Le tout premier moaï en granit au monde vient d’être terminé. Haut de 6, 30 m et pesant plus de quinze tonnes, cette sculpture monumentale est le fruit d’une incroyable collaboration entre la Vallée des saints et l’Île de Pâques. Elle démarre en 2018. Cette année-là, les gérants du site découvrent – dans un livre écrit par Jean Guillou – que la Vallée des saints de Carnoët et l’île située au large du Chili entretiennent un lien historique singulier.

Au XVIIIe siècle, un ingénieur breton faisait partie de la fameuse expédition maritime Lapérouse qui s’est rendue sur l’Île de Pâques. Ce Breton, Paul-Antoine Fleuriot de Langle, était aussi le propriétaire de l’actuel site où est implantée la Vallée des saints. « Lorsque nous l’avons appris, on s’est dit que c’était fou car la Vallée des saints était déjà surnommée l’Île de Pâques bretonne », retrace Sébastien Minguy, directeur du parc. Paul-Antoine Fleuriot de Langle fut à l’origine de la première carte de l’île en 1786.

Après cette découverte, les échanges entre les deux pays se sont succédé jusqu’à aboutir à ce projet unique. « Le chantier du moaï a démarré le 15 septembre et devrait se terminer le 16 octobre. »

Alberto Ika Araki attaque les finissions sur le moaï.Alberto Ika Araki attaque les finissions sur le moaï. (Le Télégramme/Hélène Duros)Le drapeau l’Île de Pâques flotte sur le chantier à la Vallée des saints.Le drapeau l’Île de Pâques flotte sur le chantier à la Vallée des saints. (Le Télégramme/Hélène Duros)Les moaïs représentent les âmes des ancêtres

L’œuvre a été réalisée par quatre sculpteurs, deux Bretons, Kito et Vincent Lemaçon, et deux Pascuans, Alberto Ika Araki et Jose Ika Sanchez. « Je suis très content d’avoir participé à cette expérience inouïe », raconte Kito. La barrière de la langue n’a pas empêché les quatre artistes de se comprendre. « Nous autres sculpteurs parlons avec nos mains. Cette œuvre a été appelée le « Moaï de la fraternité » (Mana Tapu Ao) mais nous aurions pu l’appeler le « Moaï de l’amitié ». J’aurais aimé que mon oncle, Jean Guillou, soit encore en vie pour voir ce que nous avons fait. »

Cette collaboration a pour moteur la transmission culturelle et technique. Pour les Pascuans, les moaïs sont la personnification de leurs ancêtres. « Sur l’Île de Pâques, les moaïs sont des tombes », précise Sébastien Minguy. En septembre, avant le début du chantier, une cérémonie a été réalisée et un feu allumé. « De cette façon, les Pascuans appellent les âmes de leurs ancêtres. » Le feu sera seulement éteint une fois le moaï terminé.

Deux oiseaux et un œuf ont été gravés sur le socle qui accueillera la sculpturesDeux oiseaux et un œuf ont été gravés sur le socle qui accueillera la sculptures (Le Télégramme/Hélène Duros)Les yeux du moaï seront réalisés en marbre de Carrare.Les yeux du moaï seront réalisés en marbre de Carrare. (Le Télégramme/Hélène Duros)Un saint breton sur l’Île de Pâques

Sur le socle qui accueille la sculpture depuis vendredi, deux oiseaux et un œuf ont été gravés. « Ils symbolisent la vie. » Sur la tête du moaï, le pukao (chapeau) a été fixé. Il a été réalisé en granit rouge. « Les pukao sont rouges car, au Ve siècle, lorsque les premiers habitants sont arrivés sur l’Île de Pâques, ils se teignaient les cheveux en rouge. » En trente jours, Alberto Ika Araki et Jose Ika Sanchez ont été formés à deux nouvelles techniques. « Ils vont également repartir avec du matériel. »
Habitués à la roche volcanique, les deux Pascuans ont dû apprendre à travailler le granit, une roche beaucoup plus dure. La deuxième étape de cette collaboration devrait démarrer fin 2026-2027. « La même équipe d’artistes devrait se former, cette fois-ci pour réaliser la sculpture d’un saint breton sur l’Île de Pâques. Le choix n’est pas encore acté mais ce sera probablement une sainte. »

Pratique

Une fois terminé, le moaï voyagera en Bretagne avant d’être exposée définitivement à la Vallée des saints. Du 19 novembre au 7 janvier, à Brest, du 7 janvier au 29 mars à Quemper-Guézennec (lieu de naissance de Paul Antoine Fleuriot de Langle), du 30 mars au 26 avril au Château des pères à Piré-Chancé (35), du 27 avril au 28 mai à Lorient.

Un feu a été allumé au lancement du chantier. Une manière pour les Pascuans d’appeler l’âme de leurs ancêtres.Un feu a été allumé au lancement du chantier. Une manière pour les Pascuans d’appeler l’âme de leurs ancêtres. (Le Télégramme/Hélène Duros)