dans la majorité des cas, ces intoxications sont causées par des substances interdites, présentes dans ces produits à l’insu du consommateur, ou des taux de THC supérieur à 0,3%. »
Plus « d’une centaine de cas » en Provence
À l’hôpital Sainte-Marguerite, à Marseille, le professeur Joëlle Micallef a recensé une centaine de cas. « Mais tout laisse à penser qu’il y en a plus, s’inquiète celle qui dirige le centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance (CEIP) régional. Des patients disant avoir acheté du CBD présentent des symptômes psychiatriques. Des crises d’angoisse, paranoïas, psychoses, malaises. On se rend compte qu’ils ont acheté des produits agissant sur le cerveau. En les analysant, on découvre qu’il n’y avait pas que du CBD, mais aussi des dérivés, comme les cannabinoïdes de synthèse. »
Ces molécules, qui peuvent imiter les effets du THC et sont parfois appliquées sur les fleurs de CBD, représentent aujourd’hui une large part des « substances initialement présentées comme du CBD mais illégalement modifiées par l’ajout de substances de synthèse dangereuses pour la santé », ont affirmé les douanes début octobre. Ces derniers mois, leur laboratoire parisien a démontré que ces nouvelles substances représentaient « environ 30% des cannabinoïdes de synthèse analysés en 2025 », signe d’une « diffusion rapide ». 274 kilos de ces substances interdites ont été saisis « depuis fin mai ». Pas un gramme en Provence.
À La Ciotat, Nicolas (le prénom a été changé) estime ainsi avoir été victime de ce CBD modifié. « Je me suis senti décoller d’une manière phénoménale, relate le consommateur. Je me suis vu presque de l’extérieur. Je ne me sentais vraiment pas bien. Cela ressemble à du CBD, ça en a l’odeur, la couleur, la texture. Sauf que ça défonce la tête. »
Du CBD « qui fait plus d’effet » facile à trouver
Cette année, une molécule appelée EDMB-4en-Pinaca a fait surface, analysée pour la première fois par le laboratoire des douanes. « On a eu des retours du terrain, comme quoi elle provoquait de très mauvais bad trips, dit Paul Maclean, président de l’Union des professionnels du CBD. On a envoyé des milliers de tests pour que les professionnels testent leurs produits. Certains arrivaient en France sous des appellations commerciales ne correspondant pas à la réalité. Aujourd’hui, il n’y a plus de Pinaca en France selon nous. »
Difficile de savoir si c’est ce que Nicolas a fumé. « Des molécules sont découvertes presque tous les jours, parce qu’une formule chimique remplace une autre, poursuit Joëlle Micallef. C’est comme ça qu’elles passent entre les mailles du filet de la réglementation. » En juillet, elle a tiré la sonnette d’alarme auprès de l’Agence régionale de santé.
Au comptoir des vendeurs de CBD, certains produits sont facilement trouvables. Dans une boutique, proche de la place Castellane à Marseille, l’un d’eux confesse, sans sourciller, « vendre des molécules de synthèse », qui font « un peu plus d’effet » que du CBD normal. « Ouais, je vends du HE », lance le vendeur d’une autre enseigne à proximité. Acronyme de « High Effect », il s’agit de la combinaison de plusieurs molécules, dont le 10-OH-HHC. Pour l’instant légal, il est un substitut au HHC, dérivé synthétique du THC, que l’ANSM classe comme stupéfiant.