Interdite en 2023, « La marche des Normands », organisée par un groupe dénommé « Les Normaux » se présentant comme un « collectif militant enraciné et patriote, blancs, hétérosexuels », s’est déroulée dans les rues de Rouen (Seine-Maritime) le samedi 18 octobre malgré une forte contestation d’élus dont le maire Nicolas Mayer-Rossignol, le conseiller départemental écologiste Jean-Michel Bérégovoy − auteur d’un courrier au préfet − mais aussi des spécialistes de l’histoire et la culture normande.
« C’est à l’encontre de tout notre travail de recherche de vérité historique »
Parmi eux, le Département d’histoire de l’Université de Rouen, la Cité Viking, de nombreux chercheurs, enseignants, guides et conférenciers, signataires d’un communiqué annonçant « n’avoir rien à voir avec La marche des Normands » : « Elle n’a aucune reconnaissance et aucun soutien des personnes travaillant sur l’histoire de la Normandie et la valorisation de la culture. Nous refusons catégoriquement que l’image de notre région soit associée à une identité réactionnaire, de rejet et d’exclusion. C’est à l’encontre de tout le travail de recherche de vérité historique, de médiation scientifique et de valorisation culturelle que nous menons. »
Ils n’ont cependant pas été entendus puisque la préfecture n’a pas interdit l’action : « Comme pour tout rassemblement, le préfet est garant à la fois du respect de la liberté de manifester et de la préservation de l’ordre public. (…) En l’espèce et en l’état des informations disponibles, il n’y a pas d’éléments qui justifieraient une telle mesure à l’encontre des différentes initiatives qui ont été déclarées à la préfecture au cours des derniers jours pour les rassemblements de ce samedi 18 octobre. Les forces de l’ordre seront cependant mobilisées à titre préventif et suivront de près le déroulement des rassemblements, avec les moyens d’intervention utiles si cela s’avérait nécessaire. »
Le jeu du chat et de la souris
En résulte une soirée où on a joué au chat et à la souris dans les rues de Rouen et ce sont les Gendarmes mobiles et les CRS qui ont remporté la partie puisque tout s’est déroulé dans le calme. D’un côté, 200 sympathisants de l’ultra-droite locale « venus célébrer l’identité millénaire » se sont réunis au pied de la statue de Rollon, fondateur de la Normandie dans le parc de l’Hôtel de ville avant de parcourir quelques rues. De l’autre, près de 400 militants de syndicats, de collectifs, de partis politiques de Gauche, mais aussi de nombreuses Rouennaises et Rouennais se sont élancés du Théâtre des Arts. Ils ont été immédiatement bloqués à quelques centaines de mètres dans la rue Jeanne-d’Arc. « Ne laissez passer personne » fut la consigne des officiers de la Gendarmerie Mobile et des CRS. À partir de là, ce fut un défilé dans les rues parallèles pour chercher l’ouverture vers l’Hôtel de ville sans jamais y parvenir avant de se disperser au pied de la rue de la République.
Rencontré par hasard devant l’opéra, Marc-Antoine Jamet, le maire de Val-de-Reuil, membre du Parti socialiste, qui n’était « pas au courant de la marche », a toutefois réagi : « C’est la confrontation entre la culture d’un côté et l’absence de culture de l’autre. Là, je suis avec une délégation allemande et polonaise, une manifestation européenne de sympathie, d’entraide, de compréhension, d’ouverture des frontières et de solidarité. En face, c’est une manifestation d’enfermement de gens sclérosés, renfermés dans leurs idées. C’est un peu triste. On ferait mieux de s’ouvrir. »